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Ariane Web: Conseil d'État 398951, lecture du 23 mars 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:398951.20170323

Décision n° 398951
23 mars 2017
Conseil d'État

N° 398951
ECLI:FR:CECHS:2017:398951.20170323
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
M. Géraud Sajust de Bergues, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL ; SCP ORTSCHEIDT, avocats


Lecture du jeudi 23 mars 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le département de l'Orne à lui verser la somme de 42 541,42 euros en réparation des préjudices subis du fait de la reconduction illégale de contrats à durée déterminée, de la précarité de sa situation et de l'illégalité de son licenciement.

Par un jugement n° 1302272 du 26 juin 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14NT02193 du 18 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 avril 2016 et 21 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Orne la somme de 3 000 euros, à payer à son avocat, au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 ;
- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de Mme B...A..., et à la SCP Ortscheidt, avocat du département de l'Orne ;




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit (...) des départements (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Lorsqu'est demandée l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité d'une décision administrative, la créance correspondant à la réparation de ce préjudice se rattache non à l'exercice au cours duquel la décision a été prise mais à celui au cours duquel elle a été régulièrement notifiée.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'après avoir demandé au département de l'Orne, par une lettre du 20 septembre 2013, la réparation des préjudices résultant, selon elle, de la reconduction d'engagements successifs à durée déterminée, de son recrutement initial au 1er mars 1999 jusqu'au dernier renouvellement de son contrat notifié en mars 2008, sans que ne lui soit proposé, à compter du 1er avril 2005, ni contrat à durée indéterminée, ni titularisation, Mme A...a demandé, en outre, dans la requête qu'elle a présentée le 16 décembre 2013 au tribunal administratif de Caen, la réparation des préjudices résultant de la faute que le président du conseil général de l'Orne aurait commise en acceptant la démission qu'elle avait présentée à effet du 31 décembre 2008, par un arrêté du 27 janvier 2009 qui doit être regardé, selon elle, comme un licenciement.

3. En estimant que la créance dont se prévalait Mme A...du fait du comportement fautif du département de l'Orne pour avoir procédé à des renouvellements successifs de ses contrats à durée déterminée dans des conditions irrégulières, était, en totalité, prescrite au 31 décembre 2012, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. En revanche, en se fondant sur la circonstance que l'arrêté du 27 janvier 2009 avait mis fin à ses fonctions avec effet au 1er janvier 2009 à 0h, pour estimer qu'était prescrite, à la même date, la créance dont elle se prévalait à raison de la faute dont cet arrêté serait entaché, alors qu'il lui appartenait de tenir compte de la date à laquelle ledit arrêté avait été notifié, la cour a commis une erreur de droit. Mme A...n'est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué qu'en tant qu'il a statué sur ses conclusions indemnitaires relatives à cet arrêté.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Orne la somme de 1 500 euros, à payer à son avocat, au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dernières dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 18 novembre 2014 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions indemnitaires de Mme A...relatives à l'arrêté du 27 janvier 2009.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : Le département de l'Orne versera à l'avocat de MmeA..., au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros.

Article 4 : Les conclusions présentées par le département de l'Orne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au département de l'Orne.