Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 366671, lecture du 5 juin 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:366671.20130605

Décision n° 366671
5 juin 2013
Conseil d'État

N° 366671
ECLI:FR:CESSR:2013:366671.20130605
Inédit au recueil Lebon
9ème et 10ème sous-sections réunies
M. Jean-Luc Matt, rapporteur
M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE, avocats


Lecture du mercredi 5 juin 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu l'ordonnance n° 1300034 du 21 février 2013, enregistrée le 7 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Pau, avant qu'il soit statué sur la demande de la société MSO Sablirot tendant à la réparation des préjudices causés par le refus opposé par la société Electricité de France (EDF) d'appliquer le contrat tacite d'achat d'électricité produite à partir d'installations photovoltaïques né de la demande, déclarée complète le 31 août 2010, déposée en vue d'obtenir le raccordement de son installation située dans la commune de Garein (Landes), a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 3° du III de l'article 88 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ayant modifié l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 janvier 2013 au greffe du tribunal administratif de Pau, présenté par la société MSO Sablirot, dont le siège est 115, avenue du Maréchal de Saxe à Lyon (69003), en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juin 2013, présentée pour la société MSO Sablirot ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la société MSO Sablirot et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat d'EDF ;


1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que le 3° du III de l'article 88 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement a inséré à l'article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité un alinéa aux termes duquel : " Les contrats régis par le présent article sont des contrats administratifs qui ne sont conclus et qui n'engagent les parties qu'à compter de leur signature. Le présent alinéa a un caractère interprétatif. " ;

3. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, le litige soulevé par la société MSO Sablirot a trait au préjudice subi par cette société à raison d'un contrat tacite qui serait né après le dépôt d'une demande de raccordement regardée comme complète au 1er août 2010 ; que ce contrat aurait ainsi été conclu, en tout état en cause, après l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010 ; que la deuxième phrase de l'alinéa inséré par le texte contesté à l'article 10 de la loi du 10 février 2000, qui est divisible des autres dispositions du même alinéa, n'est par conséquent pas applicable au litige dont est saisi le tribunal administratif de Pau ; que, par suite, la société MSO Sablirot n'est pas fondée à demander que la question de sa conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution soit renvoyée au Conseil constitutionnel ; que, d'autre part, les dispositions de la première phrase relatives à la nature administrative des contrats en cause n'énonçant aucune règle quant à leur application dans le temps, la société requérante ne saurait sérieusement soutenir qu'elles portent atteinte à des situations légalement acquises ni, en tout état de cause, au principe de sécurité juridique ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les litiges relatifs aux contrats passés en application de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 ne sont pas au nombre des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire ; que le législateur a pu conférer à ces contrats un caractère administratif sans méconnaître le principe de séparation des pouvoirs ni, en tout état de cause, l'objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice ;

5. Considérant, en dernier lieu, que la société MSO Sablirot soutient que ces dispositions sont contraires au principe d'égalité dès lors qu'elles permettent à la société EDF de bénéficier d'un régime exorbitant de droit public et d'une exonération de sa responsabilité, alors que cette dernière est une société de droit privé ; que toutefois, les dispositions contestées se bornent à attribuer à la juridiction administrative le règlement des litiges nés des contrats prévus à l'article 10 de la loi du 10 février 2000 et à fixer leur date de conclusion ; que ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de modifier l'économie des contrats en cause, dont le régime juridique est entièrement déterminé par la loi ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a donc pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;


D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Pau.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société MSO Sablirot, à la société Electricité de France et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au tribunal administratif de Pau.