Conseil d'État
N° 374056
ECLI:FR:CESSR:2014:374056.20140523
Inédit au recueil Lebon
9ème / 10ème SSR
M. Jean-Luc Matt, rapporteur
Mme Claire Legras, rapporteur public
SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON, avocats
Lecture du vendredi 23 mai 2014
Vu le mémoire, enregistré le 5 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté pour la société Financière des Pins, dont le siège est 6, place de la Madeleine à Paris (75008), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la société demande au Conseil d'État, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 12PA03533 du 18 octobre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 1010599 du 20 juin 2012 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 et des pénalités correspondantes, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et de l'article 1729 du code général des impôts, dans leur rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la société Financière des Pins ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 qui est applicable au présent litige : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : / a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; / b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; / c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification " ; qu'en vertu du b de l'article 1729 du code général des impôts, une majoration de 80 % est appliquée en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; que cette majoration constitue une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
3. Considérant que la société Financière des Pins soutient que, faute de préciser les cas de fraude à la loi susceptibles d'être sanctionnés sur leur fondement, les dispositions précitées portent atteinte au principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'à la garantie des droits résultant de l'article 16 de la même déclaration ; que toutefois, selon une jurisprudence constante depuis sa décision n° 19079 du 10 juin 1981, le Conseil d'État statuant au contentieux juge qu'il résulte des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes, même s'ils n'ont pas un caractère fictif, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; que depuis sa décision n° 284565 du 28 février 2007, le Conseil d'Etat subordonne de surcroît la qualification d'abus de droit, s'agissant d'un acte n'ayant pas un caractère fictif, à la condition que l'acte en cause procède de la recherche du bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs ; qu'au regard de cette interprétation résultant d'une jurisprudence constante, l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, et le b de l'article 1729 du code général des impôts en tant qu'il institue une majoration en cas d'abus de droit, ne présentent aucune ambiguïté en ce qui concerne la définition des infractions qu'ils sanctionnent ; que par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, et l'article 1729 du code général des impôts, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Financière des Pins.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Financière des Pins et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.
N° 374056
ECLI:FR:CESSR:2014:374056.20140523
Inédit au recueil Lebon
9ème / 10ème SSR
M. Jean-Luc Matt, rapporteur
Mme Claire Legras, rapporteur public
SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON, avocats
Lecture du vendredi 23 mai 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le mémoire, enregistré le 5 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté pour la société Financière des Pins, dont le siège est 6, place de la Madeleine à Paris (75008), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la société demande au Conseil d'État, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 12PA03533 du 18 octobre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 1010599 du 20 juin 2012 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 et des pénalités correspondantes, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et de l'article 1729 du code général des impôts, dans leur rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la société Financière des Pins ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 qui est applicable au présent litige : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : / a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; / b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; / c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification " ; qu'en vertu du b de l'article 1729 du code général des impôts, une majoration de 80 % est appliquée en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; que cette majoration constitue une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
3. Considérant que la société Financière des Pins soutient que, faute de préciser les cas de fraude à la loi susceptibles d'être sanctionnés sur leur fondement, les dispositions précitées portent atteinte au principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'à la garantie des droits résultant de l'article 16 de la même déclaration ; que toutefois, selon une jurisprudence constante depuis sa décision n° 19079 du 10 juin 1981, le Conseil d'État statuant au contentieux juge qu'il résulte des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes, même s'ils n'ont pas un caractère fictif, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; que depuis sa décision n° 284565 du 28 février 2007, le Conseil d'Etat subordonne de surcroît la qualification d'abus de droit, s'agissant d'un acte n'ayant pas un caractère fictif, à la condition que l'acte en cause procède de la recherche du bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs ; qu'au regard de cette interprétation résultant d'une jurisprudence constante, l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, et le b de l'article 1729 du code général des impôts en tant qu'il institue une majoration en cas d'abus de droit, ne présentent aucune ambiguïté en ce qui concerne la définition des infractions qu'ils sanctionnent ; que par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, et l'article 1729 du code général des impôts, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Financière des Pins.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Financière des Pins et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.