Conseil d'État
N° 380503
ECLI:FR:CESSR:2015:380503.20151230
Inédit au recueil Lebon
6ème - 1ère SSR
M. Cyrille Beaufils, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP TIFFREAU, MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats
Lecture du mercredi 30 décembre 2015
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mai 2014, 21 août 2014 et 24 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Fédération environnement durable, l'association Vent de colère ! Fédération nationale, l'association Vieilles maisons françaises, la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, l'association Patrimoine et environnement, l'association Sauvegarde de l'art français et l'association Maisons paysannes de France demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public aux processus décisionnels et l'accès à la justice en matière d'environnement ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2014-1 du 14 janvier 2014 ;
- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, notamment son article 145 ;
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
- le décret n° 2000-877 du 7 septembre 2000 ;
- le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 ;
- le décret n° 2014-404 du 16 avril 2014 ;
- le décret n° 2014-410 du 16 avril 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Fédération environnement durable et autres ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 décembre 2015, présentée par l'association Fédération environnement durable et autres ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises, le Gouvernement a été autorisé à prendre par ordonnance toute mesure législative visant à autoriser le représentant de l'Etat dans le département, à titre expérimental, dans un nombre limité de régions et pour une durée n'excédant pas trois ans, à délivrer aux porteurs de projets relatifs à des installations classées pour la protection de l'environnement une décision unique sur leur demande d'autorisation ou de dérogation valant permis de construire et accordant les autorisations ou dérogations nécessaires pour la réalisation de leur projet ; que l'article 1er de l'ordonnance du 21 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, prise sur le fondement de cette habilitation, dispose: " I. - A titre expérimental, et pour une durée de trois ans, sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, d'installations de méthanisation et d'installations de production d'électricité ou de biométhane à partir de biogaz soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 du code de l'environnement sur le territoire des régions de Basse-Normandie, Bretagne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Midi-Pyrénées, Nord - Pas-de-Calais et Picardie " ; qu'aux termes de l'article 2 de cette même ordonnance : " Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique" dans le présent titre. / Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, autorisation de défrichement au titre des articles L. 214-13 et L. 341-3 du code forestier, autorisation d'exploiter au titre de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, approbation au titre de l'article L. 323-11 du même code et dérogation au titre du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. / L'autorisation unique tient lieu des permis, autorisation, approbation ou dérogation mentionnés à l'alinéa précédent pour l'application des autres législations lorsqu'ils sont requis à ce titre. (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même ordonnance : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement et, le cas échéant de : / 1° Garantir la conformité des travaux projetés avec les exigences fixées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire ; / 2° Prendre en compte les objectifs mentionnés au 5° de l'article L. 311-5 du code de l'énergie ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de cette même ordonnance : " Sous réserve de la présente ordonnance, les projets mentionnés à l'article 1er restent soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du code de l'environnement et, le cas échéant : / 1° Aux dispositions du chapitre III du titre V du livre V du code de l'environnement ; / 2° Aux dispositions du titre Ier du livre III et au livre IV du code de l'énergie ; / 3° Lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire, aux dispositions du chapitre Ier, du chapitre II, de la section 1 du chapitre V du titre II et du chapitre Ier du titre III du livre IV du code de l'urbanisme ;(...) ; / Les mesures fixées par l'autorisation unique sont réputées être prises en application de ces législations. / Outre les mesures de prévention fixées en application des articles L. 512-1 et L. 512-3 du code de l'environnement, l'autorisation unique, et éventuellement des arrêtés complémentaires ou modificatifs, précisent, le cas échéant, les conditions de défrichement, les prescriptions liées à la construction et les mesures d'évitement, de réduction et de compensation liées à la dérogation au titre du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. " ; qu'aux termes de l'article 5 de la même ordonnance : " L'autorisation unique est instruite et délivrée dans les conditions applicables à l'autorisation prévue aux articles L. 512-1 et L. 512-2 du code de l'environnement. / Par dérogation à l'article L. 123-3 du code de l'environnement, l'enquête publique est, dans tous les cas, ouverte et organisée par le représentant de l'Etat compétent. / Le demandeur peut indiquer celles des informations fournies dans le dossier de demande d'autorisation unique dont il justifie qu'elles devraient rester confidentielles, parce que leur diffusion serait susceptible de porter atteinte aux intérêts mentionnés au I de l'article L. 124-4 et au II de l'article L. 124-5 du code de l'environnement. / Nonobstant toute disposition législative contraire, notamment celles des articles L. 111-3 et L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime et de l'article L. 512-2 du code de l'environnement, les avis des commissions administratives à caractère consultatif requis pour la délivrance de l'autorisation unique, autres que, le cas échéant, celui du Conseil national de la protection de la nature, présentent, pour l'application de la présente ordonnance, un caractère facultatif " ; que le décret du 2 mai 2014 attaqué a pour objet de préciser les conditions d'application des dispositions de l'ordonnance du 20 mars 2014 et, notamment, de prévoir les modalités de délivrance de l'autorisation unique mentionnée à l'article 2 de cette ordonnance ;
