Conseil d'État
N° 370145
ECLI:FR:CESJS:2013:370145.20131007
Inédit au recueil Lebon
3ème sous-section jugeant seule
M. Christophe Pourreau, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP BLANC, ROUSSEAU, avocats
Lecture du lundi 7 octobre 2013
Vu l'ordonnance n° 13LY00363 du 11 juillet 2013, enregistrée le 12 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Lyon, avant qu'il soit statué sur la requête de la section de commune de Brousse-et-Selves tendant, premièrement, à l'annulation du jugement n° 070548 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 décembre 2008 rejetant sa demande d'annulation de la décision du préfet du Cantal du 26 janvier 2007 en tant qu'il a refusé de mandater d'office les dépenses, prévues dans le budget 2006 de la section de commune, correspondant au reversement à ses membres de ses revenus en espèces, deuxièmement, à l'annulation, dans cette mesure, de la décision du préfet du Cantal du 26 janvier 2007 et, troisièmement, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Cantal de mandater d'office ces dépenses, a décidé, par application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 mai 2013, au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, présenté par la section de commune de Brousse-et-Selves, dont le siège est à la mairie d'Arnac (15150), représentée par le président de sa commission syndicale, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 août 2013, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur ; il soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 11 septembre 2013, présenté pour la section de commune de Brousse-et-Selves, qui reprend les termes de son précédent mémoire et soutient en outre que le septième alinéa de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales méconnaît le principe constitutionnel d'égalité ;
Vu les pièces desquelles il ressort que la question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée au Premier ministre, qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 2411-10 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Blanc, Rousseau, avocat de la section de commune de Brousse-et-Selves ;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales : " Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature. / Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle de pâturage (...) ou par convention de mise à disposition d'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural au profit des exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe, ainsi que le siège d'exploitation sur la section. L'autorité municipale peut attribuer, le cas échéant, le reliquat de ces biens au profit d'exploitants agricoles sur la section ayant un bâtiment d'exploitation hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section, ou à défaut au profit de personnes exploitant des biens sur le territoire de la section et résidant sur le territoire de la commune ; à titre subsidiaire, elle peut attribuer ce reliquat au profit de personnes exploitant seulement des biens sur le territoire de la section ou, à défaut, au profit des exploitants ayant un bâtiment d'exploitation sur le territoire de la commune. / Pour toutes les catégories précitées, les exploitants devront remplir les conditions prévues par les articles L. 331-2 à L. 331-5 du code rural et de la pêche maritime et celles prévues par le règlement d'attribution défini par l'autorité municipale. / Le fait de ne plus remplir les conditions énoncées ci-dessus entraîne de plein droit la résiliation des contrats. / L'ensemble de ces dispositions, qui concerne les usages agricoles et pastoraux des biens de section, ne fait pas obstacle au maintien, pour les ayants droit non agriculteurs, des droits et usages traditionnels tels que l'affouage, la cueillette, la chasse notamment, dans le respect de la multifonctionnalité de l'espace rural. / Chaque fois que possible, il sera constitué une réserve foncière destinée à permettre ou faciliter de nouvelles installations agricoles. / Les revenus en espèces ne peuvent être employés que dans l'intérêt des membres de la section. Ils sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale. " ;
3. Considérant que le principe d'égalité garanti par les articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par le second alinéa du Préambule de la Constitution de 1958 ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que les dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ne peuvent être regardées comme ayant méconnu ce principe en prévoyant que les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés d'une section de commune sont attribuées en priorité aux membres de la section qui ont vocation à les mettre en valeur en qualité d'exploitants agricoles et se trouvent placés à ce titre dans une situation différente de celle des autres membres de la section ; que cette distinction, qui repose sur des critères objectifs et rationnels, ne porte pas davantage atteinte à l'égalité des contribuables devant les charges publiques ;
4. Considérant, en outre, qu'il résulte des termes mêmes du septième alinéa de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales que les éventuels revenus en espèces d'une section de commune doivent être employés dans l'intérêt de tous ses membres ; que, s'il doivent être affectés prioritairement à l'entretien et à la mise en valeur des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin, ces biens incluent des biens autres que les terres à vocation pastorale ou agricole, à la jouissance des fruits desquels tous ses membres ont droit ; que lors même que ces revenus en espèces ne pourraient pas être reversés directement aux membres de la section, il n'en résulterait pas pour autant, en tout état de cause, une différence de traitement entre les membres ayant la qualité d'exploitants agricoles et les autres membres de la section de commune ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité portant sur le point de savoir si les dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la section de commune de Brousse-et-Selves, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la cour administrative d'appel de Lyon.
