Conseil d'État
N° 375240
ECLI:FR:CESJS:2014:375240.20141010
Inédit au recueil Lebon
3ème sous-section jugeant seule
Mme Angélique Delorme, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
Lecture du vendredi 10 octobre 2014
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une ordonnance du 21 septembre 2011, le juge-commissaire de tribunal de commerce de Bobigny chargé de la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps s'est déclaré incompétent pour connaître de la contestation par cette société des créances déclarées le 23 août 2010 par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin entre les mains du représentant des créanciers pour un montant global de 222 121,19 euros. Il a enjoint aux parties de saisir la juridiction compétente.
La communauté d'agglomération de Lens-Liévin a demandé au tribunal administratif de Lille de confirmer ses droits de créancier dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps, de reconnaître le caractère certain et le bien-fondé des créances déclarées dans le cadre de cette procédure pour un montant de 222 121,19 euros, de dire que ces créances sont exigibles, de dire que la société Descamps ne les a pas contestées devant la juridiction compétente dans les délais impartis et d'accepter les créances ainsi déclarées.
Par une ordonnance n° 1106668 du 13 janvier 2012, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin.
Par un arrêt n° 12DA00473 du 23 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article R. 321-1 du code de justice administrative, la requête de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin tendant à l'annulation de l'ordonnance du 13 janvier 2012 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille.
Procédure devant le Conseil d'Etat :
Par la requête transmise au Conseil d'Etat par la cour administrative d'appel de Douai, enregistrée le 23 mars 2012 au greffe de cette cour, la communauté d'agglomération de Lens-Liévin demande :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1106668 du 13 janvier 2012 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille ;
2°) de reconnaître le caractère certain et bien-fondé des créances détenues sur la société Descamps pour un montant de 222 121,19 euros ;
3°) de mettre à la charge de la société Descamps la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Angélique Delorme, auditeur,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la communauté d'agglomeration de Lens-Lievin ;
Considérant ce qui suit :
1. Par actes authentiques des 23 mai 2002 et 5 mars 2003, la communauté d'agglomération de Lens-Liévin (CALL) a cédé aux sociétés Batinorest, Slibail Immobilier, CMCIC Lease et Natexis Bail, acquéreurs indivis, deux parcelles de terrain à bâtir, comprises dans le périmètre de la zone d'activités du Bois Rigault Nord à Vendin-le-Vieil, en vue de l'implantation par la société Descamps de bâtiments d'exploitation, dans le cadre d'une convention de crédit-bail conclue entre la société Descamps, crédit-preneuse, et les sociétés cessionnaires des terrains. Ces actes ont par ailleurs prévu le versement par la CALL à la société Batinorest, au titre de l'incidence sur l'emploi du projet d'investissement, de deux subventions de 359 779,64 euros et 533 571,50 euros en contrepartie de l'engagement pris par la société Descamps de créer et maintenir pendant une durée de huit ans cent dix-huit emplois de bureau et cent soixante-quinze emplois pour l'activité logistique. Au cas où ces engagements ne seraient pas respectés, la société Descamps serait tenue de verser à la CALL, à titre de compensation, la somme de 3 048,98 euros par emploi non créé ou non maintenu, augmentée d'intérêts au taux de 5 % par an.
