Conseil d'État
N° 360858
ECLI:FR:CESSR:2012:360858.20121219
Inédit au recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Charles Touboul, rapporteur
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public
BOUTHORS, avocats
Lecture du mercredi 19 décembre 2012
Vu 1°) sous le n° 360858, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juillet 2012 et 9 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Angélique D, épouse E, demeurant ... ; Mme E demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10DA01229 du 9 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, faisant droit à l'appel du centre hospitalier Philippe Pinel, a, d'une part, annulé le jugement n° 1000153 du 29 juin 2010 par lequel le tribunal administratif d'Amiens avait annulé la décision du 7 décembre 2009 du directeur du centre hospitalier réduisant sa rémunération à 75 % de son traitement pendant un an puis à 50 % de celui-ci une fois cette période écoulée et, d'autre part, rejeté son recours pour excès de pouvoir contre cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du centre hospitalier Philippe Pinel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le n° 363313, la requête, enregistrée le 9 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Angélique D, épouse E, demeurant ... ; Mme E demande au Conseil d'Etat d'ordonner le sursis à exécution de l'arrêt n° 10DA01229 du 9 mai 2012 de la cour administrative d'appel de Douai ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, notamment son article 30 ;
Vu le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Charles Touboul, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Bouthors, avocat de Mme E,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Bouthors, avocat de Mme E ;
1. Considérant que le pourvoi en cassation et la requête à fin de sursis à exécution présentés par Mme E sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
3. Considérant que l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions./ Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille " ; que Mme E soutient que le troisième alinéa de cet article méconnaît le principe des droits de la défense et celui du contradictoire découlant notamment des articles 7, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et qu'il est entaché d'incompétence négative, faute de subordonner à une procédure contradictoire préalable la prolongation de la mesure de suspension au-delà d'une durée de quatre mois et la retenue sur traitement dont elle peut être assortie ;
4. Considérant que l'absence de mention du principe des droits de la défense et du principe du contradictoire dans une disposition législative n'a ni pour objet ni pour effet de dispenser l'autorité compétente de respecter ces principes lorsque la mesure que la loi l'habilite à prendre entre dans leur champ d'application ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme E, qui n'est pas nouvelle, est dépourvue de caractère sérieux ; que, par suite, sans qu'il y ait lieu de transmettre cette question au Conseil constitutionnel, le moyen, soulevé par la requérante à l'appui de son pourvoi en cassation contre l'arrêt du 9 mai 2012 de la cour administrative d'appel de Douai, tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ne saurait justifier l'admission de ce pourvoi ;
Sur les autres moyens du pourvoi :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux " ;
7. Considérant que pour demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai qu'elle attaque, Mme E soutient, en outre, que la prorogation de sa suspension est intervenue au terme d'une procédure méconnaissant les articles 7, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe des droits de la défense, le principe du contradictoire, la loi du 13 juillet 1983 et le décret du 7 novembre 1989 ; que la cour a commis une erreur de droit en jugeant légale la décision litigieuse alors qu'elle ne comportait pas la motivation exigée par la loi du 11 juillet 1979, les articles 6 et 13 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les droits de la défense et le principe du contradictoire ; qu'elle a inexactement qualifié les faits en regardant cette prorogation comme une mesure conservatoire et non comme une mesure disciplinaire ; enfin, qu'elle a commis une erreur de qualification juridique en retenant l'existence d'une faute grave de nature à justifier cette mesure ;
8. Considérant qu'aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur la requête à fin de sursis à exécution :
9. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond " ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi formé par Mme E contre l'arrêt du 9 mai 2012 de la cour administrative d'appel de Douai n'est pas admis ; que, par suite, les conclusions à fin de sursis de cet arrêt sont devenues sans objet ;
D E C I D E :
---------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Article 2 : Le pourvoi n° 360858 n'est pas admis.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 363313.
Article 4: La présente décision sera notifiée à Mme Angélique D épouse E.
Copie en sera adressée au centre hospitalier Philippe Pinel, au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique.
