Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 313605, lecture du 28 novembre 2011, ECLI:FR:CESSR:2011:313605.20111128

Décision n° 313605
28 novembre 2011
Conseil d'État

N° 313605
ECLI:FR:CESSR:2011:313605.20111128
Publié au recueil Lebon
3ème et 8ème sous-sections réunies
M. Guillaume Odinet, rapporteur
M. Edouard Geffray, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, avocats


Lecture du lundi 28 novembre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu, 1°), avec les pièces qui y sont visées, la décision du 6 novembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête enregistrée sous le n° 313605, présentée pour la SOCIETE MONSANTO SAS, dont le siège est 1 rue Jacques Monod, Europarc du Chêne, à Bron (69500), la SOCIETE MONSANTO AGRICULTURE FRANCE SAS, dont le siège est 1 rue Jacques Monod, Europarc du Chêne, à Bron (69500), la SOCIETE MONSANTO INTERNATIONAL SARL, dont le siège est 1A rue des vignerons à Morges (1110), Suisse, et la SOCIETE MONSANTO EUROPE SA, dont le siège est 270-272 avenue de Tervuren à Bruxelles (1150), Belgique, et tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, interdisant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Zea Mays L. lignée MON 810, a admis l'intervention de l'association France Nature Environnement et sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions de savoir :

1) si, lorsqu'un organisme génétiquement modifié constituant un aliment pour animaux a été mis sur le marché avant la publication du règlement (CE) n° 1829/2003 et que cette autorisation est maintenue en vigueur en application des dispositions de l'article 20 de ce règlement, avant qu'il n'ait été statué sur la demande de nouvelle autorisation qui doit être introduite en application de ce règlement, il doit être regardé comme étant au nombre des produits mentionnés par les dispositions de l'article 12 de la directive 2001/18/CE et si, dans cette hypothèse, cet organisme génétiquement modifié est soumis, pour ce qui concerne les mesures d'urgence pouvant être prises postérieurement à la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché, au seul article 34 du règlement (CE) n° 1829/2003 ou si, au contraire, de telles mesures peuvent être prises par un Etat membre sur le fondement de l'article 23 de la directive et des dispositions nationales qui en assurent la transposition ;

2) si et dans quelles conditions, dans l'hypothèse où les mesures d'urgence ne pourraient intervenir que dans le cadre des dispositions de l'article 34 du règlement (CE) n° 1829/2003, une mesure telle que celle de l'arrêté attaqué du 7 février 2008 peut être prise par les autorités d'un Etat membre au titre de la maîtrise du risque évoquée à l'article 53 du règlement (CE) n° 178/2002 ou des mesures conservatoires pouvant être prises par un Etat membre sur le fondement de l'article 54 du même règlement ;

3) dans l'hypothèse où les autorités d'un Etat membre peuvent intervenir sur le fondement de l'article 23 de la directive 2001/18/CE ou sur celui de l'article 34 du règlement (CE) n° 1829/2003, ou sur l'une et l'autre de ces bases juridiques, en tenant notamment compte du principe de précaution, quel degré d'exigence imposent respectivement les dispositions de l'article 23 de la directive subordonnant l'intervention de mesures d'urgence telles que la suspension de l'utilisation du produit à la condition que l'Etat membre ait des " raisons précises de considérer qu'un OGM (...) présente un risque pour (...) l'environnement " et celles de l'article 34 du règlement qui subordonnent l'intervention d'une telle mesure à la condition que le produit soit " de toute évidence, susceptible de présenter un risque grave pour (...) l'environnement " en matière d'identification du risque, d'évaluation de sa probabilité et d'appréciation de la nature de ses effets ;




Vu, 2°), avec les pièces qui y sont visées, la décision du 28 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête enregistrée sous le n° 313546, présentée pour l'ASSOCIATION GENERALE DES PRODUCTEURS DE MAIS (AGPM), dont le siège est 21 chemin de Pau à Montardon (64121), et tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, interdisant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Zea Mays L. lignée MON 810, a admis les interventions de l'association France Nature Environnement et de la Confédération Paysanne et sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les mêmes questions que celles qu'il avait posées dans sa décision visée au 1°) ci-dessus ;



....................................................................................

