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Ariane Web: Conseil d'État 386296, lecture du 18 février 2015, ECLI:FR:Code Inconnu:2015:386296.20150218

Décision n° 386296
18 février 2015
Conseil d'État

N° 386296
ECLI:FR:Code Inconnu:2015:386296.20150218
Inédit au recueil Lebon
6ème - 1ère SSR
Mme Clémence Olsina, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public


Lecture du mercredi 18 février 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le mémoire, enregistré le 8 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par M. A...B..., demeurant ...à Marseille Cedex 20 (13178) ; M. B...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 octobre 2014 relatif aux modes de communication des avocats, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du deuxième alinéa de l'article 3 bis et du second alinéa de l'article 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, notamment ses articles 3 bis et 66-4 ;

Vu le décret n° 72-785 du 25 août 1972 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

- et après en avoir délibéré hors de la présence du rapporteur public ;



1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 3 bis de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, l'avocat est autorisé à recourir à la publicité ainsi qu'à la sollicitation personnalisée " ; qu'en vertu du second alinéa de l'article 66-4 de la même loi, ne sont pas applicables aux avocats les dispositions du premier alinéa de cet article aux termes desquelles : " Sera puni des peines prévues à l'article L. 121-23 du code de la consommation quiconque se sera livré au démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique. Toute publicité aux mêmes fins est subordonnée au respect de conditions fixées par le décret visé à l'article 66-6 " ;

3. Considérant, en premier lieu, que le requérant soutient que les dispositions citées ci-dessus méconnaissent la liberté d'entreprendre, garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la compétence du législateur, telle qu'elle résulte de l'article 34 de la Constitution ; que s'il appartient au législateur de fixer les limites de la liberté d'entreprendre, la détermination des règles d'exercice d'une profession, et notamment des règles de déontologie, relève de la compétence du pouvoir réglementaire dès lors que ne sont mis en cause aucune des règles ni aucun des principes fondamentaux que la Constitution réserve à la loi ; que, par suite, en prévoyant que les conditions dans lesquelles les avocats sont autorisés à recourir à la publicité et à la sollicitation personnalisée sont déterminées par le pouvoir réglementaire, le législateur n'a pas méconnu sa compétence ; qu'ainsi, le moyen soulevé ne présente pas de caractère sérieux ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions contestées ne confient pas au pouvoir réglementaire le soin de définir le délit de démarchage en vue de donner des consultations, de rédiger des actes ou de proposer son assistance en matière juridique ni de déterminer des peines d'emprisonnement en cas de méconnaissance de ces règles ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le législateur aurait méconnu sa compétence et, par suite, le principe de légalité des délits et des peines ne présente pas de caractère sérieux ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'il est également soutenu que le principe d'égalité est méconnu au motif que les dispositions des articles 2 et 3 du décret du 25 août 1972 relatif au démarchage et à la publicité en matière de consultation et de rédaction d'actes juridiques instituent des restrictions au recours à la publicité par les avocats sans les imposer aux administrations, associations, syndicats professionnels ni à certains organismes et entreprises ; que, cependant, M. B...ne saurait utilement invoquer à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité l'illégalité de dispositions réglementaires ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


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