2. Par jugement du 29 juin 2010, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Descamps et a désigné la Selafa Mandataires judiciaires associés (MJA) en qualité de mandataire judiciaire. La procédure collective s'est poursuivie, en vertu d'une ordonnance de renvoi prise par le premier président de la cour d'appel de Paris, devant le tribunal de commerce de Bobigny. Le 13 août 2010, la CALL a émis douze titres de recettes nos 992 à 1003 pour la somme globale de 222 121,19 euros, correspondant au montant de la compensation, en principal et intérêts, qu'elle estimait lui être due par la société Descamps en application des conventions des 23 mai 2002 et 5 mars 2003. Le 23 août 2010, elle a adressé à la Selafa MJA une déclaration de créances à titre définitif pour ce montant. Par une ordonnance du 21 septembre 2011, le juge-commissaire à la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps, prenant acte de la contestation de cette créance par la société Descamps, s'est déclaré incompétent pour en connaître et a enjoint les parties à saisir la juridiction compétente. Par une requête du 17 novembre 2011, la CALL a demandé au tribunal administratif de Lille de confirmer ses droits de créancier dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps, de reconnaître le caractère certain et le bien-fondé des créances déclarées dans le cadre de cette procédure pour un montant de 222 121,19 euros, de dire que ces créances sont exigibles, de dire que la société Descamps ne les a pas contestées devant la juridiction compétente dans les délais impartis et d'accepter les créances ainsi déclarées. Par une ordonnance du 13 janvier 2012, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté la requête de la CALL pour incompétence. Par un arrêt du 23 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat la requête de la CALL tendant à l'annulation de cette ordonnance.
3. Le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur l'acte par lequel une personne morale de droit public déclare une créance au représentant des créanciers d'une entreprise en redressement judiciaire, dès lors qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire, en vertu des articles L. 624-2 à L. 624-4 du code de commerce, de statuer sur l'admission ou le rejet des créances déclarées. En revanche, le juge administratif est compétent pour statuer sur l'existence et le montant d'une créance publique. Tel est notamment le cas lorsque le juge-commissaire a décidé, en application de l'article L. 624-2 du code de commerce, que ne relevait pas de sa compétence la contestation portant sur la créance déclarée par une personne morale de droit public, matérialisée par l'émission d'un titre de recettes, résultant de l'obligation faite au bénéficiaire d'une subvention publique de la reverser en tout ou partie, lorsque celui-ci n'a pas respecté les conditions mises à l'octroi de cette subvention.
4. C'est donc sans commettre d'erreur de droit que le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a estimé que les conclusions de la CALL tendant, premièrement, à ce qu'il constate que les créances déclarées par cet établissement à hauteur de la somme de 222 121,19 euros étaient exigibles, deuxièmement, à ce qu'il dise que ces créances n'avaient pas été contestées par la société Descamps devant la juridiction compétente dans les délais impartis et, troisièmement, à ce qu'il " accepte " les créances ainsi déclarées, relevaient de la compétence exclusive du juge de la procédure collective.
5. Toutefois, les conclusions de la CALL tendant à ce que le tribunal administratif se prononce sur l'existence et le montant des créances déclarées pour la somme globale de 222 121,19 euros dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps relèvent, eu égard à leur nature, de la compétence du juge administratif. C'est donc à tort que le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a décliné la compétence de la juridiction administrative à ce titre.
6. Il résulte de ce qui précède qu'il appartient au Conseil d'Etat d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la CALL devant le tribunal administratif de Lille tendant à ce qu'il soit statué sur l'existence et le montant des créances déclarées pour la somme globale de 222 121,19 euros dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps.
7. Il résulte, d'une part, de l'instruction qu'en contrepartie des subventions publiques qui lui ont été accordées, la société Descamps s'est engagée, dans le cadre de la convention du 23 mai 2002, à créer cent dix-huit emplois de bureau à temps complet dans un délai de trois ans à compter de la signature de la convention et maintenir les emplois créés pendant une durée de cinq ans à compter de l'expiration du délai de trois ans et, dans le cadre de la convention du 5 mars 2003, à créer cent soixante-quinze emplois à temps complet supplémentaires, au titre de l'activité logistique, dans un délai de trois ans à compter de la signature de la convention et à maintenir les emplois créés pendant une période de cinq ans à compter de l'expiration du délai de trois ans. La société Descamps s'est en outre engagée à verser à la CALL une indemnité de 3 048,98 euros par emploi manquant, augmentée d'intérêts au taux de 5 % par an.
