Conseil d'État
N° 382684
ECLI:FR:CESSR:2014:382684.20141203
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
Lecture du mercredi 3 décembre 2014
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A...G...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 à Saint-Germain-du-Puy (Cher).
Par un jugement nos 1401090, 1401385 du 10 juin 2014, le tribunal administratif d'Orléans a :
- annulé l'élection de M. F...C...en qualité de conseiller municipal de la commune de Saint-Germain-du-Puy et de conseiller communautaire de cette commune à la communauté d'agglomération Bourges Plus ;
- annulé l'élection de Mme E...D...en qualité de conseiller municipal de la commune de Saint-Germain-du-Puy ;
- rejeté le surplus de la protestation de M.G....
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...D..., Mme E...D...et M. F...C...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement nos 1401090, 1401385 du 10 juin 2014 du tribunal administratif d'Orléans, en tant qu'il a annulé les élections de M. C... et MmeD... ;
2°) de rejeter la protestation de M.G....
Ils soutiennent que :
- les établissements publics d'un département n'entrent pas dans le champ du 8° de l'article L. 231 du code électoral ;
- l'office public de l'habitat du Cher ne constitue pas un établissement public départemental ;
- le tribunal administratif n'a pas répondu aux moyens tirés, d'une part, de ce que l'application du 8° de l'article L. 231 du code électoral aux offices publics de l'habitat méconnaîtrait le principe d'égalité et, d'autre part, de ce qu'un établissement public disposant de la personnalité juridique et de l'autonomie financière ne pouvait être soumis à ces dispositions ;
- le 8° de l'article L. 231 du code électoral n'est pas applicable aux salariés de droit privé ;
- les fonctions exercées par M. C...et Mme D...ne peuvent les faire regarder comme des chefs de service, au sens du 8° de l'article L. 231 du code électoral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2014, M. G...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M.D..., Mme D...et M. C...le versement de la somme de 3 317 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire distinct et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 septembre et 24 octobre 2014, M.D..., Mme D...et M. C...demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, à l'appui de leur requête visée ci-dessus, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 8° de l'article L. 231 du code électoral.
Ils soutiennent que ces dispositions, applicables au litige, portent atteinte au droit d'éligibilité dont dispose tout citoyen, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 3 de la Constitution, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le principe de clarté de la loi découlant de l'article 34 de la Constitution.
Par un mémoire, enregistré le 30 septembre 2014, M. A...G...conclut à ce que le Conseil d'Etat décide qu'il n'y a pas lieu de saisir le Conseil constitutionnel. Il soutient que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ne présente pas un caractère sérieux.
Par un mémoire, enregistré le 7 octobre 2014, le ministre de l'intérieur conclut à ce que le Conseil d'Etat décide qu'il n'y a pas lieu de saisir le Conseil constitutionnel. Il soutient que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée n'est ni nouvelle, ni sérieuse.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code électoral ;
- la loi du 23 décembre 1912 modifiant et complétant la loi du 12 avril 1906 sur les habitations à bon marché ;
- l'ordonnance n° 2007-137 du 1er février 2007 ;
- la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 novembre 2014, présentée par M. G....
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 novembre 2014, présentée par M. D..., Mme D...et M.C....