Vu, 3°), avec les pièces qui y sont visées, la décision du 28 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête enregistrée sous le n° 313548, présentée pour la SCEA DE MALAPRADE, dont le siège est Malaprade-Cahuzac à Soreze (81540), la SCEA COUTIN, dont le siège est Domaine de Coutin à Carcans (33121), M. Jérôme HUARD, demeurant Sermaise à Maves (41500 Cedex 417), M. Dominique RICHER, demeurant 49, Le Bourg à La Chapelle Onzerain (45310), l'EARL DE CANDELON, dont le siège est Villa Candelon à Auvillar (82340), M. Bernard MIR, demeurant Priou à Calmont (31560), l'EARL DES MENIRS, dont le siège est Priou à Calmont (31560), Mme Marie-Jeanne DARRICAU, demeurant Barrat de Vin à Sorde L'abbaye (40300), et le GAEC DE COMMENIAN, dont le siège est Domaine de Commenian Lavernose Lacasse à Noe (31410), et tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, interdisant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Zea Mays L. lignée MON 810, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les mêmes questions que celles qu'il avait posées dans sa décision visée au 1°) ci-dessus ;


....................................................................................

Vu, 4°), avec les pièces qui y sont visées, la décision du 28 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête enregistrée sous le n° 313614, présentée pour la SOCIETE PIONEER GENETIQUE, dont le siège est Chemin de l'Enseigure à Aussonne (31840), et la SOCIETE PIONEER SEMENCES, dont le siège est Chemin de l'Enseigure à Aussonne (31840), et tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, interdisant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Zea Mays L. lignée MON 810, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les mêmes questions que celles qu'il avait posées dans sa décision visée au 1°) ci-dessus ;

....................................................................................


Vu, 5°), avec les pièces qui y sont visées, la décision du 28 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête enregistrée sous le n° 313616, présentée pour le SYNDICAT DES ETABLISSEMENTS DE SEMENCES AGREES POUR LES SEMENCES DE MAIS (SEPROMA), dont le siège est 17 rue du Louvre à Paris (75001), et tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, interdisant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Zea Mays L. lignée MON 810, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les mêmes questions que celles qu'il avait posées dans sa décision visée au 1°) ci-dessus ;


....................................................................................

Vu, 6°), avec les pièces qui y sont visées, la décision du 28 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête enregistrée sous le n° 313618, pour la SOCIETE CAUSSADE SEMENCES SA, dont le siège est Zone Industrielle de Meaux à Caussade (82300), représentée par son président-directeur général, et tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, interdisant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Zea Mays L. lignée MON 810, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les mêmes questions que celles qu'il avait posées dans sa décision visée au 1°) ci-dessus ;


....................................................................................

Vu, 7°), avec les pièces qui y sont visées, la décision du 28 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête enregistrée sous le n° 313620, présentée pour la SOCIETE LIMAGRAIN VERNEUIL HOLDING, dont le siège est Ferme de l'Etang B.P. 3 à Verneuil L'Etang (77390), représentée par son président-directeur général, et tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, interdisant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Zea Mays L. lignée MON 810, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les mêmes questions que celles qu'il avait posées dans sa décision visée au 1°) ci-dessus ;


....................................................................................

Vu, 8°), avec les pièces qui y sont visées, la décision du 28 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête enregistrée sous le n° 313622, pour la SOCIETE MAISADOUR SEMENCES, dont le siège est Route de Saint-Sever à Haut-Mauco (40280), représentée par son président-directeur général, et tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, interdisant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Zea Mays L. lignée MON 810, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les mêmes questions que celles qu'il avait posées dans sa décision visée au 1°) ci-dessus ;


....................................................................................

