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Ariane Web: Conseil d'État 400882, lecture du 14 septembre 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:400882.20160914

Décision n° 400882
14 septembre 2016
Conseil d'État

N° 400882
ECLI:FR:CECHR:2016:400882.20160914
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Manon Perrière, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public


Lecture du mercredi 14 septembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 60 de l'instruction fiscale publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-RPPM-RCM-10-20-10 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Perrière, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;



Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital " ; que M. et Mme B...contestent la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 ; qu'ils soutiennent qu'en se bornant à donner une simple définition des revenus distribués, sans déterminer les critères ou les conditions d'appréhension de ces revenus afin de les intégrer dans l'assiette de l'impôt sur le revenu et en soumettant le maître de l'affaire à la présomption irréfragable qu'il aurait perçu des revenus distribués, ces dispositions, telles qu'interprétées par la jurisprudence, d'une part, méconnaissent le critères des facultés contributives, qui découle du principe d'égalité devant les charges publiques consacré à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et, d'autre part, alors que le législateur a méconnu sa propre compétence, privent les contribuables des garanties légales attachées au consentement à l'impôt, en méconnaissance de l'article 14 de la même Déclaration ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'est qualifiée de maître de l'affaire une personne qui exerce la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et dispose sans contrôle de ses fonds ; que si l'administration fiscale entend imposer des revenus réputés distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts au nom du maître de l'affaire, elle doit justifier de cette qualification ; que celle-ci nécessite une analyse des circonstances propres à l'affaire et notamment du fonctionnement spécifique de l'entreprise ; que le contribuable peut établir que les éléments apportés par l'administration sont insuffisants pour justifier de cette qualification ; que s'il est reconnu maître de l'affaire, il est être réputé avoir appréhendé la totalité des revenus distribués par la société ; que la situation d'une personne reconnue maître de l'affaire n'est pas identique à celle d'un associé disposant d'une quote-part du capital d'une société qui ne dispose pas des pouvoirs exclusifs de gestion de cette dernière ; qu'il existe ainsi une différence de situation entre, d'une part, les personnes qui sont imposées sur les revenus réputés distribués qu'elles ont appréhendés et, d'autres part, le maître de l'affaire qui est réputé avoir reçu la totalité des revenus réputés distribués ; qu'en revanche, les impositions sur les revenus réputés distribués mises à la charge de ce dernier résultent de l'application des règles et barèmes communs à tous les contribuables ayant perçu des revenus réputés distribués; qu'elles sont ainsi en relation avec la capacité contributive de ce contribuable et ne sont pas confiscatoire ; qu'elles ne méconnaissent pas, dès lors, le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

4. Considérant, en second lieu, que, d'une part, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité dans le cas où serait affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ne saurait l'être à l'encontre d'une disposition législative antérieure à la Constitution du 4 octobre 1958, telle celle figurant au 1 de l'article 109 du code général des impôts ; que, d'autre part, les dispositions de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sont mises en oeuvre par l'article 34 de la Constitution et n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la constitution ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

Sur les autres moyens :

6. Considérant que M. et Mme B...n'ont pas présenté d'autre moyen à l'appui de leur requête que celui invoqué dans le cadre de leur question prioritaire de constitutionnalité; qu'il résulte de ce qui précède que leur requête doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeB....
Article 2 : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B..., au ministre de l'économie et des finances et au Premier ministre.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.