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 231 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mai 2013 : " Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois : (...) / 8° Les personnes exerçant, au sein du conseil régional, du conseil départemental, de la collectivité territoriale de Corse, de Guyane ou de Martinique, d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de leurs établissements publics, les fonctions de directeur général des services, directeur général adjoint des services, directeur des services, directeur adjoint des services ou chef de service, ainsi que les fonctions de directeur de cabinet, directeur adjoint de cabinet ou chef de cabinet en ayant reçu délégation de signature du président, du président de l'assemblée ou du président du conseil exécutif (...) " ;
2. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé, sur la protestation de M. A...G..., l'élection de M. F...C...en qualité de conseiller municipal de la commune de Saint-Germain-du-Puy et de conseiller communautaire de cette commune à la communauté d'agglomération Bourges Plus et l'élection de Mme E...D...en qualité de conseiller municipal de cette même commune, au motif qu'ils étaient, en leur qualité de directeurs au sein de l'office public de l'habitat du Cher, inéligibles en application des dispositions citées ci-dessus ; que les intéressés, ainsi que M. B...D..., font appel de ce jugement et invoquent, à l'appui de leur requête, une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre ces dispositions ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'en soutenant que les offices publics de l'habitat n'entrent pas dans le champ d'application du 8° de l'article L. 231 du code électoral et que la rédaction de cette disposition, issue de la loi du 17 mai 2013, n'a eu ni pour objet, ni pour effet de rendre inéligibles les salariés de droit privé de ces offices, les requérant contestent, non la constitutionnalité de la loi, mais l'application qu'en a faite le tribunal administratif ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse " ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
6. Considérant que, d'une part, la circonstance qu'en vertu de l'article L. 421-5 du code de la construction et de l'habitation, les offices publics de l'habitat exercent leur activité " sur le territoire de la région où se trouve la collectivité territoriale ou l'établissement public auquel ils sont rattachés " et que les règles d'inéligibilité prévues au 8° de l'article L. 231 du code électoral pourraient conduire à rendre un salarié d'un office inéligible aux élections municipales de l'ensemble des communes d'une région n'est pas, en elle-même, de nature à caractériser une méconnaissance du principe d'égalité ; que, d'autre part, les mandats de conseiller municipal et de conseiller général étant différents, les différences entre les règles fixant les conditions d'éligibilité à ces mandats ne méconnaissent pas, en elles-mêmes, le principe d'égalité ; que les personnes en fonction dans un office public de l'habitat rattaché à une commune et celles en fonction dans un office public de l'habitat rattaché à un département étant placées dans des situations différentes, au regard des dispositions en cause, le principe d'égalité n'impose pas que ces deux catégories de personnes soient soumises à des règles d'éligibilité identiques ; qu'en conséquence, le moyen tiré de ce qu'à supposer que les offices publics de l'habitat entrent dans le champ d'application du 8° de l'article L. 231 du code électoral, ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité ne présente pas un caractère sérieux ;
7. Considérant, enfin, que les requérants, qui se réfèrent au principe de clarté de la loi, doivent être regardés, compte tenu de l'argumentation qu'ils développent, comme invoquant la méconnaissance, par les dispositions contestées, de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; que, toutefois, la méconnaissance de cet objectif ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le 8° de l'article L. 231 du code électoral porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
Sur les autres moyens de la requête :
9. Considérant, en premier lieu, que les dispositions du 8° de l'article L. 231 du code électoral citées au point 1 doivent s'entendre, eu égard à leur objet, comme visant non le conseil régional ou le conseil départemental, mais les collectivités publiques dont ils sont les organes délibérants ; qu'il résulte de ces dispositions qu'entrent dans leur champ, notamment, les établissements publics rattachés à un département ;