Vu, 9°), avec les pièces qui y sont visées, la décision du 28 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête enregistrée sous le n° 313624, présentée pour la SOCIETE RAGT SEMENCES S.A., dont le siège est Rue Emile Singla Site de Bourran B.P. 3357 à Rodez (12033 Cedex 09), représentée par son président-directeur général, et tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, interdisant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Zea Mays L. lignée MON 810, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les mêmes questions que celles qu'il avait posées dans sa décision visée au 1°) ci-dessus ;

....................................................................................

Vu, 10°), avec les pièces qui y sont visées, la décision du 28 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête enregistrée sous le n° 313683, présentée pour la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE EURALIS SEMENCES, dont le siège est Avenue Gaston Phoebus à Lescar (64230), et la SOCIETE COOPERATIVE A CAPITAL VARIABLE EURALIS COOP, dont le siège est Avenue Gaston Phoebus à Lescar (64230), et tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, interdisant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Zea Mays L. lignée MON 810, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les mêmes questions que celles qu'il avait posées dans sa décision visée au 1°) ci-dessus ;


....................................................................................



Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la directive 90/220/CEE du 23 avril 1990 ;

Vu la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001 ;

Vu le règlement (CE) n° 178/2002 du 28 janvier 2002 ;

Vu le règlement (CE) n° 1829/2003 du 22 septembre 2003 ;

Vu la décision de la Commission n° 98/294/CE du 22 avril 1998 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code rural ;

Vu le décret n° 81-605 du 18 mai 1981 ;

Vu le décret n° 2007-1710 du 5 décembre 2007 ;

Vu l'arrêt en date du 8 septembre 2011 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne dans les affaires jointes C-58/10 à C-68/10 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Odinet, Auditeur,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE MONSANTO SAS et autres, de la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de l'ASSOCIATION GENERALE DES PRODUCTEURS DE MAIS et de la SCEA de Malaprade et autres, et de la SCP Monod, Colin, avocat de la SOCIETE PIONEER GENETIQUE et autres, du SEPROMA, de la SOCIETE CAUSSADE SEMENCES SA, de la SOCIETE LIMAGRAIN VERNEUIL HOLDING, de la SOCIETE MAISADOUR SEMENCE, de la SOCIETE RAGT SEMENCES SA et de la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEES EURALIS SEMENCES et autre,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE MONSANTO SAS et autres, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de l'ASSOCIATION GENERALE DES PRODUCTEURS DE MAIS et de la SCEA de Malaprade et autres, et à la SCP Monod, Colin, avocat de la SOCIETE PIONEER GENETIQUE et autres, du SEPROMA, de la SOCIETE CAUSSADE SEMENCES SA, de la SOCIETE LIMAGRAIN VERNEUIL HOLDING, de la SOCIETE MAISADOUR SEMENCE, de la SOCIETE RAGT SEMENCES SA et de la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEES EURALIS SEMENCES et autre ;



Considérant que les requêtes présentées sous les nos 313546, 313548, 313605, 313614, 313616, 313618, 313620, 313622, 313624 et 313683 sont dirigées contre le même arrêté ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maïs MON 810 est une variété de maïs génétiquement modifiée en vue de lui donner une plus grande résistance aux insectes ravageurs de cette plante ; que l'autorisation de mise sur le marché de cet organisme génétiquement modifié (OGM) a été délivrée le 22 avril 1998 par la Commission européenne sur le fondement des dispositions de la directive 90/220/CEE du Conseil du 23 avril 1990 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement, alors en vigueur ; que le 12 juillet 2004, cet OGM a été notifié en tant que produit existant dans les conditions énoncées à l'article 20 du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003, concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés ; que la société MONSANTO SAS et autres demandent l'annulation de l'arrêté du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, par lequel le ministre de l'agriculture et de la pêche a interdit la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Zea Mays L. lignée MON 810 jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande de renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché de cet organisme ;

