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Ariane Web: Conseil d'État 404910, lecture du 6 mars 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:404910.20170306

Décision n° 404910
6 mars 2017
Conseil d'État

N° 404910
ECLI:FR:CECHS:2017:404910.20170306
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. Marc Firoud, rapporteur
M. Olivier Henrard, rapporteur public
HAAS ; SCP GASCHIGNARD, avocats


Lecture du lundi 6 mars 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Marengo a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler, dans sa totalité la procédure de passation de la délégation de service public portant sur le dépannage et le remorquage des véhicules légers et poids lourds sur les autoroutes non-concédées dans le département des Bouches-du-Rhône s'agissant des secteurs 3-9-8 et 2, à défaut, d'annuler dans sa totalité la procédure de passation de la délégation de service public portant sur le dépannage et le remorquage des véhicules légers et poids lourds sur les autoroutes non-concédées dans le département des Bouches-du-Rhône. Par une ordonnance n° 1608018 du 20 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 et 22 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Marengo demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la code de la route ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de la Société Marengo, et à la SCP Gaschignard, avocat de M.A...), des sociétés SM Auto, Garage Errico et de la société d'exploitation du garage Bruna.



1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation (...). / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 317-21 du code de la route : " Le ministre chargé des transports fixe par arrêté les conditions dans lesquelles les véhicules en panne ou accidentés peuvent être remorqués par un autre véhicule. / Il fixe également par arrêté les caractéristiques techniques auxquelles doivent répondre les véhicules spécialisés dans les opérations de remorquage ainsi que leurs conditions de circulation. / Le fait de contrevenir aux dispositions prises en application du présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la troisième classe " ;

Sur l'ordonnance attaquée :

3. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a estimé que la requête en référé précontractuel de la société Marengo était irrecevable au motif que par un arrêté du 17 août 2016 publié au recueil des actes administratifs des Bouches-du-Rhône du 14 septembre 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône avait arrêté la liste des entreprises ayant un agrément pour le dépannage du réseau autoroutier non concédé, antérieurement au dépôt de la requête de la société, et que les pouvoirs du juge du référé précontractuel ne peuvent plus être exercés après la signature de l'acte incriminé par le pouvoir adjudicateur ou délégant ; qu'en statuant ainsi, sans avoir recherché si l'acte valant agrément des sociétés de dépannage était un contrat entrant dans le champ d'application matériel de l'article L. 551-1 précité du code de justice administrative et s'il était, par suite, compétent pour statuer sur la demande présentée par la société Marengo, alors au surplus que ce point était contesté devant lui, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Sur la compétence du juge du référé précontractuel :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêté préfectoral du 17 août 2016 portant agrément des entreprises pour le dépannage et le remorquage sur le réseau des autoroutes non concédées dans le département des Bouches-du-Rhône, décision publiée au recueil des actes administratifs des Bouches-du-Rhône du 14 septembre 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a fixé la liste des entreprises habilitées à intervenir sur le réseau des autoroutes non concédées des Bouches-du-Rhône ; qu'un tel arrêté, notamment fondé sur les dispositions de l'article R. 317-21 précité du code de la route, a pour objet de sélectionner, de façon unilatérale, les entreprises chargées de l'exécution de ce service public ; que, dans ces conditions, le juge des référés n'était pas compétent pour statuer sur la demande de la société Marengo, alors même que le préfet a choisi, sans y être tenu, d'organiser une mise en concurrence préalable à la délégation unilatérale du service ; qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par la société Marengo sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative ne peut qu'être rejetée ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Marengo la somme totale de 1 500 euros à verser à M.A...), aux sociétés SM Auto et Garage Errico et à la société d'exploitation du garage Bruna ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 20 octobre 2016 du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société Marengo ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Marengo versera à M.A...), aux sociétés SM Auto et Garage Errico et à la société d'exploitation du garage Bruna une somme totale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Marengo, à M.A...), à la société SM Auto, à la société Garage Errico, à la société d'exploitation du garage Bruna et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.