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Ariane Web: Conseil d'État 404917, lecture du 18 novembre 2016, ECLI:FR:CEORD:2016:404917.20161118

Décision n° 404917
18 novembre 2016
Conseil d'État

N° 404917
ECLI:FR:CEORD:2016:404917.20161118
Inédit au recueil Lebon



Lecture du vendredi 18 novembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Les associations " Esprit libre " et " Cultures solidaires " ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au maire de Béziers de procéder à la suppression des affiches mentionnant " Migrants - sujet interdit ' Référendum ! " et de supprimer tous les articles relatifs aux migrants dans les bulletins municipaux nos 42 et 43, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter du troisième jour suivant la date de notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 1605208 du 24 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu sur les conclusions à fin de suppression des affiches et a rejeté le surplus des conclusions.

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations " Esprit libre " et " Cultures solidaires " demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Béziers la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la campagne de communication de la mairie a suscité de vives protestations parmi les habitants et porte atteinte aux intérêts qu'elles défendent ;
- l'ordonnance attaquée méconnaît la valeur du principe de neutralité du service public, qui doit être considéré comme une liberté fondamentale ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au principe de neutralité du service public, au principe du respect de la dignité de la personne humaine, au principe d'égalité devant la loi et au principe de pluralisme des idées et des opinions ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction contradictoire ni audience publique, lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. A cet égard, il appartient au juge d'appel de prendre en considération les éléments recueillis par le juge du premier degré dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée.

2. Les associations " Esprit libre " et " Cultures solidaires " demandent au juge des référés du Conseil d'Etat d'enjoindre au maire de Béziers de mettre un terme à une campagne de communication relative aux migrants constituée, d'une part, d'affiches apposées sur le mobilier urbain réservé à l'affichage municipal et, d'autre part, de la diffusion de deux exemplaires du bulletin d'information municipale comportant un article et un entretien avec le maire reprenant les positions personnelles de ce dernier sur ce sujet.

3. En ce qui concerne les affiches, ainsi que l'a souligné le juge de première instance, les affiches avaient toutes été retirées des mobiliers urbains réservés à l'affichage municipal de la commune de Béziers au plus tard le 21 octobre, date de l'audience de référé qui s'est tenue au tribunal administratif de Montpellier. Les conclusions d'appel concernant les affiches sont dès lors dépourvues d'objet et manifestement irrecevables.

4. S'agissant des exemplaires du bulletin d'information municipale, la diffusion de ces bulletins, au demeurant soumis à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, n'a pas pu, par elle-même, constituer une atteinte grave à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Une telle atteinte n'aurait pu, le cas échéant, résulter que de circonstances de droit ou de fait très particulières, en lien avec leur publication. En l'espèce, si les articles litigieux étaient, par leur ton polémique et leur portée, étrangers à la gestion municipale, les associations requérantes n'apportent au soutien de leur appel aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le juge des référés de première instance sur l'absence de telles circonstances particulières, leurs conclusions sont dès lors manifestement dénuées de fondement.

5. Il résulte de ce qui précède que l'appel des associations " Esprit libre " et " Cultures solidaires " ne peut être accueilli. Il y a lieu de rejeter leur requête, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.


O R D O N N E :
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Article 1er : La requête des associations " Esprit libre " et " Cultures solidaires " est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée aux associations " Esprit libre " et " Cultures solidaires ".
Copie en sera adressée à la commune de Béziers.