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Ariane Web: Conseil d'État 361217, lecture du 20 décembre 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:361217.20131220

Décision n° 361217
20 décembre 2013
Conseil d'État

N° 361217
ECLI:FR:CESSR:2013:361217.20131220
Inédit au recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Pascal Trouilly, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du vendredi 20 décembre 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juillet et 25 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société Ipsen Pharma, dont le siège est 65, quai Georges Gorse à Boulogne-Billancourt (92100) ; la société Ipsen Pharma demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 février 2012 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, en tant qu'il radie de cette liste la spécialité Hexvix, ainsi que la décision du 30 juillet 2012 rejetant son recours gracieux formé contre cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que le remboursement de la contribution pour l'aide juridique ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Ipsen Pharma ;



1. Considérant qu'en vertu de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, l'Etat fixe la liste des spécialités pharmaceutiques, bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché et dispensées aux patients hospitalisés dans les établissements de santé, qui peuvent être prises en charge, sur présentation des factures, par les régimes obligatoires d'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation prises en charge dans le cadre de forfaits en application du 1° de l'article L. 162-22-6 et de l'article R. 162-32 du même code ; qu'aux termes du 1° de l'article R. 162-32-1 du même code : " Sont exclus de tous les forfaits mentionnés à l'article R. 162-32 et font l'objet d'une prise en charge distincte les frais afférents à la fourniture des spécialités pharmaceutiques et des produits et prestations mentionnés à l'article L. 162-22-7 " ; qu'aux termes de l'article R. 162-42-7 de ce code : " La liste des spécialités pharmaceutiques et les conditions de prise en charge des produits et prestations mentionnés à l'article L. 162-22-7 sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale sur recommandation du conseil de l'hospitalisation " ; que la société Ipsen Pharma demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 21 février 2012 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en tant qu'il radie de la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale la spécialité Hexvix, ainsi que la décision du 30 juillet 2012 rejetant son recours gracieux formé contre cette décision ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la spécialité Hexvix est indiquée pour le diagnostic de tumeurs de la vessie n'infiltrant pas le muscle, en association avec une cytoscopie de dépistage ; qu'elle a été inscrite, en 2007, sur la liste mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale ; que pour décider sa radiation de cette liste, le ministre s'est fondé sur le rapport entre, d'une part, le coût de l'utilisation de la spécialité par séjour et, d'autre part, la moyenne, en 2010, de l'ensemble des forfaits de séjour et de soins, définis en " groupes homogènes de séjour ", applicables aux " interventions transurétrales ou par voie transcutanée " concernés par cette utilisation ; qu'il a relevé que ce rapport était inférieur à 30 %, seuil mentionné par une " recommandation générale " du 18 novembre 2010 du conseil de l'hospitalisation, et en a déduit que les tarifs de ces groupes homogènes de séjour étaient suffisamment élevés pour permettre aux établissements hospitaliers de recourir à cette spécialité ;

3. Considérant que pour radier une spécialité de la liste mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, le ministre peut légalement, eu égard à l'objectif recherché par ces dispositions législatives, se fonder sur la circonstance que le niveau des forfaits associés aux groupes homogènes de séjour concernés est suffisamment élevé pour permettre l'utilisation effective de cette spécialité sans qu'il soit besoin de prévoir sa prise en charge de façon distincte ; que toutefois, il ne peut se borner à prendre en compte la moyenne arithmétique de ces forfaits lorsque l'utilisation de la spécialité concerne, pour l'essentiel, une partie seulement de ces groupes homogènes de séjour ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la spécialité Hexvix est utilisée principalement lors d'hospitalisations de courte durée correspondant au groupe homogène de séjour référencé 4125, dont le forfait est sensiblement inférieur à la moyenne de l'ensemble des groupes homogènes de séjour " interventions transurétrales ou par voie transcutanée " ; qu'elle n'est que rarement utilisée dans le cadre des groupes homogènes de séjour caractérisés par des forfaits élevés ; que le rapport entre le prix de la spécialisation et ce forfait du groupe homogène de séjour référencé 4125 est égal à 47 % environ pour les établissements de santé publics et à 53 % pour les établissements privés ; que, dans ces conditions, le ministre n'a pu légalement, pour prononcer la radiation de la spécialité Hexvix de la liste mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, se fonder uniquement sur la moyenne arithmétique des forfaits associés à l'ensemble des groupes homogènes de séjour mentionnés ci-dessus ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société Ipsen Pharma est fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 3 000 euros à verser à la société Ipsen Pharma au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article R. 761-1 du même code relatives au remboursement de la contribution pour l'aide juridique ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêté du 21 février 2012 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, en tant qu'il radie de cette liste la spécialité Hexvix, ainsi que la décision du 30 juillet 2012 rejetant le recours gracieux de la société Ipsen Pharma sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la société Ipsen Pharma une somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3: La présente décision sera notifiée à la société Ipsen Pharma et à la ministre des affaires sociales et de la santé.