Sur l'intérêt à agir de Vieilles maisons de France et Sauvegarde de l'art français :
2. Considérant que les associations Vieilles maisons de France et Sauvegarde de l'art français ont, d'après l'objet décrit dans leurs statuts, pour buts principaux, pour l'une, d'organiser des manifestions culturelles et éducatives concernant le patrimoine archéologique, historique, artistique et touristique, de collecter des fonds et concours financiers et de faciliter les échanges entre propriétaires et, pour l'autre, de sauvegarder les richesses d'art de la France et de les protéger contre le délabrement, le démembrement ou la vente à l'étranger ; qu'elles ne justifient pas, au vu de leur objet social, d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation du décret du 2 mai 2014 ; que, dès lors, la requête est irrecevable en tant qu'elle émane de ces deux associations ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission consultative d'évaluation des normes a été saisie du projet de décret, qu'elle a examiné lors de sa séance du 6 mars 2014 ; qu'elle a émis un avis favorable, à l'unanimité des membres présents ; qu'il ne saurait être utilement soutenu que la commission n'aurait pas émis son avis dans des conditions régulières au motif qu'elle aurait examiné, lors de la séance en cause, seize projets de texte, dont neuf selon la procédure de saisine en extrême urgence ; que le moyen tiré de l'irrégularité de cette consultation ne peut, par suite, qu'être écarté ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que, d'une part, le décret attaqué, s'il précise les modalités d'une nouvelle procédure d'autorisation des installations classées pour la protection de l'environnement concernant, notamment, certaines installations énergétiques, ne nécessite aucune mesure d'exécution relevant du ministre en charge de l'énergie ; que, d'autre part, si le décret attaqué a été pris dans le cadre du programme de simplification adopté par le Gouvernement, ce décret n'appelait aucune mesure d'exécution que le ministre en charge de la réforme de l'Etat aurait été compétent pour signer ou contresigner ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique et le ministre de la décentralisation, de la réforme de l'Etat et de la fonction publique auraient dû contresigner le décret attaqué ne peut qu'être écarté ; que, dans ces conditions, quels que soient les termes des décrets du 16 avril 2014 relatifs à leurs attributions, le défaut de contreseing de ces deux ministres, qui n'étaient pas chargés de l'exécution du décret attaqué, n'entache pas d'irrégularité ce décret ;
5. Considérant qu'il ressort de la copie du projet adopté par la section des travaux publics du Conseil d'Etat lors de sa séance du 14 mars 2014, versée au dossier par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, que les dispositions des articles 6 et 25 du décret attaqué, telles que publiées au Journal officiel, ne contiennent pas de dispositions qui différeraient du texte adopté par le Conseil d'Etat ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait, pour ce motif, été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de décret a, en application de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, été soumis à participation du public et, notamment, mis à disposition du public par voie électronique du 30 janvier au 22 février 2014, soit pendant 23 jours ; qu'il est soutenu que les dispositions du II de l'article L. 120-1, en ce qu'elles prévoient que le public dispose d'un délai pour présenter ses observations qui ne peut être inférieur à vingt-et-un jours, seraient contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention pour l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 aux termes desquelles, s'agissant de la participation du public durant la phase d'élaboration de : " Chaque Partie s'emploie à promouvoir une participation effective du public à un stade approprié - et tant que les options sont encore ouvertes - durant la phase d'élaboration par des autorités publiques des dispositions réglementaires et autres règles juridiquement contraignantes d'application générale qui peuvent avoir un effet important sur l'environnement. A cet effet, il convient de prendre les dispositions suivantes : / a) Fixer des délais suffisants pour permettre une participation effective [du public durant la phase d'élaboration de dispositions réglementaires] (...) " ; que les stipulations de l'article 8 ainsi invoquées créent seulement des obligations entre les Etats parties à la convention et ne produisent pas d'effets directs dans l'ordre juridique interne ; que le moyen tiré de ce que l'article L. 120-1 du code de l'environnement aurait méconnu lesdites stipulations ne peut donc qu'être écarté ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
