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Ariane Web: Conseil d'État 387989, lecture du 10 juillet 2015, ECLI:FR:Code Inconnu:2015:387989.20150710

Décision n° 387989
10 juillet 2015
Conseil d'État

N° 387989
ECLI:FR:CESSR:2015:387989.20150710
Inédit au recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
Mme Clémence Olsina, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public


Lecture du vendredi 10 juillet 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de Toulouse à la suite de sa décision du 15 octobre 2014 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de M. B...C..., candidat aux élections municipales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 dans la commune de Cahors.

Par une ordonnance n° 1405054-4 du 12 février 2015, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 16 février 2015, le président du tribunal administratif de Toulouse a transmis le dossier au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 121 du code électoral.

Par trois mémoires en défense, enregistrés au greffe du tribunal administratif de Toulouse les 24 novembre 2014 et 4 février 2015 et au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 mars 2015, M. C...conclut à l'approbation de son compte de campagne, à ce qu'il ne soit pas déclaré inéligible et à ce que lui soit accordé le bénéfice du remboursement forfaitaire dû par l'Etat au titre de l'article L. 52-11-1 du code électoral.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;



1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. (...) Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. (...) / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection (...) " ;

2. Considérant que le compte de campagne de M.C..., candidat aux élections qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Cahors (Lot), a été rejeté par une décision du 15 octobre 2014 de la Commission nationale des comptes de campagne, qui a saisi le juge de l'élection en application de l'article L. 52-15 du code électoral ; qu'en application des dispositions de l'article R. 121 du code électoral, faute d'avoir statué dans le délai de trois mois prévu par l'article R. 120 du même code, le président du tribunal administratif de Toulouse a transmis le dossier au Conseil d'Etat ;


Sur la procédure suivie devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C...a été invité par la Commission, à plusieurs reprises, à produire des observations et des pièces justificatives de nature à justifier les recettes et les dépenses de son compte de campagne ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le rapporteur et les membres de la Commission n'auraient pas eu connaissance en temps utile des pièces produites par l'intéressé le 6 octobre 2014 en réponse à ces demandes ou se seraient abstenus de les prendre en considération ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'examen de son compte de campagne ne peut qu'être écarté ;

Sur le rejet du compte de campagne :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le compte de campagne initialement déposé par M.C..., qui faisait apparaître un montant de dépenses déclarées de 24 833 euros et de recettes déclarées de 26 662 euros, n'était accompagné d'aucun justificatif, à l'exception d'une facture s'élevant à 1 260 euros ; qu'à la suite de plusieurs demandes de justifications de la Commission, et après expiration des délais fixés par elle pour les présenter, M. C...a produit un compte de campagne présentant un montant de dépenses déclarées revu à la baisse, pour un montant de 24 200 euros, dont la ventilation était substantiellement remaniée ; que ce document n'était pas visé par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; que les dépenses et recettes qu'il retraçait n'étaient justifiées que par des pièces incomplètes et non concordantes, ne permettant pas d'attester de la réalité et de la régularité des opérations réalisées ; que, notamment, les dons des personnes physiques, d'un montant total de 5 650 euros, n'étaient pas justifiés par les reçus exigés par les articles L. 52-10 et R. 39-1 du code électoral ; que les pièces produites ne permettaient pas d'établir une correspondance suffisamment précise entre les factures, les moyens de paiement utilisés et la main courante du mandataire financier qui, alors qu'elle avait été intégralement remaniée, ne comportait pas les mêmes imputations comptables que celles qui figuraient sur le compte de campagne ; qu'ainsi, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M.C... ;

5 Considérant qu'il y a lieu, par suite, de fixer le montant du remboursement forfaitaire dû par l'Etat au titre de l'article L. 52-11-1 du code électoral à zéro euro ;

Sur l'inéligibilité :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, (...) / le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. / Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. / L'inéligibilité déclarée sur le fondement des premier à troisième alinéas est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. / Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office " ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral qu'en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection prononce l'inéligibilité d'un candidat s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ; que, pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens de ces dispositions, il incombe au juge de l'élection d'apprécier, d'une part, s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, d'autre part, s'il présente un caractère délibéré ;

8. Considérant que les irrégularités ayant justifié le rejet du compte de campagne de M. C...constituent des manquements caractérisés à des règles substantielles relatives au financement des campagnes électorales ; que M.C..., qui avait pris part à d'autres campagnes électorales, ne peut sérieusement prétendre ignorer ces règles ; que les manquements commis ne sauraient être justifiés ni par le climat politique tendu dans lequel se serait déroulée la campagne électorale, ni par la circonstance que le candidat n'aurait pas été en mesure de nommer un mandataire financier suffisamment au fait des règles de financement des campagnes électorales ; qu'ainsi, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de déclarer M. C... inéligible à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la présente décision et de le déclarer démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller municipal de la commune de Cahors ;

9. Considérant qu'en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 270 du code électoral, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de proclamer élue Mme D...A..., inscrite sur la liste où figurait M. C...immédiatement après le dernier élu de cette liste ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le compte de campagne de M. C...a été rejeté à bon droit par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Article 2 : Le montant du remboursement dû par l'Etat à M. C...en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral est arrêté à zéro euro.
Article 3 : M. C...est déclaré inéligible pour une durée d'un an à compter de la présente décision et démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal.
Article 4 : Mme D...A...est proclamée élue en qualité de conseiller municipal de la commune de Cahors.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à M. B...C...et à Mme D...A....
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.