Considérant, d'une part, que la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement a abrogé la directive 90/220/CEE et établi un principe de " continuité " avec cette directive en réputant notamment que les références faites à la directive abrogée s'entendent comme faites à la nouvelle directive ; que le paragraphe 1 de l'article 23 de la directive 2001/18/CE dispose que : " Lorsqu'un Etat membre, en raison d'informations nouvelles ou complémentaires, devenues disponibles après que l'autorisation a été donnée et qui affectent l'évaluation des risques pour l'environnement ou en raison de la réévaluation des informations existantes sur la base de connaissances scientifiques nouvelles ou complémentaires, a des raisons précises de considérer qu'un OGM en tant que produit ou élément de produit ayant fait l'objet d'une notification en bonne et due forme et d'une autorisation écrite conformément à la présente directive présente un risque pour la santé humaine ou l'environnement, il peut limiter ou interdire, à titre provisoire, l'utilisation et/ou la vente de cet OGM en tant que produit ou élément de produit sur son territoire. / (...) / L'Etat membre informe immédiatement la Commission et les autres Etats membres des actions entreprises au titre du présent article et indique les motifs de sa décision (...) " ; que, toutefois, aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la même directive : " Les articles 13 à 24 ne s'appliquent pas aux OGM en tant que produits ou éléments de produits dans la mesure où ils sont autorisés par une législation communautaire qui prévoit une évaluation spécifique des risques pour l'environnement (...) " ;

Considérant, d'autre part, que les aliments génétiquement modifiés pour animaux qui ont été légalement mis sur le marché avant la date de publication du règlement (CE) n° 1829/2003 sont soumis aux dispositions de ce règlement et notamment, aux termes du paragraphe 5 de son article 20, " de ses articles 21, 22 et 34, qui s'appliquent mutatis mutandis " ; qu'aux termes de l'article 34 de ce règlement : " Lorsqu'un produit autorisé par le présent règlement ou conformément à celui-ci est, de toute évidence, susceptible de présenter un risque grave pour la santé humaine, la santé animale ou l'environnement (...), des mesures sont arrêtées conformément aux procédures visées aux articles 53 et 54 du règlement (CE) n° 178/2002. " ; qu'aux termes de l'article 53 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires : " 1. Lorsqu'il est évident que des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux d'origine communautaire (...) sont susceptibles de constituer un risque sérieux pour la santé humaine, la santé animale ou l'environnement et que ce risque ne peut être maîtrisé de façon satisfaisante par le biais de mesures prises par le ou les Etats membres concernés, la Commission (...) arrête sans délai, de sa propre initiative ou à la demande d'un Etat membre, en fonction de la gravité de la situation, une ou plusieurs des mesures suivantes : / a) pour les denrées alimentaires ou aliments pour animaux d'origine communautaire : (...) / ii) suspension de la mise sur le marché ou de l'utilisation des aliments pour animaux en question ; / iii) fixation de conditions particulières pour les denrées alimentaires ou aliments pour animaux en question ; iv) toute autre mesure conservatoire appropriée ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 54 du même règlement : " 1. Lorsqu'un Etat membre informe officiellement la Commission de la nécessité de prendre des mesures d'urgence et que la Commission n'a pris aucune mesure conformément à l'article 53, cet Etat membre peut prendre des mesures conservatoires. Dans ce cas, il en informe immédiatement les autres Etats membres et la Commission. (...) / 3. L'Etat membre peut maintenir les mesures conservatoires qu'il a prises au niveau national jusqu'à l'adoption des mesures communautaires. " ;