7. Considérant qu'aux termes du III de l'article 4 du décret attaqué : " Le représentant de l'Etat dans la région peut, par arrêté en fonction des enjeux locaux, rendre obligatoire la production des pièces supplémentaires suivantes : / 1° Dans les cas prévus par les 4° et 5° de l'article R. 111-38 du code de la construction et de l'habitation, un document établi par un contrôleur technique (...) attestant qu'il a fait connaître au maître d'ouvrage son avis sur la prise en compte, au stade de la conception, des règles parasismiques et paracycloniques prévues par l'article L. 563-1 du code de l'environnement ; / 2° Lorsque la construction projetée est subordonnée, par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, par un plan de prévention des risques miniers approuvés, ou rendus immédiatement opposables en application de l'article L. 562-2 du code de l'environnement, ou par un plan de prévention des risques technologiques approuvé, à la réalisation d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception " ; que, si l'association Fédération environnement durable et autres soutiennent que les dispositions précitées du III de l'article 4 du décret attaqué méconnaîtraient celles des articles L. 562-1 et L. 563-1 du code de l'environnement, les dispositions législatives invoquées ont pour objet, pour les unes, de prévoir les conditions d'élaboration des plans de prévention des risques naturels et, pour les autres, de permettre d'imposer des règles particulières de construction parasismique ou paracyclonique dans les zones particulièrement exposées à un risque sismique ou cyclonique ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions contestées du décret attaqué méconnaîtraient les articles L. 562-1 et L. 563-1 du code de l'environnement est inopérant ;
8. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 120-1 du code de l'environnement ont été prises afin de préciser les conditions et les limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics ; que, par suite, les requérantes ne sont pas fondées à se prévaloir, pour soutenir que les dispositions du I de l'article 6 du décret attaqué méconnaîtraient le principe de participation en tant qu'elles ne font pas figurer, dans le contenu de l'étude d'impact pour un projet nécessitant une autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité, l'analyse des incidences du projet sur le réseau de transport de l'électricité, d'un moyen fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement ;
9. Considérant, d'autre part, que les associations requérantes soutiennent que les dispositions du I de l'article 6 du décret qu'elles attaquent méconnaissent, pour ce même motif, le principe de participation du public défini au 4° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ; que, toutefois, cette disposition législative se borne à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d'autres lois ; que doit, par suite, être écarté le moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses méconnaîtraient le 4° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;
10. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 18 du décret attaqué : " (...) Conformément à l'article R. 553-9 du code de l'environnement, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites peut être consultée sur une demande d'autorisation unique concernant les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent. Elle siège alors dans sa formation spécialisée " sites et paysages ", en lieu et place de la commission compétente en matière d'environnement et de risques sanitaires et technologiques. La composition de cette formation spécialisée est complétée de représentants des exploitants d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent. Ceux-ci sont nommés dans les conditions prévues aux articles R. 341-17 et R. 341-18 du code de l'environnement " ; qu'aux termes de l'article R. 553-9 du code de l'environnement : " Pour les installations relevant du présent titre et pour l'application du titre Ier du livre V, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites est consultée, dans sa formation spécialisée sites et paysages, en lieu et place de la commission compétente en matière d'environnement et de risques sanitaires et technologiques " ; qu'aux termes de l'article R. 341-17 du même code : " La commission départementale de la nature, des paysages et des sites est présidée par le préfet et composée de membres répartis en quatre collèges :/ 1° Un collège de représentants des services de l'Etat, membres de droit ; il comprend notamment le directeur régional de l'environnement ; / 2° Un collège de représentants élus des collectivités territoriales et, le cas échéant, de représentants d'établissements publics de coopération intercommunale ; / 3° Un collège de personnalités qualifiées en matière de sciences de la nature, de protection des sites ou du cadre de vie, de représentants d'associations agréées de protection de l'environnement et, le cas échéant, de représentants des organisations agricoles ou sylvicoles ; / 4° Un collège de personnes compétentes dans les domaines d'intervention de chaque formation spécialisée " ; qu'aux termes de l'article R. 341-18 du même code : " La commission se réunit en six formations spécialisées, présidées par le préfet ou son représentant et composées à parts égales de membres de chacun des quatre collèges. (...) " ; que, d'une part, il ne saurait être utilement soutenu que les dispositions contestées du décret attaqué méconnaîtraient les dispositions des articles R. 341-17 et R. 341-20 du code de l'environnement, dès lors qu'elles ont pour objet de créer une procédure spécifique pour la délivrance de l'autorisation unique prévue par l'ordonnance du 20 mars 2014 ; que, d'autre part, les membres désignés au sein de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites sont soumis, comme tout membre d'une commission administrative, au principe d'impartialité et doivent, à ce titre et comme le rappelle l'article 13 du décret du 8 juin 2006 relatif à la création, la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif, s'abstenir de participer aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet ; que le principe d'impartialité ne fait nullement par lui-même obstacle à ce que soit prévue la désignation, au sein de cette commission, de représentants des exploitants d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ; qu'en outre, eu égard à la compétence spécifique de