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Ariane Web: Conseil d'État 364827, lecture du 29 mai 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:364827.20130529

Décision n° 364827
29 mai 2013
Conseil d'État

N° 364827
ECLI:FR:CESSR:2013:364827.20130529
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Fabrice Aubert, rapporteur
M. Bertrand Dacosta, rapporteur public
SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du mercredi 29 mai 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu, avec les pièces qui y sont visées, la décision du 11 mars 2013 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, avant de statuer, après annulation de l'ordonnance n°1207109 du 14 décembre 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles, sur les conclusions présentées par la société Aeromécanic, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, tendant à l'annulation de la procédure négociée de passation du marché public de prestation de maintenance des hélicoptères " Puma " de l'armée française, a enjoint au ministre de la défense de communiquer à la société Aeromécanic, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision du Conseil d'Etat, le montant global et les délais d'exécution de l'offre de la société Sabena Technics DNR, attributaire du marché, sauf à justifier que cette communication porterait atteinte au secret des affaires ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 mai 2013, présentée par le ministre de la défense ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabrice Aubert, Auditeur,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Aeromécanic et à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la société Sabena Technics DNR ;


1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " II. - (...) le I n'est pas applicable aux contrats passés dans les domaines de la défense ou de la sécurité au sens du II de l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques et privées non soumises au code des marchés publics. / Pour ces contrats, il est fait application des articles L. 551-6 et L. 551-7 " ; qu'aux termes de l'article L. 551-6 : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations en lui fixant un délai à cette fin. Il peut lui enjoindre de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat. Il peut, en outre, prononcer une astreinte provisoire courant à l'expiration des délais impartis (...) " ;

2. Considérant que, par une décision avant-dire droit du 11 mars 2013, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir annulé l'ordonnance n° 1207109 du juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Versailles du 14 décembre 2012, a sursis à statuer sur la demande de la société Aeromécanic tendant à l'annulation de la procédure de passation d'un marché public de prestation de maintenance des hélicoptères " Puma " de l'armée française, jusqu'à ce que le ministre de la défense ait communiqué à cette société le montant global et les délais d'exécution de l'offre de la société Sabena Technics DNR ; qu'il a en effet jugé qu'en s'abstenant, sans apporter aucune justification, de communiquer à la société Aeromécanic, qui les lui avait demandées par écrit, ces deux caractéristiques de l'offre de la société Sabena Technics DNR, postérieurement au choix de l'attributaire du marché, le ministre avait méconnu les dispositions de l'article 255 du code des marchés publics et manqué ainsi à ses obligations de publicité et de mise en concurrence et qu'un tel manquement était susceptible de léser la société Aeromécanic ; qu'il a par suite enjoint au ministre de la défense " de communiquer à la société Aéromécanic, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, les délais d'exécution et le prix global de l'offre de la société Sabena Technics DNR, sauf à établir qu'une telle communication porterait atteinte au secret des affaires " ; que, par un mémoire enregistré le 27 mars 2013, le ministre de la défense a indiqué qu'il ne pouvait procéder à la communication demandée, en soutenant qu'elle ne pourrait intervenir qu'après la signature du marché et que, avant cette date, les informations en cause pouvaient seulement, le cas échéant, être transmises au juge, sans que celui-ci ne les communique à la société Aeromécanic ; qu'après une mesure supplémentaire d'instruction du 15 avril 2013, le ministre a confirmé son refus de communiquer les informations demandées à la société Aeromécanic, tout en les transmettant au Conseil d'Etat ;

3. Considérant que, pour justifier son refus, le ministre de la défense soutient que la communication des deux informations demandées risquerait de donner à la société Aeromécanic un avantage compétitif de nature à nuire à la loyauté de la concurrence, dans l'hypothèse où la procédure litigieuse serait annulée par le Conseil d'Etat ou serait déclarée sans suite pour motif d'intérêt général et où une nouvelle procédure de passation du marché serait engagée ; que le ministre n'apporte ainsi aucun élément de nature à établir que la communication des informations demandées porterait, en l'espèce, une atteinte au secret des affaires ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques et à faire ainsi obstacle à ce qu'il y soit procédé ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer contre le ministre de la défense, à défaut pour lui de justifier auprès du Conseil d'Etat de s'être conformé à ses obligations dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 500 euros par jour jusqu'à la date à laquelle l'injonction qui lui a été faite aura reçu exécution ;


D E C I D E :
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Article 1er : Une astreinte est prononcée à l'encontre de l'Etat, s'il ne justifie pas auprès du Conseil d'Etat avoir, dans les huit jours suivant la notification de la présente décision, communiqué à la société Aeromécanic le prix global et les délais d'exécution de l'offre de la société Sabena Technics DNR. Le taux de cette astreinte est fixé à 500 euros par jour, à compter de l'expiration du délai de huit jours suivant la notification de la présente décision.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense, à la société Aeromécanic et à la société Sabena Technics DNR.


Voir aussi