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Ariane Web: Conseil d'État 388777, lecture du 30 juin 2015, ECLI:FR:Code Inconnu:2015:388777.20150630

Décision n° 388777
30 juin 2015
Conseil d'État

N° 388777
ECLI:FR:Code Inconnu:2015:388777.20150630
Inédit au recueil Lebon
1ère - 6ème SSR
M. Yannick Faure, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public


Lecture du mardi 30 juin 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés les 8 avril et 22 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA) demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation partielle pour excès de pouvoir de l'article 3 de l'arrêté du 24 février 2015 du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes modifiant l'arrêté du 15 avril 2010 relatif aux modalités d'inscription des avertissements de caractère sanitaire sur les unités de conditionnement des produits du tabac et insérant un pictogramme destiné aux femmes enceintes, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3511-6 du code de la santé publique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la santé publique ;
- la décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 juin 2015, présentée par la société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA) ;




1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que la société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes soutient que les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3511-6 du code de la santé publique, qui prévoient que " Toutes les unités de conditionnement du tabac et des produits du tabac ainsi que du papier à rouler les cigarettes portent, dans les conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de la santé, un message général et un message spécifique de caractère sanitaire ", portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ; que la société requérante soutient qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer le contenu et les modalités de présentation de ces avertissements, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence et porté atteinte à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété des fabricants des produits du tabac ;

3. Considérant que la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;

4. Considérant que le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 dispose que la Nation garantit à tous la protection de la santé ; qu'en adoptant les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3511-6 du code de la santé publique, le législateur a poursuivi un objectif de santé publique ; que si ces dispositions renvoient à un arrêté du ministre chargé de la santé le soin de fixer les conditions dans lesquelles les unités de conditionnement du tabac et des produits du tabac ainsi que du papier à rouler les cigarettes portent des avertissements, le législateur a déterminé la nature de l'obligation d'étiquetage, en prévoyant l'apposition de deux messages, l'un de caractère général et l'autre de caractère sanitaire, et délimité son champ d'application, au surplus précisé par les dispositions de l'article L. 3511-1 du même code qui définissent les produits du tabac ; que, par suite, la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3511-6 du code de la santé publique porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.