Considérant que, dans l'arrêt du 8 septembre 2011 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, en premier lieu, que des organismes génétiquement modifiés qui ont été autorisés notamment en tant que semences à des fins de culture, en application de la directive 90/220/CEE, et qui, dans les conditions énoncées à l'article 20 du règlement (CE) n° 1829/2003, ont été notifiés en tant que produits existants, puis ont fait l'objet d'une demande de renouvellement d'autorisation en cours d'examen, ne peuvent pas faire l'objet, de la part d'un Etat membre, de mesures de suspension ou d'interdiction provisoire de l'utilisation ou de la mise sur le marché en application de l'article 23 de la directive 2001/18/CE, de telles mesures pouvant, en revanche, être adoptées conformément à l'article 34 du règlement (CE) n° 1829/2003 ; en deuxième lieu, que l'article 34 du règlement (CE) n° 1829/2003 n'autorise un Etat membre à adopter des mesures d'urgence que dans les conditions de procédure énoncées à l'article 54 du règlement (CE) n° 178/2002 et que, en particulier, l'information de la Commission que cet article prévoit doit intervenir, en cas d'urgence, au plus tard de manière concomitante à l'adoption des mesures d'urgence par l'Etat membre concerné ; en dernier lieu, que, en vue de l'adoption de mesures d'urgence, l'article 34 du règlement (CE) n° 1829/2003 impose aux Etats membres d'établir, outre l'urgence, l'existence d'une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l'environnement ;

Considérant qu'il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne de la réglementation applicable que le maïs MON 810, qui a été autorisé notamment en tant que semence à des fins de culture, en application de la directive 90/220/CEE, et a été notifié en tant que produit existant, dans les conditions énoncées à l'article 20 du règlement (CE) n° 1829/2003, puis a fait l'objet d'une demande de renouvellement d'autorisation en cours d'examen, pouvait faire l'objet de mesures de suspension ou d'interdiction sur le fondement de l'article 34 du règlement (CE) n° 1829/2003, mais non sur le fondement de l'article 23 de la directive 2001/18/CE ; qu'il suit de là que de telles mesures ne pouvaient être adoptées que dans le respect, d'une part, des conditions de procédure énoncées à l'article 54 précité du règlement (CE) n° 178/2002 et, d'autre part, des conditions relatives à l'urgence et à l'existence d'une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l'environnement énoncées à l'article 34 du règlement (CE) n° 1829/2003 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE MONSANTO SAS et autres sont fondées à soutenir qu'en se référant à l'article 23 de la directive 2001/18/CE pour prendre, par l'arrêté contesté, des mesures d'urgence concernant la mise en culture du maïs MON 810, le ministre de l'agriculture et de la pêche a commis une erreur de droit ;

Considérant, toutefois, que le ministre soutient que l'arrêté contesté peut trouver un fondement légal dans les dispositions de l'article 34 du règlement (CE) n° 1829/2003 ou, à titre subsidiaire, dans les dispositions alors en vigueur de l'article L. 535-2 du code de l'environnement ou de l'article L. 251-1 du code rural ;

Considérant que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ;

Sur l'invocation du règlement (CE) n° 1829/2003 :

Considérant que pour fonder sa décision, le ministre invoque la circonstance que l'avis du comité de préfiguration de la haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés exposait des faits nouveaux mettant en évidence le fait que le maïs génétiquement modifié MON 810 était susceptible de présenter des risques sérieux pour l'environnement ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que cet avis, après avoir relevé certains acquis scientifiques nouveaux relatifs aux OGM et dressé une liste de questions méritant, selon lui, d'être étudiées, se bornait à faire état " d'interrogations quant aux conséquences environnementales, sanitaires et économiques possibles de la culture et de la commercialisation du MON 810 " ; qu'ainsi, le ministre ne saurait être regardé comme ayant établi, en invoquant exclusivement l'avis précité, l'existence de circonstances de nature à caractériser une urgence et d'une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l'environnement ; que, dès lors, l'arrêté contesté ne saurait être légalement fondé sur les dispositions combinées de l'article 34 du règlement (CE) n° 1829/2003 et de l'article 54 du règlement (CE) n° 178/2002 ;