cette commission en matière de risques sanitaires et technologiques, définie par les dispositions de l'article R. 553-9 précitées pour la seule procédure de demande d'autorisation unique concernant les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, il ne saurait être soutenu que les représentants de ces exploitants ne pourraient être regardés comme des personnes qualifiées au regard de l'objet de cette commission ; qu'il ne saurait davantage être soutenu que les dispositions contestées méconnaîtraient le principe d'égalité ou le droit de la concurrence faute d'avoir prévu la désignation de représentants des autres formes de production d'électricité ; qu'enfin, il résulte de la combinaison des dispositions contestées et de l'article R. 341-17 du code de l'environnement que les représentants en question siégeront dans le collège prévu au 4° de cet article ; que, par suite, il ne saurait être soutenu que les dispositions litigieuses seraient imprécises ou inintelligibles ; qu'il suit de là que le moyen, pris en ses différentes branches, tiré de l'illégalité du deuxième alinéa de l'article 18 du décret attaqué doit être écarté ;
11. Considérant que les dispositions de l'article 25 du décret attaqué prévoient : " I. - Les décisions mentionnées aux articles 2 et 4 de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée peuvent être déférées à la juridiction administrative : / 1° Par les demandeurs ou exploitants, dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision leur a été notifiée ; / 2° Par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance précitée, dans un délai de deux mois à compter de : / a) La publication au recueil des actes administratifs ; cette publication est réalisée par le représentant de l'Etat dans le département dans un délai de quinze jours à compter de l'adoption de la décision ; / b) L'affichage en mairie dans les conditions prévues à l'article R. 512-39 du code de l'environnement ; / c) La publication d'un avis, inséré par les soins du préfet et aux frais de l'exploitant, dans un journal diffusé dans le ou les départements intéressés. / Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. / L'affichage et la publication mentionnent également l'obligation prévue au II de notifier, à peine d'irrecevabilité, tout recours administratif ou contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire de l'autorisation unique. (...) " ; que ces dispositions sont contestées en tant que, pour les personnes visées au 2° du I, le délai de recours contentieux de deux mois à compter de la dernière formalité de publicité accomplie parmi les trois prévues aux a), b) et c) du 2°, sans que soit prévu un affichage sur les parcelles composant le terrain d'assiette du projet ou à proximité des accès de ce terrain, analogue à celui qui est prévu par les dispositions de droit commun du code de l'urbanisme relatives au permis de construire ; que, toutefois, dès lors que l'autorisation unique prévue par les articles 2 et 4 de l'ordonnance du 20 mars 2014 se substitue à plusieurs régimes d'autorisation sur le fondement de législations distinctes, il était loisible au pouvoir réglementaire, dans un souci de simplification administrative, de définir des conditions d'exercice du droit de recours permettant de ménager un juste équilibre entre les intérêts du pétitionnaire, de l'administration et du justiciable ; qu'en outre, en application des dispositions de l'article 14 du décret attaqué, les demandes d'autorisation unique font l'objet d'une enquête publique qui participe, notamment, à l'information des tiers sur l'existence du projet ; qu'ainsi, en retenant les modalités de publicité et de computation du délai de recours qui viennent d'être rappelées, les dispositions contestées du décret attaqué n'ont pas méconnu les garanties afférentes au droit à un recours effectif découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 553-4 du code de l'environnement : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 514-6, les décisions mentionnées aux I et II dudit article concernant les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / (...) 2° Par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, dans un délai de six mois à compter de la publication ou de l'affichage desdits actes " ; qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, dans laquelle le décret attaqué trouve sa base légale : " I. - Les décisions mentionnées aux articles 2 et 4 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. / Un décret en Conseil d'Etat précise les délais dans lesquels ces décisions peuvent être déférées à la juridiction administrative. (...) " ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 25 du décret attaqué, en ce qu'elles fixent à deux mois le délai de recours contentieux ouvert aux tiers contre les autorisations uniques, méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 553-4 du code de l'environnement précitées ne saurait être utilement invoqué ;
13. Considérant enfin que les stipulations de la convention d'Aarhus énoncées au 4. de l'article 6 selon lesquelles : " Chaque Partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence " ne créent pas de droits dont les particuliers pourraient directement se prévaloir ; que, par suite, l'association Fédération environnement durable et autres ne peuvent utilement les invoquer pour soutenir que le décret attaqué serait illégal faute d'avoir prévu que le public pourrait participer dès le début du processus décisionnel aboutissant à la délivrance d'une autorisation unique ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Fédération environnement durable et autres ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret du 2 mai 2014 ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association Fédération environnement durable et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Fédération environnement durable. Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.
