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Ariane Web: Conseil d'État 347480, lecture du 27 mai 2011, ECLI:FR:CESSR:2011:347480.20110527

Décision n° 347480
27 mai 2011
Conseil d'État

N° 347480
ECLI:FR:CESSR:2011:347480.20110527
Inédit au recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Jacques Arrighi de Casanova, président
M. Laurent Cytermann, rapporteur
M. Bertrand Dacosta, rapporteur public


Lecture du vendredi 27 mai 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu l'ordonnance n° 1100199 du 14 mars 2011, enregistrée au secrétariat du contentieux le 15 mars 2011, par laquelle la présidente du tribunal administratif de Caen, avant qu'il soit statué sur la demande de M. Thierry A tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2010 portant titre de pension de retraite, en tant qu'il applique un coefficient de minoration pour le calcul de ses droits à pension, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 1er-2 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 issu de l'article 69 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif de Caen, présenté par M. Thierry A, demeurant ..., en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984, notamment son article 1er-2, issu de loi n° 2003-75 du 21 août 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Dieu, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;



Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que l'article 1er-2 de la loi du 13 septembre 1984, issu de l'article 69 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, dispose : Les fonctionnaires intégrés, à la suite d'une réforme statutaire, dans un corps dont la limite d'âge est fixée à soixante-cinq ans, après avoir accompli au moins quinze ans de services dans un emploi classé dans la catégorie active, conservent sur leur demande et à titre individuel le bénéfice de la limite d'âge de cet emploi. ;

Considérant que M. A, ancien instituteur qui a été intégré dans le corps des conseillers d'éducation populaire et de jeunesse après avoir passé avec succès les épreuves d'un concours, soutient que ces dispositions sont contraires au principe d'égalité, en ce qu'elles réservent, s'agissant des fonctionnaires ayant accompli quinze ans de service en catégorie active et ayant par la suite été intégrés dans un corps dont la limite d'âge est de soixante-cinq ans, le bénéfice de la limite d'âge afférente à l'emploi d'origine à ceux qui ont été intégrés dans le cadre d'une réforme statutaire ;

Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en outre, s'agissant de fonctionnaires, le principe d'égalité de traitement n'est susceptible de s'appliquer qu'entre agents du même corps ;

Considérant que les dispositions contestées ont pour objet de compenser, pour les fonctionnaires ayant appartenu à des corps, tels que celui des instituteurs, comportant des emplois classés dans la catégorie active se traduisant par une limite d'âge inférieure à soixante-cinq ans, et dont l'intégration dans un autre corps résulte d'une réforme statutaire, les effets de la réforme du calcul de la décote opérée par la loi du 21 août 2003 ; que les fonctionnaires qui, comme M. A, ont fait le choix de changer de corps à l'occasion d'une évolution de leur carrière, ne sont pas, au regard de l'objet de ce texte, dans la même situation que ceux qui se trouvent intégrés dans un autre corps par l'effet d'une réforme statutaire ; que, dès lors, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Caen.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Thierry A, au Premier ministre, au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Caen.