8. Il résulte, d'autre part, de l'instruction que, par courrier du 13 août 2010 adressé au président de la CALL, le secrétaire général de la société Zucchigroup, maison-mère de la société Descamps, a attesté que les effectifs à temps plein de sa filiale présents sur le site de Vendin-le-Vieil étaient, en ce qui concerne les emplois de bureau, de quatre-vingt-un emplois au 24 mai 2005, de quatre-vingt-six emplois au 24 mai 2006, de quatre-vingt-un emplois au 24 mai 2007, de soixante-dix-neuf emplois au 24 mai 2008, de soixante-douze emplois au 24 mai 2009 et de soixante-cinq emplois au 24 mai 2010 et, pour la partie logistique, de trente emplois au 6 mars 2006, de quarante-huit emplois au 6 mars 2007, de soixante et un emplois au 6 mars 2008, de cinquante-cinq emplois au 6 mars 2009 et de quarante-huit emplois au 6 mars 2010. Ainsi, le nombre d'emplois de bureau manquants s'élevait à trente-sept au 24 mai 2005, à l'expiration du délai trois ans, et à cinquante-trois au 24 mai 2010, à l'expiration du délai de cinq ans. De même, pour la partie logistique, cent quarante-cinq emplois étaient manquants au 6 mars 2006, à l'expiration du délai de trois ans, et cent vingt-sept emplois étaient manquants au 6 mars 2010, à l'expiration du délai de cinq ans.
9. La société Descamps n'ayant pas respecté ses engagements de créer cent dix-huit emplois de bureau au 24 mai 2005 et de les maintenir jusqu'au 24 mai 2010, la CALL était fondée à émettre les titres de recettes n° 992 d'un montant de 64 028,58 euros et n° 993 d'un montant de 48 786,68 euros, correspondant au montant de l'indemnité principale de 3 048,98 euros appliquée à trente-sept emplois non créés. De même, sont également justifiés, d'une part, les titres de recettes nos 994 à 998, émis pour des montants respectifs de 5 640,61 euros, 4 878,37 euros, 5 640,61 euros, 5 945,51 euros et 7 012,65 euros, qui correspondent aux intérêts au taux de 5 % calculés sur le montant de l'indemnité principale due en considération du nombre d'emplois de bureau manquants pour chaque période annuelle du 24 mai 2005 au 24 mai 2010 et, d'autre part, les titres de recettes nos 999 à 1002, émis pour des montants respectifs de 22 105,11 euros, 19 361,02 euros, 17 379,19 euros et 18 293,88 euros, qui correspondent aux intérêts au taux de 5 % calculés sur le montant de l'indemnité principale due en considération du nombre d'emplois manquants au titre de l'activité logistique pour chaque période annuelle du 6 mars 2006 au 6 mars 2009. Enfin, la CALL justifie, par les éléments qu'elle a produits aux débats, du bien-fondé de la créance d'un montant de 3 048,98 euros ayant donné lieu à l'émission du titre de recettes n° 1003 correspondant à une fraction, non comprise dans le titre de recette n° 468 émis au cours de l'année 2006 pour un montant de 142 472,80 euros, de la compensation due par la société Descamps au titre du non-respect de son engagement de créer cent soixante-quinze emplois au titre de l'activité logistique. Par suite, il y a lieu de déclarer que la CALL est fondée à invoquer l'existence de créances sur la société Descamps pour un montant de 222 121,19 euros.
10. Il résulte de ce qui précède que la CALL est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit statué sur l'existence et le montant des créances déclarées pour la somme globale de 222 121,19 euros.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Descamps la somme de 3 000 euros à verser à la CALL au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la CALL qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 13 janvier 2012 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille est annulée en tant qu'elle statue sur les conclusions de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin tendant à ce que ses créances soient déclarées certaines dans leur existence et dans leur montant.
Article 2 : Il est déclaré que les créances déclarées par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin pour un montant global de 222 121,19 euros dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps sont fondées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin est rejeté.
Article 4 : La société Descamps versera à la communauté d'agglomération de Lens-Liévin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la société Descamps et de la Selafa Mandataires Judiciaires Associés présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, à la société Descamps et à la Selafa Mandataires Judiciaires Associés.