Copie en sera adressée au Premier ministre et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
N° 380503
ECLI:FR:CESSR:2015:380503.20151230
Inédit au recueil Lebon
6ème - 1ère SSR
M. Cyrille Beaufils, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP TIFFREAU, MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats
Lecture du mercredi 30 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mai 2014, 21 août 2014 et 24 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Fédération environnement durable, l'association Vent de colère ! Fédération nationale, l'association Vieilles maisons françaises, la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, l'association Patrimoine et environnement, l'association Sauvegarde de l'art français et l'association Maisons paysannes de France demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public aux processus décisionnels et l'accès à la justice en matière d'environnement ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2014-1 du 14 janvier 2014 ;
- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, notamment son article 145 ;
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
- le décret n° 2000-877 du 7 septembre 2000 ;
- le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 ;
- le décret n° 2014-404 du 16 avril 2014 ;
- le décret n° 2014-410 du 16 avril 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Fédération environnement durable et autres ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 décembre 2015, présentée par l'association Fédération environnement durable et autres ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises, le Gouvernement a été autorisé à prendre par ordonnance toute mesure législative visant à autoriser le représentant de l'Etat dans le département, à titre expérimental, dans un nombre limité de régions et pour une durée n'excédant pas trois ans, à délivrer aux porteurs de projets relatifs à des installations classées pour la protection de l'environnement une décision unique sur leur demande d'autorisation ou de dérogation valant permis de construire et accordant les autorisations ou dérogations nécessaires pour la réalisation de leur projet ; que l'article 1er de l'ordonnance du 21 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, prise sur le fondement de cette habilitation, dispose: " I. - A titre expérimental, et pour une durée de trois ans, sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, d'installations de méthanisation et d'installations de production d'électricité ou de biométhane à partir de biogaz soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 du code de l'environnement sur le territoire des régions de Basse-Normandie, Bretagne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Midi-Pyrénées, Nord - Pas-de-Calais et Picardie " ; qu'aux termes de l'article 2 de cette même ordonnance : " Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique" dans le présent titre. / Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, autorisation de défrichement au titre des articles L. 214-13 et L. 341-3 du code forestier, autorisation d'exploiter au titre de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, approbation au titre de l'article L. 323-11 du même code et dérogation au titre du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. / L'autorisation unique tient lieu des permis, autorisation, approbation ou dérogation mentionnés à l'alinéa précédent pour l'application des autres législations lorsqu'ils sont requis à ce titre. (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même ordonnance : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement et, le cas échéant de : / 1° Garantir la conformité des travaux projetés avec les exigences fixées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire ; / 2° Prendre en compte les objectifs mentionnés au 5° de l'article L. 311-5 du code de l'énergie ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de cette même ordonnance : " Sous réserve de la présente ordonnance, les projets mentionnés à l'article 1er restent soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du code de l'environnement et, le cas échéant : / 1° Aux dispositions du chapitre III du titre V du livre V du code de l'environnement ; / 2° Aux dispositions du titre Ier du livre III et au livre IV du code de l'énergie ; / 3° Lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire, aux dispositions du chapitre Ier, du chapitre II, de la section 1 du chapitre V du titre II et du chapitre Ier du titre III du livre IV du code de l'urbanisme ;(...) ; / Les mesures fixées par l'autorisation unique sont réputées être prises en application de ces législations. / Outre les mesures de prévention fixées en application des articles L. 512-1 et L. 512-3 du code de l'environnement, l'autorisation unique, et éventuellement des arrêtés complémentaires ou modificatifs, précisent, le cas échéant, les conditions de défrichement, les prescriptions liées à la construction et les mesures d'évitement, de réduction et de compensation liées à la dérogation au titre du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. " ; qu'aux termes de l'article 5 de la même ordonnance : " L'autorisation unique est instruite et délivrée dans les conditions applicables à l'autorisation prévue aux articles L. 512-1 et L. 512-2 du code de l'environnement. / Par dérogation à l'article L. 123-3 du code de l'environnement, l'enquête publique est, dans tous les cas, ouverte et organisée par le représentant de l'Etat compétent. / Le demandeur peut indiquer celles des informations fournies dans le dossier de demande d'autorisation unique dont il justifie qu'elles devraient rester confidentielles, parce que leur diffusion serait susceptible de porter atteinte aux intérêts mentionnés au I de l'article L. 124-4 et au II de l'article L. 124-5 du code de l'environnement. / Nonobstant toute disposition législative contraire, notamment celles des articles L. 111-3 et L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime et de l'article L. 512-2 du code de l'environnement, les avis des commissions administratives à caractère consultatif requis pour la délivrance de l'autorisation unique, autres que, le cas échéant, celui du Conseil national de la protection de la nature, présentent, pour l'application de la présente ordonnance, un caractère facultatif " ; que le décret du 2 mai 2014 attaqué a pour objet de préciser les conditions d'application des dispositions de l'ordonnance du 20 mars 2014 et, notamment, de prévoir les modalités de délivrance de l'autorisation unique mentionnée à l'article 2 de cette ordonnance ;
