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Ariane Web: Conseil d'État 372733, lecture du 30 décembre 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:372733.20151230

Décision n° 372733
30 décembre 2015
Conseil d'État

N° 372733
ECLI:FR:CESSR:2015:372733.20151230
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème SSR
M. Bastien Lignereux, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP TIFFREAU, MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats


Lecture du mercredi 30 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société BNP Paribas, venant aux droits de la société Paribas, a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995 et 1996, à raison de la réintégration dans ses résultats des bénéfices réalisés par la société Pasta Investment Ltd, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0304610 du 20 mai 2008, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 08PA03824 du 29 janvier 2010, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de la société BNP Paribas contre ce jugement.

Par une décision n° 338684 du 26 décembre 2012, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur le pourvoi de la société BNP Paribas, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Versailles.

Par un arrêt n° 13VE00411 du 18 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 mai 2008 et accordé la décharge demandée par la société BNP Paribas.

Par un pourvoi, enregistré le 10 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre délégué, chargé du budget, demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, Auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de la société BNP Paribas ;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, la société Paribas a été assujettie, au titre des exercices clos en 1995 et 1996, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt ainsi qu'aux pénalités correspondantes, à raison de l'inclusion dans son résultat imposable, en application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts, d'une fraction des bénéfices de la société Pasta Investment Ltd, filiale établie à Hong Kong ; qu'après avoir vainement réclamé auprès de l'administration contre les impositions supplémentaires ainsi mises à sa charge, la société BNP Paribas, venant aux droits de la société Paribas, a saisi le tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 20 mai 2008, a rejeté à sa demande ; qu'après l'annulation, par une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 26 décembre 2012, d'un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 29 janvier 2010 qui a rejeté son appel contre ce jugement, la cour administrative d'appel de Versailles a, par un arrêt du 18 juillet 2013, fait droit à cet appel ; que le ministre délégué, chargé du budget, se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux exercices en litige : " I. Lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l'article 238 A, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient. / Ces bénéfices font l'objet d'une imposition séparée. (...) / II. Les dispositions du I ne s'appliquent pas si l'entreprise établit que les opérations de la société étrangère n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment : / - lorsque la société étrangère a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ; / et qu'elle réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local " ; qu'aux termes de l'article 238 A du même code alors applicable : " (...) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'État ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France " ;

3. Considérant qu'afin de dissuader les entreprises passibles en France de l'impôt sur les sociétés de localiser, pour des raisons principalement fiscales, une partie de leurs bénéfices, au travers de filiales créées par elles ou par une de leurs filiales, dans des pays ou territoires à régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du même code, le premier alinéa du I de l'article 209 B du code général des impôts prévoit, dans sa rédaction applicable aux exercices en litige, que dans le cas où une entreprise passible en France de l'impôt sur les sociétés détient, directement ou indirectement, au moins 25 % des actions ou parts d'une société implantée dans un tel Etat ou territoire, elle est normalement soumise à l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices de cette société, à proportion des droits qu'elle y détient ; qu'il n'en va autrement, de manière dérogatoire, que si l'entreprise démontre, ainsi que le prévoit le premier alinéa du II de l'article 209 B, que l'implantation de la filiale, détenue directement ou indirectement, dans un pays à régime fiscal privilégié n'a pas, pour la société mère, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ;

4. Considérant, en premier lieu, que pour juger que la société BNP Paribas apportait la preuve que les opérations de la filiale établie à Hong Kong de la société Paribas, aux droits de laquelle elle vient, n'avaient pas principalement pour objet d'échapper à l'impôt français, la cour s'est fondée sur ce qu'elle indiquait, sans être sérieusement contredite, que cette filiale exerçait une activité de gestion des devises asiatiques détenues par des entités du groupe Paribas et intervenait à ce titre sur les marchés asiatiques et qu'elle soutenait que cette activité ne pouvait être réalisée depuis la France compte tenu des exigences liées au fonctionnement des marchés en cause, ce qui n'est pas argué de dénaturation ; qu'en se fondant sur ces éléments, la cour n'a pas, contrairement à ce que soutient le ministre, inversé la charge de la preuve ;

5. Considérant, en second lieu, que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que si le ministre faisait valoir qu'il n'était pas prouvé que les clients de la société Pasta Investment Ltd n'étaient pas des résidents français ni que les fonds collectés ne provenaient pas de France et que la société requérante n'avait pas présenté d'éléments relatifs à la nature et à l'objet des placements, cette argumentation était, compte tenu de l'activité de la société Pasta Investment Ltd et des explications avancées par la société requérante, sans incidence sur l'appréciation des finalités poursuivies par la SA Paribas en implantant sa filiale à Hong Kong ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société BNP Paribas d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société BNP Paribas une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la société BNP Paribas.


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