N° 375240
ECLI:FR:CESJS:2014:375240.20141010
Inédit au recueil Lebon
3ème sous-section jugeant seule
Mme Angélique Delorme, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
Lecture du vendredi 10 octobre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une ordonnance du 21 septembre 2011, le juge-commissaire de tribunal de commerce de Bobigny chargé de la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps s'est déclaré incompétent pour connaître de la contestation par cette société des créances déclarées le 23 août 2010 par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin entre les mains du représentant des créanciers pour un montant global de 222 121,19 euros. Il a enjoint aux parties de saisir la juridiction compétente.
La communauté d'agglomération de Lens-Liévin a demandé au tribunal administratif de Lille de confirmer ses droits de créancier dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps, de reconnaître le caractère certain et le bien-fondé des créances déclarées dans le cadre de cette procédure pour un montant de 222 121,19 euros, de dire que ces créances sont exigibles, de dire que la société Descamps ne les a pas contestées devant la juridiction compétente dans les délais impartis et d'accepter les créances ainsi déclarées.
Par une ordonnance n° 1106668 du 13 janvier 2012, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin.
Par un arrêt n° 12DA00473 du 23 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article R. 321-1 du code de justice administrative, la requête de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin tendant à l'annulation de l'ordonnance du 13 janvier 2012 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille.
Procédure devant le Conseil d'Etat :
Par la requête transmise au Conseil d'Etat par la cour administrative d'appel de Douai, enregistrée le 23 mars 2012 au greffe de cette cour, la communauté d'agglomération de Lens-Liévin demande :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1106668 du 13 janvier 2012 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille ;
2°) de reconnaître le caractère certain et bien-fondé des créances détenues sur la société Descamps pour un montant de 222 121,19 euros ;
3°) de mettre à la charge de la société Descamps la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Angélique Delorme, auditeur,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la communauté d'agglomeration de Lens-Lievin ;
Considérant ce qui suit :
1. Par actes authentiques des 23 mai 2002 et 5 mars 2003, la communauté d'agglomération de Lens-Liévin (CALL) a cédé aux sociétés Batinorest, Slibail Immobilier, CMCIC Lease et Natexis Bail, acquéreurs indivis, deux parcelles de terrain à bâtir, comprises dans le périmètre de la zone d'activités du Bois Rigault Nord à Vendin-le-Vieil, en vue de l'implantation par la société Descamps de bâtiments d'exploitation, dans le cadre d'une convention de crédit-bail conclue entre la société Descamps, crédit-preneuse, et les sociétés cessionnaires des terrains. Ces actes ont par ailleurs prévu le versement par la CALL à la société Batinorest, au titre de l'incidence sur l'emploi du projet d'investissement, de deux subventions de 359 779,64 euros et 533 571,50 euros en contrepartie de l'engagement pris par la société Descamps de créer et maintenir pendant une durée de huit ans cent dix-huit emplois de bureau et cent soixante-quinze emplois pour l'activité logistique. Au cas où ces engagements ne seraient pas respectés, la société Descamps serait tenue de verser à la CALL, à titre de compensation, la somme de 3 048,98 euros par emploi non créé ou non maintenu, augmentée d'intérêts au taux de 5 % par an.