Sur l'invocation des dispositions des articles L. 535-2 du code de l'environnement et L. 251-1 du code rural :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 535-2 du code de l'environnement en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " I. Dans tous les cas où une nouvelle évaluation des risques que la présence d'organismes génétiquement modifiés fait courir à la santé publique ou à l'environnement le justifie, l'autorité administrative peut, aux frais du titulaire de l'autorisation ou des détenteurs des organismes génétiquement modifiés : / 1° Suspendre l'autorisation dans l'attente d'informations complémentaires et, s'il y a lieu, ordonner le retrait des produits de la vente ou en interdire l'utilisation ; / 2° Imposer des modifications aux conditions de la dissémination volontaire ; / 3° Retirer l'autorisation ; / 4° Ordonner la destruction des organismes génétiquement modifiés et, en cas de carence du titulaire de l'autorisation ou du détenteur, y faire procéder d'office. / II. Sauf en cas d'urgence, ces mesures ne peuvent intervenir que si le titulaire a été mis à même de présenter ses observations. " ; qu'en vertu de l'article 4-1 du décret du 18 mai 1981 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes en ce qui concerne le commerce des semences et plants, l'autorité administrative compétente pour statuer sur la demande d'autorisation de mise sur le marché de produits non destinés à l'alimentation composés en tout ou en partie d'OGM est le ministre chargé de l'agriculture ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 251-1 du code rural dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " I. Les végétaux, y compris les semences, les produits antiparasitaires à usage agricole et les produits assimilés, les matières fertilisantes et les supports de cultures composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés disséminés dans l'environnement ou mis sur le marché, font l'objet d'une surveillance renforcée effectuée par les agents chargés de la protection des végétaux habilités en vertu des lois et règlements applicables à ces produits. (...) / V. Dans l'intérêt de la santé publique et de l'environnement, l'autorité administrative peut, par arrêté, prendre toutes mesures destinées à collecter les données et informations relatives à ces opérations, afin d'en assurer le traitement et la diffusion, ainsi que des mesures d'interdiction, de restriction ou de prescriptions particulières concernant la mise sur le marché, la délivrance et l'utilisation des produits mentionnés au présent article (...) " ; que l'article D. 251-42 du même code dispose : " L'autorité administrative mentionnée au V de l'article L. 251-1 est le ministre chargé de l'agriculture " ;

Considérant que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment son arrêt du 25 mars 1999, " Commission contre République italienne ", C-112/97, lorsque des règlements ou des directives communautaires procèdent à une harmonisation exhaustive des mesures nécessaires à assurer la protection de la santé humaine et la santé animale et aménagent des procédures communautaires de contrôle de leur observation, c'est dans le cadre tracé par le règlement ou la directive d'harmonisation que les contrôles appropriés doivent être effectués et les mesures de protection prises ; que le règlement (CE) n° 1829/2003 a fixé des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance des denrées alimentaires et des aliments pour animaux génétiquement modifiés et a défini de façon exhaustive, sans renvoyer à l'adoption de textes d'application par les Etats membres et sans que de tels textes d'application soient rendus nécessaires pour sa pleine efficacité, les cas dans lesquels la Commission ou un Etat membre peut adopter des mesures d'urgence telles que la suspension ou la modification de l'autorisation d'un aliment pour animaux génétiquement modifié, ainsi que les procédures à respecter pour l'adoption de telles mesures ; que, dès lors, les dispositions précitées de l'article L. 535-2 du code de l'environnement et de l'article L. 251-1 du code rural ne sauraient permettre au ministre d'adopter des mesures d'interdiction, de restriction ou de prescriptions particulières concernant la mise sur le marché, la délivrance et l'utilisation des aliments pour animaux génétiquement modifiés ; que, par suite, elles ne sauraient constituer le fondement légal de l'arrêté litigieux ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SOCIETE MONSANTO SAS et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, par lequel le ministre de l'agriculture a interdit la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Zea Mays L. lignée MON 810 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en premier lieu, la somme de 500 euros chacun à verser à la SOCIETE MONSANTO SAS, à la SOCIETE MONSANTO AGRICULTURE FRANCE SAS, à la SOCIETE MONSANTO INTERNATIONAL SARL et à la SOCIETE MONSANTO EUROPE SA, à l'ASSOCIATION GENERALE DES PRODUCTEURS DE MAIS, à la SOCIETE PIONEER GENETIQUE, à la SOCIETE PIONEER SEMENCES, à l'UNION FRANCAISE DES SEMANCIERS, venant aux droits du SYNDICAT DES ETABLISSEMENTS DE SEMENCES AGREES POUR LES SEMENCES DE MAIS, à la SOCIETE CAUSSADE SEMENCES SA, à la SOCIETE LIMAGRAIN VERNEUIL HOLDING, à la SOCIETE MAISADOUR SEMENCES, à la SOCIETE RAGT SEMENCES S.A., à la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE EURALIS SEMENCES et à la SOCIETE COOPERATIVE A CAPITAL VARIABLE EURALIS COOP et, en second lieu, la somme globale de 3 000 euros à verser à la SCEA DE MALAPRADE, à la SCEA COUTIN, à M. HUARD, à M. RICHER, à l'EARL DE CANDELON, à M. MIR, à l'EARL DES MENIRS, à Mme Marie-Jeanne DARRICAU et au GAEC DE COMMENIAN ;