Sur l'intérêt à agir de Vieilles maisons de France et Sauvegarde de l'art français :
2. Considérant que les associations Vieilles maisons de France et Sauvegarde de l'art français ont, d'après l'objet décrit dans leurs statuts, pour buts principaux, pour l'une, d'organiser des manifestions culturelles et éducatives concernant le patrimoine archéologique, historique, artistique et touristique, de collecter des fonds et concours financiers et de faciliter les échanges entre propriétaires et, pour l'autre, de sauvegarder les richesses d'art de la France et de les protéger contre le délabrement, le démembrement ou la vente à l'étranger ; qu'elles ne justifient pas, au vu de leur objet social, d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation du décret du 2 mai 2014 ; que, dès lors, la requête est irrecevable en tant qu'elle émane de ces deux associations ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission consultative d'évaluation des normes a été saisie du projet de décret, qu'elle a examiné lors de sa séance du 6 mars 2014 ; qu'elle a émis un avis favorable, à l'unanimité des membres présents ; qu'il ne saurait être utilement soutenu que la commission n'aurait pas émis son avis dans des conditions régulières au motif qu'elle aurait examiné, lors de la séance en cause, seize projets de texte, dont neuf selon la procédure de saisine en extrême urgence ; que le moyen tiré de l'irrégularité de cette consultation ne peut, par suite, qu'être écarté ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que, d'une part, le décret attaqué, s'il précise les modalités d'une nouvelle procédure d'autorisation des installations classées pour la protection de l'environnement concernant, notamment, certaines installations énergétiques, ne nécessite aucune mesure d'exécution relevant du ministre en charge de l'énergie ; que, d'autre part, si le décret attaqué a été pris dans le cadre du programme de simplification adopté par le Gouvernement, ce décret n'appelait aucune mesure d'exécution que le ministre en charge de la réforme de l'Etat aurait été compétent pour signer ou contresigner ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique et le ministre de la décentralisation, de la réforme de l'Etat et de la fonction publique auraient dû contresigner le décret attaqué ne peut qu'être écarté ; que, dans ces conditions, quels que soient les termes des décrets du 16 avril 2014 relatifs à leurs attributions, le défaut de contreseing de ces deux ministres, qui n'étaient pas chargés de l'exécution du décret attaqué, n'entache pas d'irrégularité ce décret ;
5. Considérant qu'il ressort de la copie du projet adopté par la section des travaux publics du Conseil d'Etat lors de sa séance du 14 mars 2014, versée au dossier par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, que les dispositions des articles 6 et 25 du décret attaqué, telles que publiées au Journal officiel, ne contiennent pas de dispositions qui différeraient du texte adopté par le Conseil d'Etat ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait, pour ce motif, été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de décret a, en application de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, été soumis à participation du public et, notamment, mis à disposition du public par voie électronique du 30 janvier au 22 février 2014, soit pendant 23 jours ; qu'il est soutenu que les dispositions du II de l'article L. 120-1, en ce qu'elles prévoient que le public dispose d'un délai pour présenter ses observations qui ne peut être inférieur à vingt-et-un jours, seraient contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention pour l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 aux termes desquelles, s'agissant de la participation du public durant la phase d'élaboration de : " Chaque Partie s'emploie à promouvoir une participation effective du public à un stade approprié - et tant que les options sont encore ouvertes - durant la phase d'élaboration par des autorités publiques des dispositions réglementaires et autres règles juridiquement contraignantes d'application générale qui peuvent avoir un effet important sur l'environnement. A cet effet, il convient de prendre les dispositions suivantes : / a) Fixer des délais suffisants pour permettre une participation effective [du public durant la phase d'élaboration de dispositions réglementaires] (...) " ; que les stipulations de l'article 8 ainsi invoquées créent seulement des obligations entre les Etats parties à la convention et ne produisent pas d'effets directs dans l'ordre juridique interne ; que le moyen tiré de ce que l'article L. 120-1 du code de l'environnement aurait méconnu lesdites stipulations ne peut donc qu'être écarté ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