2. Par jugement du 29 juin 2010, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Descamps et a désigné la Selafa Mandataires judiciaires associés (MJA) en qualité de mandataire judiciaire. La procédure collective s'est poursuivie, en vertu d'une ordonnance de renvoi prise par le premier président de la cour d'appel de Paris, devant le tribunal de commerce de Bobigny. Le 13 août 2010, la CALL a émis douze titres de recettes nos 992 à 1003 pour la somme globale de 222 121,19 euros, correspondant au montant de la compensation, en principal et intérêts, qu'elle estimait lui être due par la société Descamps en application des conventions des 23 mai 2002 et 5 mars 2003. Le 23 août 2010, elle a adressé à la Selafa MJA une déclaration de créances à titre définitif pour ce montant. Par une ordonnance du 21 septembre 2011, le juge-commissaire à la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps, prenant acte de la contestation de cette créance par la société Descamps, s'est déclaré incompétent pour en connaître et a enjoint les parties à saisir la juridiction compétente. Par une requête du 17 novembre 2011, la CALL a demandé au tribunal administratif de Lille de confirmer ses droits de créancier dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps, de reconnaître le caractère certain et le bien-fondé des créances déclarées dans le cadre de cette procédure pour un montant de 222 121,19 euros, de dire que ces créances sont exigibles, de dire que la société Descamps ne les a pas contestées devant la juridiction compétente dans les délais impartis et d'accepter les créances ainsi déclarées. Par une ordonnance du 13 janvier 2012, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté la requête de la CALL pour incompétence. Par un arrêt du 23 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat la requête de la CALL tendant à l'annulation de cette ordonnance.
3. Le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur l'acte par lequel une personne morale de droit public déclare une créance au représentant des créanciers d'une entreprise en redressement judiciaire, dès lors qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire, en vertu des articles L. 624-2 à L. 624-4 du code de commerce, de statuer sur l'admission ou le rejet des créances déclarées. En revanche, le juge administratif est compétent pour statuer sur l'existence et le montant d'une créance publique. Tel est notamment le cas lorsque le juge-commissaire a décidé, en application de l'article L. 624-2 du code de commerce, que ne relevait pas de sa compétence la contestation portant sur la créance déclarée par une personne morale de droit public, matérialisée par l'émission d'un titre de recettes, résultant de l'obligation faite au bénéficiaire d'une subvention publique de la reverser en tout ou partie, lorsque celui-ci n'a pas respecté les conditions mises à l'octroi de cette subvention.
4. C'est donc sans commettre d'erreur de droit que le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a estimé que les conclusions de la CALL tendant, premièrement, à ce qu'il constate que les créances déclarées par cet établissement à hauteur de la somme de 222 121,19 euros étaient exigibles, deuxièmement, à ce qu'il dise que ces créances n'avaient pas été contestées par la société Descamps devant la juridiction compétente dans les délais impartis et, troisièmement, à ce qu'il " accepte " les créances ainsi déclarées, relevaient de la compétence exclusive du juge de la procédure collective.
5. Toutefois, les conclusions de la CALL tendant à ce que le tribunal administratif se prononce sur l'existence et le montant des créances déclarées pour la somme globale de 222 121,19 euros dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps relèvent, eu égard à leur nature, de la compétence du juge administratif. C'est donc à tort que le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a décliné la compétence de la juridiction administrative à ce titre.
6. Il résulte de ce qui précède qu'il appartient au Conseil d'Etat d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la CALL devant le tribunal administratif de Lille tendant à ce qu'il soit statué sur l'existence et le montant des créances déclarées pour la somme globale de 222 121,19 euros dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps.
7. Il résulte, d'une part, de l'instruction qu'en contrepartie des subventions publiques qui lui ont été accordées, la société Descamps s'est engagée, dans le cadre de la convention du 23 mai 2002, à créer cent dix-huit emplois de bureau à temps complet dans un délai de trois ans à compter de la signature de la convention et maintenir les emplois créés pendant une durée de cinq ans à compter de l'expiration du délai de trois ans et, dans le cadre de la convention du 5 mars 2003, à créer cent soixante-quinze emplois à temps complet supplémentaires, au titre de l'activité logistique, dans un délai de trois ans à compter de la signature de la convention et à maintenir les emplois créés pendant une période de cinq ans à compter de l'expiration du délai de trois ans. La société Descamps s'est en outre engagée à verser à la CALL une indemnité de 3 048,98 euros par emploi manquant, augmentée d'intérêts au taux de 5 % par an.