D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, interdisant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Zea Mays L. lignée MON 810 est annulé.
Article 2 : l'Etat versera la somme de 500 euros chacun à la SOCIETE MONSANTO SAS, à la SOCIETE MONSANTO AGRICULTURE FRANCE SAS, à la SOCIETE MONSANTO INTERNATIONAL SARL et à la SOCIETE MONSANTO EUROPE SA, à l'ASSOCIATION GENERALE DES PRODUCTEURS DE MAIS, à la SOCIETE PIONEER GENETIQUE, à la SOCIETE PIONEER SEMENCES, à l'UNION FRANCAISE DES SEMANCIERS, venant aux droits du SYNDICAT DES ETABLISSEMENTS DE SEMENCES AGREES POUR LES SEMENCES DE MAIS, à la SOCIETE CAUSSADE SEMENCES SA, à la SOCIETE LIMAGRAIN VERNEUIL HOLDING, à la SOCIETE MAISADOUR SEMENCES, à la SOCIETE RAGT SEMENCES S.A., à la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE EURALIS SEMENCES et à la SOCIETE COOPERATIVE A CAPITAL VARIABLE EURALIS COOP, et la somme globale de 3 000 euros à la SCEA DE MALAPRADE, à la SCEA COUTIN, à M. HUARD, à M. RICHER, à l'EARL DE CANDELON, à M. MIR, à l'EARL DES MENIRS, à Mme Marie-Jeanne DARRICAU et au GAEC DE COMMENIAN.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE MONSANTO SAS, à l'ASSOCIATION GENERALE DES PRODUCTEURS DE MAIS, à la SCEA DE MALAPRADE, à la SOCIETE PIONEER GENETIQUE, à l'UNION FRANCAISE DES SEMENCIERS, venant au droit du SYNDICAT DES ETABLISSEMENTS DE SEMENCES AGREES POUR LES SEMENCES DE MAIS, à la SOCIETE CAUSSADE SEMENCES SA, à la SOCIETE LIMAGRAIN VERNEUIL HOLDING, à la SOCIETE MAISADOUR SEMENCES, à la SOCIETE RAGT SEMENCES S.A., à la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE EURALIS SEMENCES et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. La SOCIETE MONSANTO AGRICULTURE FRANCE SAS, la SOCIETE MONSANTO INTERNATIONAL SARL et la SOCIETE MONSANTO EUROPE SA seront informées de la présente décision par la SCP Barthélémy, Matuchansky, Vexliard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat. La SCEA COUTIN, M. Jérôme HUARD, M. Dominique RICHER, l'EARL DE CANDELON, M. Bernard MIR, l'EARL DES MENIRS, Mme Marie-Jeanne DARRICAU, et le GAEC DE COMMENIAN seront informés de la présente décision par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat. La SOCIETE PIONEER SEMENCES et la SOCIETE COOPERATIVE A CAPITAL VARIABLE EURALIS COOPSOCIETE MONSANTO SAS seront informées de la présente décision par la SCP Monod, Colin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat. Une copie de cette décision sera adressée, pour information, à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à l'association France Nature Environnement et à la Confédération Paysanne.