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Ariane Web: Conseil d'État 396033, lecture du 14 décembre 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:396033.20161214

Décision n° 396033
14 décembre 2016
Conseil d'État

N° 396033
ECLI:FR:CECHS:2016:396033.20161214
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats


Lecture du mercredi 14 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une décision du 30 mai 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société Guintoli, de la société Géotechnique travaux spéciaux (GTS) et de la société Alberti dirigées contre l'arrêt n° 13MA02003 du 9 novembre 2015 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant, d'une part, qu'il rejette les prétentions des sociétés requérantes au titre du manque à gagner consécutif à la résiliation du marché relatif à la rectification et au calibrage de la chaussée de la route départementale 2205 entre les communes de Marie et Saint-Sauveur (Alpes-Maritimes) et, d'autre part, qu'il rejette les conclusions de la société GTS relatives à l'application de l'article 1153 du code civil.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Guintoli et autres, et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la Métropole Nice Côte d'Azur.


1. Considérant, d'une part, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour écarter les prétentions des sociétés Guintoli, Géotechnique travaux spéciaux et Alberti tendant à la condamnation de la Métropole Nice Côte d'Azur à réparer le préjudice subi du fait de la résiliation de leur contrat pour un motif d'intérêt général, la cour administrative d'appel de Marseille s'est notamment fondée sur le motif, qui n'était pas surabondant, tiré de ce que ces sociétés " n'établissaient pas l'existence d'un préjudice supérieur à l'indemnité à laquelle elles ont droit aux termes du présent arrêt " au titre des sujétions imprévues, causées en l'espèce par l'éboulement de rochers et ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ; qu'en statuant ainsi alors que le préjudice consécutif à des sujétions imprévues survenues lors de l'exécution de travaux est distinct du manque à gagner subi par l'entrepreneur du fait de la résiliation de son contrat pour un motif d'intérêt général, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 751-3 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le jugement du tribunal administratif de Nice aurait été notifié par celui-ci à la société Géotechnique travaux spéciaux par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance invoquée en défense que le jugement du tribunal administratif figurait dans la requête d'appel communiquée à la société Géotechnique travaux spéciaux, le délai d'appel n'a pas couru à son encontre, alors même que cette société a qualifié son mémoire devant la cour de " mémoire valant appel incident " ; que, par suite, la société Géotechnique travaux spéciaux est fondée à soutenir qu'en lui opposant que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 1153 du code civil étaient irrecevables faute d'avoir été formulées dans le délai d'appel, la cour administrative d'appel a également entaché son arrêt d'une erreur de droit ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille doit être annulé en tant, d'une part, qu'il rejette les prétentions des sociétés Guintoli, Géotechnique travaux spéciaux et Alberti au titre du manque à gagner consécutif à la résiliation du marché relatif à la rectification et au calibrage de la chaussée de la route départementale 2205 entre les communes de Marie et Saint-Sauveur et d'autre part, en tant qu'il rejette les conclusions de la société Géotechnique travaux spéciaux relatives à l'application des dispositions de l'article 1153 du code civil ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés Guintoli, Géotechnique travaux spéciaux et Alberti, qui ne sont pas les parties perdantes, le versement des sommes que demande, à ce titre, la Métropole Nice Côte d'Azur ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Métropole Nice Côte d'Azur le versement d'une somme de 1 000 euros chacune aux sociétés Guintoli, Géotechnique travaux spéciaux et Alberti au titre des mêmes dispositions ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 9 novembre 2015 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant, d'une part, qu'il rejette les prétentions des sociétés Guintoli, Géotechnique travaux spéciaux et Alberti au titre du manque à gagner consécutif à la résiliation du marché relatif à la rectification et au calibrage de la chaussée de la route départementale 2205 entre les communes de Marie et Saint-Sauveur et, d'autre part, en tant qu'il rejette les conclusions de la société Géotechnique travaux spéciaux relatives à l'application de l'article 1153 du code civil.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de l'annulation prononcée, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : La Métropole Nice Côte d'Azur versera la somme de 1 000 euros chacune aux sociétés Guintoli, Géotechnique travaux spéciaux et Alberti au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par la Métropole Nice Côte d'Azur sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Guintoli, première requérante dénommée, et à la Métropole Nice Côte d'Azur.
Les autres requérantes seront informées de la présente décision par la SCP Garreau, Bauer Violas, Feschotte Desbois, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.