7. Considérant qu'aux termes du III de l'article 4 du décret attaqué : " Le représentant de l'Etat dans la région peut, par arrêté en fonction des enjeux locaux, rendre obligatoire la production des pièces supplémentaires suivantes : / 1° Dans les cas prévus par les 4° et 5° de l'article R. 111-38 du code de la construction et de l'habitation, un document établi par un contrôleur technique (...) attestant qu'il a fait connaître au maître d'ouvrage son avis sur la prise en compte, au stade de la conception, des règles parasismiques et paracycloniques prévues par l'article L. 563-1 du code de l'environnement ; / 2° Lorsque la construction projetée est subordonnée, par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, par un plan de prévention des risques miniers approuvés, ou rendus immédiatement opposables en application de l'article L. 562-2 du code de l'environnement, ou par un plan de prévention des risques technologiques approuvé, à la réalisation d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception " ; que, si l'association Fédération environnement durable et autres soutiennent que les dispositions précitées du III de l'article 4 du décret attaqué méconnaîtraient celles des articles L. 562-1 et L. 563-1 du code de l'environnement, les dispositions législatives invoquées ont pour objet, pour les unes, de prévoir les conditions d'élaboration des plans de prévention des risques naturels et, pour les autres, de permettre d'imposer des règles particulières de construction parasismique ou paracyclonique dans les zones particulièrement exposées à un risque sismique ou cyclonique ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions contestées du décret attaqué méconnaîtraient les articles L. 562-1 et L. 563-1 du code de l'environnement est inopérant ;
8. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 120-1 du code de l'environnement ont été prises afin de préciser les conditions et les limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics ; que, par suite, les requérantes ne sont pas fondées à se prévaloir, pour soutenir que les dispositions du I de l'article 6 du décret attaqué méconnaîtraient le principe de participation en tant qu'elles ne font pas figurer, dans le contenu de l'étude d'impact pour un projet nécessitant une autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité, l'analyse des incidences du projet sur le réseau de transport de l'électricité, d'un moyen fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement ;
9. Considérant, d'autre part, que les associations requérantes soutiennent que les dispositions du I de l'article 6 du décret qu'elles attaquent méconnaissent, pour ce même motif, le principe de participation du public défini au 4° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ; que, toutefois, cette disposition législative se borne à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d'autres lois ; que doit, par suite, être écarté le moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses méconnaîtraient le 4° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;
10. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 18 du décret attaqué : " (...) Conformément à l'article R. 553-9 du code de l'environnement, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites peut être consultée sur une demande d'autorisation unique concernant les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent. Elle siège alors dans sa formation spécialisée " sites et paysages ", en lieu et place de la commission compétente en matière d'environnement et de risques sanitaires et technologiques. La composition de cette formation spécialisée est complétée de représentants des exploitants d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent. Ceux-ci sont nommés dans les conditions prévues aux articles R. 341-17 et R. 341-18 du code de l'environnement " ; qu'aux termes de l'article R. 553-9 du code de l'environnement : " Pour les installations relevant du présent titre et pour l'application du titre Ier du livre V, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites est consultée, dans sa formation spécialisée sites et paysages, en lieu et place de la commission compétente en matière d'environnement et de risques sanitaires et technologiques " ; qu'aux termes de l'article R. 341-17 du même code : " La commission départementale de la nature, des paysages et des sites est présidée par le préfet et composée de membres répartis en quatre collèges :/ 1° Un collège de représentants des services de l'Etat, membres de droit ; il comprend notamment le directeur régional de l'environnement ; / 2° Un collège de représentants élus des collectivités territoriales et, le cas échéant, de représentants d'établissements publics de coopération intercommunale ; / 3° Un collège de personnalités qualifiées en matière de sciences de la nature, de protection des sites ou du cadre de vie, de représentants d'associations agréées de protection de l'environnement et, le cas échéant, de représentants des organisations agricoles ou sylvicoles ; / 4° Un collège de personnes compétentes dans les domaines d'intervention de chaque formation spécialisée " ; qu'aux termes de l'article R. 341-18 du même code : " La commission se réunit en six formations spécialisées, présidées par le préfet ou son représentant et composées à parts égales de membres de chacun des quatre collèges. (...) " ; que, d'une part, il ne saurait être utilement soutenu que les dispositions contestées du décret attaqué méconnaîtraient les dispositions des articles R. 341-17 et R. 341-20 du code de l'environnement, dès lors qu'elles ont pour objet de créer une procédure spécifique pour la délivrance de l'autorisation unique prévue par l'ordonnance du 20 mars 2014 ; que, d'autre part, les membres désignés au sein de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites sont soumis, comme tout membre d'une commission administrative, au principe d'impartialité et doivent, à ce titre et comme le rappelle l'article 13 du décret du 8 juin 2006 relatif à la création, la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif, s'abstenir de participer aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet ; que le principe d'impartialité ne fait nullement par lui-même obstacle à ce que soit prévue la désignation, au sein de cette commission, de représentants des exploitants d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ; qu'en outre, eu égard à la compétence spécifique de cette commission en matière de risques sanitaires et