10. Considérant que l'office public de l'habitat du Cher a été créé, sous la forme d'un office public d'habitations à bon marché, par un décret du 25 juillet 1920 ; qu'étaient alors applicables les dispositions de la loi du 23 décembre 1912 modifiant et complétant la loi du 12 avril 1906 sur les habitations à bon marché, qui prévoyaient que les offices publics d'habitations à bon marché étaient des établissements publics créés par décret à la demande soit d'un conseil municipal, soit des conseils municipaux de communes ayant à cet effet constitué un syndicat, soit d'un conseil général ; que le décret du 25 juillet 1920 crée un office public d'habitations à bon marché " pour le département du Cher " et vise les délibérations du conseil général du Cher en date des 3 mai et 22 août 1919 ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 de l'ordonnance du 1er février 2007 relative aux offices publics de l'habitat : " Les offices publics d'habitation à loyer modéré et les offices publics d'aménagement et de construction sont transformés en offices publics de l'habitat sans que cette transformation donne lieu à la création de nouvelles personnes morales " ; qu'enfin, en vertu des articles L. 421-1 et L. 421-6 du code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction applicable à la date de l'élection contestée, les offices publics de l'habitat sont des établissements publics locaux à caractère industriel et commercial qui peuvent être rattachés à un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, à un département ou, sous certaines conditions, à une commune ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'office public de l'habitat du Cher doit être regardé comme rattaché au département du Cher ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif, qui a suffisamment motivé son jugement, a jugé que cet établissement public entrait dans le champ du 8° de l'article L. 231 du code électoral ;
12. Considérant, en second lieu, que la circonstance que des personnes soient employées dans le cadre d'un contrat de droit privé est sans incidence au regard du champ d'application du 8° de l'article L. 231 du code électoral ; qu'il n'est pas contesté qu'à la date de leur élection, M. F...C...et Mme E...D...étaient, respectivement, directeur financier et informatique et directrice des affaires locatives au sein de l'office public de l'habitat du Cher ; qu'il résulte de l'instruction qu'ils étaient, comme les quatre autres directeurs de l'office, placés directement sous l'autorité du directeur général de l'office et faisaient partie de l'équipe de direction de l'établissement ; que, compte tenu des responsabilités qu'ils exerçaient, comportant notamment l'encadrement d'un service, et alors même qu'ils n'auraient aucune délégation leur donnant un pouvoir de décision, leurs fonctions sont au nombre de celles mentionnées au 8° de l'article L. 231 du code électoral ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'élection de M. F...C...et de Mme E...D...en qualité de conseillers municipaux de la commune de Saint-Germain-du-Puy et, par voie de conséquence, l'élection de M. C...en qualité de conseiller communautaire à la communauté d'agglomération Bourges Plus ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par M. G...devant le Conseil d'Etat ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.D..., Mme D...et M. C....
Article 2 : La requête de M.D..., Mme D...et M. C...est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. G...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...D..., Mme E...D..., M. F...C..., M. A...G...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.
N° 382684
ECLI:FR:CESSR:2014:382684.20141203
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
Lecture du mercredi 3 décembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A...G...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 à Saint-Germain-du-Puy (Cher).
Par un jugement nos 1401090, 1401385 du 10 juin 2014, le tribunal administratif d'Orléans a :
- annulé l'élection de M. F...C...en qualité de conseiller municipal de la commune de Saint-Germain-du-Puy et de conseiller communautaire de cette commune à la communauté d'agglomération Bourges Plus ;
- annulé l'élection de Mme E...D...en qualité de conseiller municipal de la commune de Saint-Germain-du-Puy ;
- rejeté le surplus de la protestation de M.G....
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...D..., Mme E...D...et M. F...C...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement nos 1401090, 1401385 du 10 juin 2014 du tribunal administratif d'Orléans, en tant qu'il a annulé les élections de M. C... et MmeD... ;
2°) de rejeter la protestation de M.G....
Ils soutiennent que :
- les établissements publics d'un département n'entrent pas dans le champ du 8° de l'article L. 231 du code électoral ;
- l'office public de l'habitat du Cher ne constitue pas un établissement public départemental ;
- le tribunal administratif n'a pas répondu aux moyens tirés, d'une part, de ce que l'application du 8° de l'article L. 231 du code électoral aux offices publics de l'habitat méconnaîtrait le principe d'égalité et, d'autre part, de ce qu'un établissement public disposant de la personnalité juridique et de l'autonomie financière ne pouvait être soumis à ces dispositions ;
- le 8° de l'article L. 231 du code électoral n'est pas applicable aux salariés de droit privé ;
- les fonctions exercées par M. C...et Mme D...ne peuvent les faire regarder comme des chefs de service, au sens du 8° de l'article L. 231 du code électoral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2014, M. G...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M.D..., Mme D...et M. C...le versement de la somme de 3 317 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire distinct et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 septembre et 24 octobre 2014, M.D..., Mme D...et M. C...demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, à l'appui de leur requête visée ci-dessus, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 8° de l'article L. 231 du code électoral.
