Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 398956, lecture du 19 juillet 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:398956.20160719

Décision n° 398956
19 juillet 2016
Conseil d'État

N° 398956
ECLI:FR:CECHS:2016:398956.20160719
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Mireille Le Corre, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public


Lecture du mardi 19 juillet 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 21 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A...B...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi n° 398956 tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2016 par laquelle la chambre nationale de discipline des architectes a prononcé à son encontre la sanction de suspension de l'inscription au tableau régional de l'ordre des architectes pour une durée de neuf mois avec sursis, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 2 et 9 ainsi que du cinquième alinéa de l'article 37 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977, notamment ses articles 2, 9 et 37 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;


Sur la question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre l'article 9 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture :

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " (...) Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 771-16 du code de justice administrative : " Lorsque l'une des parties entend contester devant le Conseil d'Etat, à l'appui d'un appel ou d'un pourvoi en cassation formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité précédemment opposé, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai de recours dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une juridiction de l'ordre administratif a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus, à l'occasion du pourvoi en cassation formé contre la décision qui statue sur le litige, dans le délai de recours contentieux et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission précédemment opposé l'ait été par une décision distincte, dont il joint alors une copie, ou directement par la décision statuant sur le litige ; que les dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 n'ont ni pour objet, ni pour effet de permettre à celui qui a déjà présenté une question prioritaire de constitutionnalité devant une juridiction statuant en dernier ressort de s'affranchir des conditions, définies par les dispositions de la loi organique et du code de justice administrative citées au point 1, selon lesquelles le refus de transmission peut être contesté devant le juge de cassation ;

3. Considérant que M. B... conteste la sanction qui lui a été infligée par la chambre nationale de discipline des architectes, par une décision du 16 février 2016, en raison des propos injurieux qu'il aurait tenus à l'encontre de membres du conseil régional de l'ordre des architectes du Centre ; qu'au cours de l'instance devant la chambre, M. B... a présenté une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre les dispositions de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture ; que, dans le mémoire distinct et motivé qu'il a présenté devant le Conseil d'Etat sur le fondement des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, M. B... demande au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du même article 9 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture ; que la question prioritaire de constitutionnalité ainsi posée porte sur la même disposition et comporte les mêmes moyens que celle qui a été soumise à la chambre nationale de discipline des architectes ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'il ne peut, par conséquent, être fait droit à la demande de transmission de cette question au Conseil constitutionnel ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre les articles 2 et 37 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture :

4. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel citées au point 1 que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

5. Considérant, d'une part, que l'article 37 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture permet à certaines catégories de personnes ne portant pas le titre d'architecte d'être inscrites à une annexe à un tableau régional des architectes et d'assurer les missions réservées aux architectes ; qu'entrent notamment dans les prévisions de cet article, sous le titre de " détenteur de récépissé ", les professionnels satisfaisant à diverses conditions qui ont déposé des demandes d'inscription à un tableau ; que, d'autre part, l'article 2 de la loi rend les dispositions de celle-ci applicables aux intéressés ; qu'à supposer même que ces dispositions puissent être regardées comme applicables au litige, en ce qu'elles soumettent ces personnes au régime disciplinaire des architectes, les griefs tirés de ce qu'elles méconnaîtraient les principes d'égalité devant la loi, de liberté d'entreprendre et d' " intelligibilité de la loi " ne sont, en tout état de cause, pas assortis de précisions suffisantes de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ; que la question soulevée par M.B..., qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a donc pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par M. B... ;


D E C I D E :
--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... B....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au Conseil régional de l'ordre des architectes du Centre-Val-de-Loire.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la ministre de la culture et de la communication.