technologiques, définie par les dispositions de l'article R. 553-9 précitées pour la seule procédure de demande d'autorisation unique concernant les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, il ne saurait être soutenu que les représentants de ces exploitants ne pourraient être regardés comme des personnes qualifiées au regard de l'objet de cette commission ; qu'il ne saurait davantage être soutenu que les dispositions contestées méconnaîtraient le principe d'égalité ou le droit de la concurrence faute d'avoir prévu la désignation de représentants des autres formes de production d'électricité ; qu'enfin, il résulte de la combinaison des dispositions contestées et de l'article R. 341-17 du code de l'environnement que les représentants en question siégeront dans le collège prévu au 4° de cet article ; que, par suite, il ne saurait être soutenu que les dispositions litigieuses seraient imprécises ou inintelligibles ; qu'il suit de là que le moyen, pris en ses différentes branches, tiré de l'illégalité du deuxième alinéa de l'article 18 du décret attaqué doit être écarté ;
11. Considérant que les dispositions de l'article 25 du décret attaqué prévoient : " I. - Les décisions mentionnées aux articles 2 et 4 de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée peuvent être déférées à la juridiction administrative : / 1° Par les demandeurs ou exploitants, dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision leur a été notifiée ; / 2° Par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance précitée, dans un délai de deux mois à compter de : / a) La publication au recueil des actes administratifs ; cette publication est réalisée par le représentant de l'Etat dans le département dans un délai de quinze jours à compter de l'adoption de la décision ; / b) L'affichage en mairie dans les conditions prévues à l'article R. 512-39 du code de l'environnement ; / c) La publication d'un avis, inséré par les soins du préfet et aux frais de l'exploitant, dans un journal diffusé dans le ou les départements intéressés. / Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. / L'affichage et la publication mentionnent également l'obligation prévue au II de notifier, à peine d'irrecevabilité, tout recours administratif ou contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire de l'autorisation unique. (...) " ; que ces dispositions sont contestées en tant que, pour les personnes visées au 2° du I, le délai de recours contentieux de deux mois à compter de la dernière formalité de publicité accomplie parmi les trois prévues aux a), b) et c) du 2°, sans que soit prévu un affichage sur les parcelles composant le terrain d'assiette du projet ou à proximité des accès de ce terrain, analogue à celui qui est prévu par les dispositions de droit commun du code de l'urbanisme relatives au permis de construire ; que, toutefois, dès lors que l'autorisation unique prévue par les articles 2 et 4 de l'ordonnance du 20 mars 2014 se substitue à plusieurs régimes d'autorisation sur le fondement de législations distinctes, il était loisible au pouvoir réglementaire, dans un souci de simplification administrative, de définir des conditions d'exercice du droit de recours permettant de ménager un juste équilibre entre les intérêts du pétitionnaire, de l'administration et du justiciable ; qu'en outre, en application des dispositions de l'article 14 du décret attaqué, les demandes d'autorisation unique font l'objet d'une enquête publique qui participe, notamment, à l'information des tiers sur l'existence du projet ; qu'ainsi, en retenant les modalités de publicité et de computation du délai de recours qui viennent d'être rappelées, les dispositions contestées du décret attaqué n'ont pas méconnu les garanties afférentes au droit à un recours effectif découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 553-4 du code de l'environnement : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 514-6, les décisions mentionnées aux I et II dudit article concernant les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / (...) 2° Par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, dans un délai de six mois à compter de la publication ou de l'affichage desdits actes " ; qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, dans laquelle le décret attaqué trouve sa base légale : " I. - Les décisions mentionnées aux articles 2 et 4 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. / Un décret en Conseil d'Etat précise les délais dans lesquels ces décisions peuvent être déférées à la juridiction administrative. (...) " ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 25 du décret attaqué, en ce qu'elles fixent à deux mois le délai de recours contentieux ouvert aux tiers contre les autorisations uniques, méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 553-4 du code de l'environnement précitées ne saurait être utilement invoqué ;
13. Considérant enfin que les stipulations de la convention d'Aarhus énoncées au 4. de l'article 6 selon lesquelles : " Chaque Partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence " ne créent pas de droits dont les particuliers pourraient directement se prévaloir ; que, par suite, l'association Fédération environnement durable et autres ne peuvent utilement les invoquer pour soutenir que le décret attaqué serait illégal faute d'avoir prévu que le public pourrait participer dès le début du processus décisionnel aboutissant à la délivrance d'une autorisation unique ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Fédération environnement durable et autres ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret du 2 mai 2014 ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association Fédération environnement durable et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Fédération environnement durable. Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.
Copie en sera adressée au Premier ministre et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.