Ils soutiennent que ces dispositions, applicables au litige, portent atteinte au droit d'éligibilité dont dispose tout citoyen, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 3 de la Constitution, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le principe de clarté de la loi découlant de l'article 34 de la Constitution.
Par un mémoire, enregistré le 30 septembre 2014, M. A...G...conclut à ce que le Conseil d'Etat décide qu'il n'y a pas lieu de saisir le Conseil constitutionnel. Il soutient que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ne présente pas un caractère sérieux.
Par un mémoire, enregistré le 7 octobre 2014, le ministre de l'intérieur conclut à ce que le Conseil d'Etat décide qu'il n'y a pas lieu de saisir le Conseil constitutionnel. Il soutient que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée n'est ni nouvelle, ni sérieuse.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code électoral ;
- la loi du 23 décembre 1912 modifiant et complétant la loi du 12 avril 1906 sur les habitations à bon marché ;
- l'ordonnance n° 2007-137 du 1er février 2007 ;
- la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 novembre 2014, présentée par M. G....
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 novembre 2014, présentée par M. D..., Mme D...et M.C....
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 231 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mai 2013 : " Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois : (...) / 8° Les personnes exerçant, au sein du conseil régional, du conseil départemental, de la collectivité territoriale de Corse, de Guyane ou de Martinique, d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de leurs établissements publics, les fonctions de directeur général des services, directeur général adjoint des services, directeur des services, directeur adjoint des services ou chef de service, ainsi que les fonctions de directeur de cabinet, directeur adjoint de cabinet ou chef de cabinet en ayant reçu délégation de signature du président, du président de l'assemblée ou du président du conseil exécutif (...) " ;
2. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé, sur la protestation de M. A...G..., l'élection de M. F...C...en qualité de conseiller municipal de la commune de Saint-Germain-du-Puy et de conseiller communautaire de cette commune à la communauté d'agglomération Bourges Plus et l'élection de Mme E...D...en qualité de conseiller municipal de cette même commune, au motif qu'ils étaient, en leur qualité de directeurs au sein de l'office public de l'habitat du Cher, inéligibles en application des dispositions citées ci-dessus ; que les intéressés, ainsi que M. B...D..., font appel de ce jugement et invoquent, à l'appui de leur requête, une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre ces dispositions ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'en soutenant que les offices publics de l'habitat n'entrent pas dans le champ d'application du 8° de l'article L. 231 du code électoral et que la rédaction de cette disposition, issue de la loi du 17 mai 2013, n'a eu ni pour objet, ni pour effet de rendre inéligibles les salariés de droit privé de ces offices, les requérant contestent, non la constitutionnalité de la loi, mais l'application qu'en a faite le tribunal administratif ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse " ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
6. Considérant que, d'une part, la circonstance qu'en vertu de l'article L. 421-5 du code de la construction et de l'habitation, les offices publics de l'habitat exercent leur activité " sur le territoire de la région où se trouve la collectivité territoriale ou l'établissement public auquel ils sont rattachés " et que les règles d'inéligibilité prévues au 8° de l'article L. 231 du code électoral pourraient conduire à rendre un salarié d'un office inéligible aux élections municipales de l'ensemble des communes d'une région n'est pas, en elle-même, de nature à caractériser une méconnaissance du principe d'égalité ; que, d'autre part, les mandats de conseiller municipal et de conseiller général étant différents, les différences entre les règles fixant les conditions d'éligibilité à ces mandats ne méconnaissent pas, en elles-mêmes, le principe d'égalité ; que les personnes en fonction dans un office public de l'habitat rattaché à une commune et celles en fonction dans un office public de l'habitat rattaché à un département étant placées dans des situations différentes, au regard des dispositions en cause, le principe d'égalité n'impose pas que ces deux catégories de personnes soient soumises à des règles d'éligibilité identiques ; qu'en conséquence, le moyen tiré de ce qu'à supposer que les offices publics de l'habitat entrent dans le champ d'application du 8° de l'article L. 231 du code électoral, ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité ne présente pas un caractère sérieux ;