N° 360858
ECLI:FR:CESSR:2012:360858.20121219
Inédit au recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Charles Touboul, rapporteur
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public
BOUTHORS, avocats
Lecture du mercredi 19 décembre 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°) sous le n° 360858, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juillet 2012 et 9 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Angélique D, épouse E, demeurant ... ; Mme E demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10DA01229 du 9 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, faisant droit à l'appel du centre hospitalier Philippe Pinel, a, d'une part, annulé le jugement n° 1000153 du 29 juin 2010 par lequel le tribunal administratif d'Amiens avait annulé la décision du 7 décembre 2009 du directeur du centre hospitalier réduisant sa rémunération à 75 % de son traitement pendant un an puis à 50 % de celui-ci une fois cette période écoulée et, d'autre part, rejeté son recours pour excès de pouvoir contre cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du centre hospitalier Philippe Pinel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le n° 363313, la requête, enregistrée le 9 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Angélique D, épouse E, demeurant ... ; Mme E demande au Conseil d'Etat d'ordonner le sursis à exécution de l'arrêt n° 10DA01229 du 9 mai 2012 de la cour administrative d'appel de Douai ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, notamment son article 30 ;
Vu le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Charles Touboul, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Bouthors, avocat de Mme E,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Bouthors, avocat de Mme E ;
1. Considérant que le pourvoi en cassation et la requête à fin de sursis à exécution présentés par Mme E sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
3. Considérant que l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions./ Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille " ; que Mme E soutient que le troisième alinéa de cet article méconnaît le principe des droits de la défense et celui du contradictoire découlant notamment des articles 7, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et qu'il est entaché d'incompétence négative, faute de subordonner à une procédure contradictoire préalable la prolongation de la mesure de suspension au-delà d'une durée de quatre mois et la retenue sur traitement dont elle peut être assortie ;
4. Considérant que l'absence de mention du principe des droits de la défense et du principe du contradictoire dans une disposition législative n'a ni pour objet ni pour effet de dispenser l'autorité compétente de respecter ces principes lorsque la mesure que la loi l'habilite à prendre entre dans leur champ d'application ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme E, qui n'est pas nouvelle, est dépourvue de caractère sérieux ; que, par suite, sans qu'il y ait lieu de transmettre cette question au Conseil constitutionnel, le moyen, soulevé par la requérante à l'appui de son pourvoi en cassation contre l'arrêt du 9 mai 2012 de la cour administrative d'appel de Douai, tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ne saurait justifier l'admission de ce pourvoi ;
Sur les autres moyens du pourvoi :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux " ;
7. Considérant que pour demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai qu'elle attaque, Mme E soutient, en outre, que la prorogation de sa suspension est intervenue au terme d'une procédure méconnaissant les articles 7, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe des droits de la défense, le principe du contradictoire, la loi du 13 juillet 1983 et le décret du 7 novembre 1989 ; que la cour a commis une erreur de droit en jugeant légale la décision litigieuse alors qu'elle ne comportait pas la motivation exigée par la loi du 11 juillet 1979, les articles 6 et 13 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les droits de la défense et le principe du contradictoire ; qu'elle a inexactement qualifié les faits en regardant cette prorogation comme une mesure conservatoire et non comme une mesure disciplinaire ; enfin, qu'elle a commis une erreur de qualification juridique en retenant l'existence d'une faute grave de nature à justifier cette mesure ;
8. Considérant qu'aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur la requête à fin de sursis à exécution :
9. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond " ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi formé par Mme E contre l'arrêt du 9 mai 2012 de la cour administrative d'appel de Douai n'est pas admis ; que, par suite, les conclusions à fin de sursis de cet arrêt sont devenues sans objet ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Article 2 : Le pourvoi n° 360858 n'est pas admis.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 363313.
Article 4: La présente décision sera notifiée à Mme Angélique D épouse E.
Copie en sera adressée au centre hospitalier Philippe Pinel, au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique.