Conseil d'État
N° 391968
ECLI:FR:CESJS:2015:391968.20151230
Inédit au recueil Lebon
9ème SSJS
M. Bastien Lignereux, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP BOULLEZ, avocats
Lecture du mercredi 30 décembre 2015
Vu la procédure suivante :
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 22 juillet et 23 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... A...ont demandé au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy n° 14NC01360 du 13 mai 2015 en tant qu'il a partiellement rejeté leur appel contre un jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1200738 du 29 avril 2014 rejetant partiellement leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005.
A l'appui de ce pourvoi, M. et Mme A... ont, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, demandé au Conseil d'Etat, par un mémoire distinct et un nouveau mémoire enregistrés les 23 octobre et 16 décembre 2015, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 39 duodecies, 72 et 151 nonies du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. et Mme A...;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du I de l'article 151 nonies du code général des impôts : " Lorsqu'un contribuable exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels, des bénéfices industriels ou commerciaux ou des bénéfices non commerciaux, ses droits ou parts dans la société sont considérés notamment pour l'application des articles 38, 72 et 93, comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession ". Aux termes de l'article 39 duodecies du même code : " 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme./ 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable :/ a. Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans (...) ;/ b. Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt (...). / 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2./ (...) ". Aux termes de l'article 72 du même code : " I. Sous réserve de l'application des articles 71 et 72 A à 73 D, le bénéfice réel de l'exploitation agricole est déterminé et imposé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales (...) ".
3. M. et Mme A...soutiennent, en premier lieu, que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant l'impôt garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'elles n'édictent aucun critère objectif et rationnel permettant de fixer les modalités d'assiette en cas de rectification de l'évaluation des parts de sociétés non cotées à la suite d'une cession par une personne physique exerçant son activité professionnelle dans le cadre d'une société de personnes et permettent à l'administration, puis au juge de l'impôt d'opérer un choix discrétionnaire entre les différentes méthodes d'évaluation des immobilisations conduisant à fixer arbitrairement la valeur vénale des parts sociales cédées.
4. Toutefois, il résulte d'une jurisprudence constante, rappelée notamment dans la décision n° 229446 du 14 novembre 2003 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, que la valeur vénale de titres non cotés en bourse doit être appréciée compte tenu de tous les éléments permettant d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. Le pouvoir reconnu à l'administration fiscale de rectifier les valeurs déclarées par le contribuable s'exerce sous le contrôle du juge de l'impôt qui vérifie le respect par l'administration de ce principe comme la pertinence des méthodes d'évaluation retenues, parmi les méthodes objectives couramment pratiquées en la matière, au regard des caractéristiques propres à chaque situation. Dès lors, le grief tiré de ce que les dispositions litigieuses sont contraires aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne présente pas un caractère sérieux.
5. Les requérants soutiennent, en second lieu qu'en adoptant les dispositions litigieuses, le législateur a méconnu l'étendue de sa propre compétence ainsi que le principe de clarté de la loi qui résultent de l'article 34 de la Constitution et l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles ne fixent aucune modalité d'assiette que devrait respecter l'administration fiscale lorsqu'elle rectifie le prix de cession des parts sociales des sociétés non cotées ou de leur usufruit temporaire à la suite d'une cession par un contribuable exerçant son activité professionnelle dans le cadre d'une société de personnes, et qu'elles reportent ainsi sur les autorités administratives et juridictionnelles le soin de fixer ces règles.
6. Cependant, les dispositions contestées fixent avec une clarté et une précision suffisante le régime fiscal applicable aux plus-values réalisées à la suite de la cession de droits et parts détenus par un contribuable exerçant son activité professionnelle dans le cadre d'une société de personnes. Le législateur, en ne détaillant pas les règles d'évaluation que l'administration doit respecter en cas de rectification de la valeur des droits et parts cédés, n'a pas reporté sur des autorités administratives ou juridictionnelles la fixation de règles ou de principes que la Constitution place dans le domaine de la loi. Ces dispositions, complétées par la jurisprudence mentionnée au point 4, permettent au contribuable d'avoir une connaissance suffisamment précise des règles d'évaluation applicables en la matière. Par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence ainsi que le principe de clarté de la loi et l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ne présente pas, en tout état de cause, un caractère sérieux.
7. Il résulte de ce qui précède que la question posée, qui n'est pas nouvelle, est dépourvue de caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions combinées des articles 39 duodecies, 72 et 151 nonies du code général des impôts portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeA....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.
N° 391968
ECLI:FR:CESJS:2015:391968.20151230
Inédit au recueil Lebon
9ème SSJS
M. Bastien Lignereux, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP BOULLEZ, avocats
Lecture du mercredi 30 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 22 juillet et 23 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... A...ont demandé au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy n° 14NC01360 du 13 mai 2015 en tant qu'il a partiellement rejeté leur appel contre un jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1200738 du 29 avril 2014 rejetant partiellement leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005.
A l'appui de ce pourvoi, M. et Mme A... ont, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, demandé au Conseil d'Etat, par un mémoire distinct et un nouveau mémoire enregistrés les 23 octobre et 16 décembre 2015, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 39 duodecies, 72 et 151 nonies du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. et Mme A...;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du I de l'article 151 nonies du code général des impôts : " Lorsqu'un contribuable exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels, des bénéfices industriels ou commerciaux ou des bénéfices non commerciaux, ses droits ou parts dans la société sont considérés notamment pour l'application des articles 38, 72 et 93, comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession ". Aux termes de l'article 39 duodecies du même code : " 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme./ 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable :/ a. Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans (...) ;/ b. Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt (...). / 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2./ (...) ". Aux termes de l'article 72 du même code : " I. Sous réserve de l'application des articles 71 et 72 A à 73 D, le bénéfice réel de l'exploitation agricole est déterminé et imposé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales (...) ".
3. M. et Mme A...soutiennent, en premier lieu, que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant l'impôt garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'elles n'édictent aucun critère objectif et rationnel permettant de fixer les modalités d'assiette en cas de rectification de l'évaluation des parts de sociétés non cotées à la suite d'une cession par une personne physique exerçant son activité professionnelle dans le cadre d'une société de personnes et permettent à l'administration, puis au juge de l'impôt d'opérer un choix discrétionnaire entre les différentes méthodes d'évaluation des immobilisations conduisant à fixer arbitrairement la valeur vénale des parts sociales cédées.
4. Toutefois, il résulte d'une jurisprudence constante, rappelée notamment dans la décision n° 229446 du 14 novembre 2003 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, que la valeur vénale de titres non cotés en bourse doit être appréciée compte tenu de tous les éléments permettant d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. Le pouvoir reconnu à l'administration fiscale de rectifier les valeurs déclarées par le contribuable s'exerce sous le contrôle du juge de l'impôt qui vérifie le respect par l'administration de ce principe comme la pertinence des méthodes d'évaluation retenues, parmi les méthodes objectives couramment pratiquées en la matière, au regard des caractéristiques propres à chaque situation. Dès lors, le grief tiré de ce que les dispositions litigieuses sont contraires aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne présente pas un caractère sérieux.
5. Les requérants soutiennent, en second lieu qu'en adoptant les dispositions litigieuses, le législateur a méconnu l'étendue de sa propre compétence ainsi que le principe de clarté de la loi qui résultent de l'article 34 de la Constitution et l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles ne fixent aucune modalité d'assiette que devrait respecter l'administration fiscale lorsqu'elle rectifie le prix de cession des parts sociales des sociétés non cotées ou de leur usufruit temporaire à la suite d'une cession par un contribuable exerçant son activité professionnelle dans le cadre d'une société de personnes, et qu'elles reportent ainsi sur les autorités administratives et juridictionnelles le soin de fixer ces règles.
6. Cependant, les dispositions contestées fixent avec une clarté et une précision suffisante le régime fiscal applicable aux plus-values réalisées à la suite de la cession de droits et parts détenus par un contribuable exerçant son activité professionnelle dans le cadre d'une société de personnes. Le législateur, en ne détaillant pas les règles d'évaluation que l'administration doit respecter en cas de rectification de la valeur des droits et parts cédés, n'a pas reporté sur des autorités administratives ou juridictionnelles la fixation de règles ou de principes que la Constitution place dans le domaine de la loi. Ces dispositions, complétées par la jurisprudence mentionnée au point 4, permettent au contribuable d'avoir une connaissance suffisamment précise des règles d'évaluation applicables en la matière. Par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence ainsi que le principe de clarté de la loi et l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ne présente pas, en tout état de cause, un caractère sérieux.
7. Il résulte de ce qui précède que la question posée, qui n'est pas nouvelle, est dépourvue de caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions combinées des articles 39 duodecies, 72 et 151 nonies du code général des impôts portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeA....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.