N° 370145
ECLI:FR:CESJS:2013:370145.20131007
Inédit au recueil Lebon
3ème sous-section jugeant seule
M. Christophe Pourreau, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP BLANC, ROUSSEAU, avocats
Lecture du lundi 7 octobre 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance n° 13LY00363 du 11 juillet 2013, enregistrée le 12 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Lyon, avant qu'il soit statué sur la requête de la section de commune de Brousse-et-Selves tendant, premièrement, à l'annulation du jugement n° 070548 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 décembre 2008 rejetant sa demande d'annulation de la décision du préfet du Cantal du 26 janvier 2007 en tant qu'il a refusé de mandater d'office les dépenses, prévues dans le budget 2006 de la section de commune, correspondant au reversement à ses membres de ses revenus en espèces, deuxièmement, à l'annulation, dans cette mesure, de la décision du préfet du Cantal du 26 janvier 2007 et, troisièmement, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Cantal de mandater d'office ces dépenses, a décidé, par application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 mai 2013, au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, présenté par la section de commune de Brousse-et-Selves, dont le siège est à la mairie d'Arnac (15150), représentée par le président de sa commission syndicale, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 août 2013, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur ; il soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 11 septembre 2013, présenté pour la section de commune de Brousse-et-Selves, qui reprend les termes de son précédent mémoire et soutient en outre que le septième alinéa de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales méconnaît le principe constitutionnel d'égalité ;
Vu les pièces desquelles il ressort que la question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée au Premier ministre, qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 2411-10 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Blanc, Rousseau, avocat de la section de commune de Brousse-et-Selves ;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales : " Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature. / Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle de pâturage (...) ou par convention de mise à disposition d'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural au profit des exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe, ainsi que le siège d'exploitation sur la section. L'autorité municipale peut attribuer, le cas échéant, le reliquat de ces biens au profit d'exploitants agricoles sur la section ayant un bâtiment d'exploitation hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section, ou à défaut au profit de personnes exploitant des biens sur le territoire de la section et résidant sur le territoire de la commune ; à titre subsidiaire, elle peut attribuer ce reliquat au profit de personnes exploitant seulement des biens sur le territoire de la section ou, à défaut, au profit des exploitants ayant un bâtiment d'exploitation sur le territoire de la commune. / Pour toutes les catégories précitées, les exploitants devront remplir les conditions prévues par les articles L. 331-2 à L. 331-5 du code rural et de la pêche maritime et celles prévues par le règlement d'attribution défini par l'autorité municipale. / Le fait de ne plus remplir les conditions énoncées ci-dessus entraîne de plein droit la résiliation des contrats. / L'ensemble de ces dispositions, qui concerne les usages agricoles et pastoraux des biens de section, ne fait pas obstacle au maintien, pour les ayants droit non agriculteurs, des droits et usages traditionnels tels que l'affouage, la cueillette, la chasse notamment, dans le respect de la multifonctionnalité de l'espace rural. / Chaque fois que possible, il sera constitué une réserve foncière destinée à permettre ou faciliter de nouvelles installations agricoles. / Les revenus en espèces ne peuvent être employés que dans l'intérêt des membres de la section. Ils sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale. " ;
3. Considérant que le principe d'égalité garanti par les articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par le second alinéa du Préambule de la Constitution de 1958 ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que les dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ne peuvent être regardées comme ayant méconnu ce principe en prévoyant que les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés d'une section de commune sont attribuées en priorité aux membres de la section qui ont vocation à les mettre en valeur en qualité d'exploitants agricoles et se trouvent placés à ce titre dans une situation différente de celle des autres membres de la section ; que cette distinction, qui repose sur des critères objectifs et rationnels, ne porte pas davantage atteinte à l'égalité des contribuables devant les charges publiques ;
4. Considérant, en outre, qu'il résulte des termes mêmes du septième alinéa de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales que les éventuels revenus en espèces d'une section de commune doivent être employés dans l'intérêt de tous ses membres ; que, s'il doivent être affectés prioritairement à l'entretien et à la mise en valeur des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin, ces biens incluent des biens autres que les terres à vocation pastorale ou agricole, à la jouissance des fruits desquels tous ses membres ont droit ; que lors même que ces revenus en espèces ne pourraient pas être reversés directement aux membres de la section, il n'en résulterait pas pour autant, en tout état de cause, une différence de traitement entre les membres ayant la qualité d'exploitants agricoles et les autres membres de la section de commune ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité portant sur le point de savoir si les dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la section de commune de Brousse-et-Selves, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la cour administrative d'appel de Lyon.