7. Considérant, enfin, que les requérants, qui se réfèrent au principe de clarté de la loi, doivent être regardés, compte tenu de l'argumentation qu'ils développent, comme invoquant la méconnaissance, par les dispositions contestées, de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; que, toutefois, la méconnaissance de cet objectif ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le 8° de l'article L. 231 du code électoral porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
Sur les autres moyens de la requête :
9. Considérant, en premier lieu, que les dispositions du 8° de l'article L. 231 du code électoral citées au point 1 doivent s'entendre, eu égard à leur objet, comme visant non le conseil régional ou le conseil départemental, mais les collectivités publiques dont ils sont les organes délibérants ; qu'il résulte de ces dispositions qu'entrent dans leur champ, notamment, les établissements publics rattachés à un département ;
10. Considérant que l'office public de l'habitat du Cher a été créé, sous la forme d'un office public d'habitations à bon marché, par un décret du 25 juillet 1920 ; qu'étaient alors applicables les dispositions de la loi du 23 décembre 1912 modifiant et complétant la loi du 12 avril 1906 sur les habitations à bon marché, qui prévoyaient que les offices publics d'habitations à bon marché étaient des établissements publics créés par décret à la demande soit d'un conseil municipal, soit des conseils municipaux de communes ayant à cet effet constitué un syndicat, soit d'un conseil général ; que le décret du 25 juillet 1920 crée un office public d'habitations à bon marché " pour le département du Cher " et vise les délibérations du conseil général du Cher en date des 3 mai et 22 août 1919 ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 de l'ordonnance du 1er février 2007 relative aux offices publics de l'habitat : " Les offices publics d'habitation à loyer modéré et les offices publics d'aménagement et de construction sont transformés en offices publics de l'habitat sans que cette transformation donne lieu à la création de nouvelles personnes morales " ; qu'enfin, en vertu des articles L. 421-1 et L. 421-6 du code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction applicable à la date de l'élection contestée, les offices publics de l'habitat sont des établissements publics locaux à caractère industriel et commercial qui peuvent être rattachés à un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, à un département ou, sous certaines conditions, à une commune ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'office public de l'habitat du Cher doit être regardé comme rattaché au département du Cher ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif, qui a suffisamment motivé son jugement, a jugé que cet établissement public entrait dans le champ du 8° de l'article L. 231 du code électoral ;
12. Considérant, en second lieu, que la circonstance que des personnes soient employées dans le cadre d'un contrat de droit privé est sans incidence au regard du champ d'application du 8° de l'article L. 231 du code électoral ; qu'il n'est pas contesté qu'à la date de leur élection, M. F...C...et Mme E...D...étaient, respectivement, directeur financier et informatique et directrice des affaires locatives au sein de l'office public de l'habitat du Cher ; qu'il résulte de l'instruction qu'ils étaient, comme les quatre autres directeurs de l'office, placés directement sous l'autorité du directeur général de l'office et faisaient partie de l'équipe de direction de l'établissement ; que, compte tenu des responsabilités qu'ils exerçaient, comportant notamment l'encadrement d'un service, et alors même qu'ils n'auraient aucune délégation leur donnant un pouvoir de décision, leurs fonctions sont au nombre de celles mentionnées au 8° de l'article L. 231 du code électoral ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'élection de M. F...C...et de Mme E...D...en qualité de conseillers municipaux de la commune de Saint-Germain-du-Puy et, par voie de conséquence, l'élection de M. C...en qualité de conseiller communautaire à la communauté d'agglomération Bourges Plus ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par M. G...devant le Conseil d'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.D..., Mme D...et M. C....
Article 2 : La requête de M.D..., Mme D...et M. C...est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. G...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...D..., Mme E...D..., M. F...C..., M. A...G...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.