8. Il résulte, d'autre part, de l'instruction que, par courrier du 13 août 2010 adressé au président de la CALL, le secrétaire général de la société Zucchigroup, maison-mère de la société Descamps, a attesté que les effectifs à temps plein de sa filiale présents sur le site de Vendin-le-Vieil étaient, en ce qui concerne les emplois de bureau, de quatre-vingt-un emplois au 24 mai 2005, de quatre-vingt-six emplois au 24 mai 2006, de quatre-vingt-un emplois au 24 mai 2007, de soixante-dix-neuf emplois au 24 mai 2008, de soixante-douze emplois au 24 mai 2009 et de soixante-cinq emplois au 24 mai 2010 et, pour la partie logistique, de trente emplois au 6 mars 2006, de quarante-huit emplois au 6 mars 2007, de soixante et un emplois au 6 mars 2008, de cinquante-cinq emplois au 6 mars 2009 et de quarante-huit emplois au 6 mars 2010. Ainsi, le nombre d'emplois de bureau manquants s'élevait à trente-sept au 24 mai 2005, à l'expiration du délai trois ans, et à cinquante-trois au 24 mai 2010, à l'expiration du délai de cinq ans. De même, pour la partie logistique, cent quarante-cinq emplois étaient manquants au 6 mars 2006, à l'expiration du délai de trois ans, et cent vingt-sept emplois étaient manquants au 6 mars 2010, à l'expiration du délai de cinq ans.
9. La société Descamps n'ayant pas respecté ses engagements de créer cent dix-huit emplois de bureau au 24 mai 2005 et de les maintenir jusqu'au 24 mai 2010, la CALL était fondée à émettre les titres de recettes n° 992 d'un montant de 64 028,58 euros et n° 993 d'un montant de 48 786,68 euros, correspondant au montant de l'indemnité principale de 3 048,98 euros appliquée à trente-sept emplois non créés. De même, sont également justifiés, d'une part, les titres de recettes nos 994 à 998, émis pour des montants respectifs de 5 640,61 euros, 4 878,37 euros, 5 640,61 euros, 5 945,51 euros et 7 012,65 euros, qui correspondent aux intérêts au taux de 5 % calculés sur le montant de l'indemnité principale due en considération du nombre d'emplois de bureau manquants pour chaque période annuelle du 24 mai 2005 au 24 mai 2010 et, d'autre part, les titres de recettes nos 999 à 1002, émis pour des montants respectifs de 22 105,11 euros, 19 361,02 euros, 17 379,19 euros et 18 293,88 euros, qui correspondent aux intérêts au taux de 5 % calculés sur le montant de l'indemnité principale due en considération du nombre d'emplois manquants au titre de l'activité logistique pour chaque période annuelle du 6 mars 2006 au 6 mars 2009. Enfin, la CALL justifie, par les éléments qu'elle a produits aux débats, du bien-fondé de la créance d'un montant de 3 048,98 euros ayant donné lieu à l'émission du titre de recettes n° 1003 correspondant à une fraction, non comprise dans le titre de recette n° 468 émis au cours de l'année 2006 pour un montant de 142 472,80 euros, de la compensation due par la société Descamps au titre du non-respect de son engagement de créer cent soixante-quinze emplois au titre de l'activité logistique. Par suite, il y a lieu de déclarer que la CALL est fondée à invoquer l'existence de créances sur la société Descamps pour un montant de 222 121,19 euros.
10. Il résulte de ce qui précède que la CALL est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit statué sur l'existence et le montant des créances déclarées pour la somme globale de 222 121,19 euros.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Descamps la somme de 3 000 euros à verser à la CALL au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la CALL qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 13 janvier 2012 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille est annulée en tant qu'elle statue sur les conclusions de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin tendant à ce que ses créances soient déclarées certaines dans leur existence et dans leur montant.
Article 2 : Il est déclaré que les créances déclarées par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin pour un montant global de 222 121,19 euros dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Descamps sont fondées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin est rejeté.
Article 4 : La société Descamps versera à la communauté d'agglomération de Lens-Liévin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la société Descamps et de la Selafa Mandataires Judiciaires Associés présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, à la société Descamps et à la Selafa Mandataires Judiciaires Associés.