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Ariane Web: Conseil d'État 364449, lecture du 14 décembre 2012, ECLI:FR:CEORD:2012:364449.20121214

Décision n° 364449
14 décembre 2012
Conseil d'État

N° 364449
ECLI:FR:CEORD:2012:364449.20121214
Inédit au recueil Lebon



Lecture du vendredi 14 décembre 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Lok B, élisant domicile ... ; M. B demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 12200535 du 3 décembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administratif, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris de lui indiquer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le ou les centres d'accueil pour demandeurs d'asile ou le centre d'hébergement et de réinsertion sociale susceptibles de l'accueillir ou d'autres modalités d'accueil dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de l'ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de procéder à la liquidation de l'astreinte en cas de défaut d'exécution de l'ordonnance, sur le fondement de l'article R. 921-7 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son avocat, la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;


il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors qu'il est privé de tout hébergement depuis le 8 octobre 2011, malgré l'offre de prise en charge qui lui a été proposée par l'Etat le 28 décembre 2011 ;
- il existe une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit constitutionnel d'asile ;
- il est privé du bénéfice des conditions matérielles d'accueil prévues par la loi et le droit communautaire ;
- l'administration n'a pas accompli toutes les diligences nécessaires au regard des obligations en matière d'accueil des demandeurs d'asile ;


Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;



1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. " ; qu'en vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée ; qu'à cet égard, il appartient au juge d'appel de prendre en compte les éléments recueillis par le juge du premier degré dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée ;

2. Considérant qu'en application des dispositions des articles L. 348-1 et suivants et R. 348-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, les demandeurs d'asile peuvent être admis à l'aide sociale pour être accueillis dans les centres pour demandeurs d'asile, et que ceux qui ne bénéficient pas d'un niveau de ressources suffisant bénéficient d'une allocation mensuelle de subsistance, dont le montant est fixé par l'article 3 de l'arrêté du 31 mars 2008 portant application de l'article R. 348-4 du code de l'action sociale et des familles ; qu'ils ont également vocation à bénéficier, outre du dispositif d'accueil d'urgence spécialisé pour demandeurs d'asile, qui a pour objet de les accueillir provisoirement dans des structures collectives ou dans des hôtels en attente d'un accueil en centre pour demandeurs d'asile, du dispositif général de veille sociale prévu par l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles, lequel peut conduire à leur admission dans un centre d'hébergement d'urgence ou un centre d'hébergement et de réinsertion sociale ; qu'enfin, en vertu des articles L. 5423-8-1° et L. 5423-9-2° du code du travail, les demandeurs d'asile peuvent bénéficier, sous condition d'âge et de ressources, d'une allocation temporaire d'attente à condition de ne pas être bénéficiaires d'un séjour en centre d'hébergement pris en charge au titre de l'aide sociale ;

3. Considérant qu'il appartient aux autorités de l'Etat de mettre en oeuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale ; qu'une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette tâche peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée ; qu'il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B, ressortissant bhoutanais, né le 1er janvier 1980, est entré en France le 8 octobre 2011 pour y solliciter le statut de demandeur d'asile ; qu'une autorisation provisoire de séjour lui a été délivrée par le préfet de police, lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ; que l'autorisation provisoire de séjour initiale a été renouvelée en dernier lieu le 25 septembre 2012 dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, conformément aux dispositions de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, faute de place disponible dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile, M. B a été orienté vers une plate-forme d'accueil ; qu'il est ainsi en mesure de bénéficier du dispositif de veille sociale, de colis et de bons alimentaires et, dans la mesure des disponibilités, d'un hébergement d'urgence ; que ses droits à l'allocation temporaire d'attente ont en outre été ouverts le 28 décembre 2011; que, même si le versement de l'allocation temporaire d'attente ne peut, eu égard au montant de cette prestation, être regardé comme satisfaisant à l'ensemble des exigences qui découlent de l'obligation d'assurer aux demandeurs d'asile, y compris en ce qui concerne le logement, des conditions d'accueil décentes, le dossier ne fait pas apparaître, compte tenu tant de l'ensemble des diligences accomplies en l'espèce par l'administration au regard des moyens dont elle dispose que des particularités de la situation de M. B, d'atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; qu'ainsi, et comme l'a jugé à bon droit le juge des référés du tribunal administratif de Paris, les conditions auxquelles l'article L. 521-2 du code de justice administrative subordonne l'usage par le juge des référés des pouvoirs qu'il lui confère ne sont pas remplies ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de M. B ne peut être accueilli ; que la requête doit, par conséquent, être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 de ce code ;


O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Lok B.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'égalité des territoires et du logement et au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris.