Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 394454, lecture du 5 mai 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:394454.20170505

Décision n° 394454
5 mai 2017
Conseil d'État

N° 394454
ECLI:FR:CECHS:2017:394454.20170505
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre
Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats


Lecture du vendredi 5 mai 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 9 novembre 2015, 9 février 2016 et 14 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Girard publicité demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite refusant d'abroger le décret n° 2013-606 du 9 juillet 2013 portant diverses modifications du code de l'environnement relatives à la publicité extérieure, aux enseignes et aux préenseignes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
- la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 ;
- la décision du 15 avril 2016 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Girard publicité ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Girard publicité ;




1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 581-43 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 : " Les publicités, enseignes et préenseignes, qui ont été mises en place avant l'entrée en vigueur des actes pris pour l'application des articles L. 581-4, avant-dernier alinéa, L. 581-7, L. 581-8, L. 581-14 et L. 581-18, deuxième et troisième alinéas et qui ne sont pas conformes à leurs prescriptions, ainsi que celles mises en place dans des lieux entrés dans le champ d'application des articles L. 581-4, L. 581-8 et L. 581-44 en vertu d'actes postérieurs à leur installation, peuvent, sous réserve de ne pas contrevenir à la réglementation antérieure, être maintenues pendant un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur des actes précités. / Les publicités, enseignes et préenseignes soumises à autorisation en vertu du présent chapitre qui ne sont pas conformes à des règlements visés à l'alinéa précédent et entrés en vigueur après leur installation peuvent être maintenues, sous réserve de ne pas contrevenir à la réglementation antérieure, pendant un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de ces règlements. / Les publicités, enseignes et préenseignes qui ont été mises en place avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et des décrets en Conseil d'Etat pris pour l'application de l'article 36 de cette loi peuvent, sous réserve de ne pas contrevenir aux dispositions antérieurement applicables, être maintenues pendant un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi et des décrets en Conseil d'Etat précités " ; que le délai de deux ans prévu aux premier, deuxième et dernier alinéas précités a été porté à six ans par le a) du 5° du I de l'article 67 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives ; que toutefois, les dispositions du b) du 5° de cet article 67 ont ajouté un alinéa prévoyant que : " Pour les publicités et préenseignes, un décret peut prévoir un délai moindre, qui ne peut être inférieur à deux ans à compter de sa publication " ;

2. Considérant que sur le fondement de ces dernières dispositions, l'article 16 du décret n° 2013-606 du 9 juillet 2013 a modifié l'article R. 581-88 du code de l'environnement afin, notamment, de réduire à deux ans le délai de mise en conformité des publicités et préenseignes ; qu'aux termes de l'article R. 581-88 issu du décret dont l'abrogation a été demandée : " I.- Les publicités et préenseignes mises en place avant l'entrée en vigueur d'un règlement local de publicité prévu à l'article L. 581-14 qui ne sont pas conformes aux prescriptions de ce règlement peuvent, y compris si elles sont soumises à autorisation, être maintenues jusqu'au 13 juillet 2015 lorsque l'entrée en vigueur de ce règlement est antérieure à la date de publication du décret n° 2013-606 du 9 juillet 2013 portant diverses modifications des dispositions du code de l'environnement relatives à la publicité, aux enseignes et préenseignes. Lorsque l'entrée en vigueur du règlement est postérieure à la date de publication du décret précité, elles peuvent être maintenues pendant deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur dudit règlement. / II.-Les publicités et préenseignes mises en place avant l'entrée en vigueur d'un acte, qui, procédant au classement d'un monument, d'un site ou d'un espace mentionné par le I de l'article L. 581-4, fixant les limites d'une agglomération en application de l'article R. 411-2 du code de la route ou délimitant l'un des espaces énumérés par l'article L. 581-8, a pour effet d'interdire la publicité dans le lieu où elles sont installées, peuvent être maintenues jusqu'au 13 juillet 2015 lorsque l'entrée en vigueur de cet acte est antérieure à la date de publication du décret n° 2013-606 du 9 juillet 2013 portant diverses modifications des dispositions du code de l'environnement relatives à la publicité, aux enseignes et préenseignes. Lorsque l'entrée en vigueur de l'acte est postérieure à la date de publication du décret précité, elles peuvent être maintenues pendant deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur dudit acte. / III.- Les publicités et préenseignes mises en place avant le 1er juillet 2012 qui ne sont pas conformes aux dispositions du chapitre Ier du titre VIII du livre V du code de l'environnement issues de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 et du décret n° 2012-112 du 30 janvier 2012 peuvent être maintenues jusqu'au 13 juillet 2015 " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de la copie de la minute de la section des travaux publics du Conseil d'Etat, telle qu'elle a été versée au dossier par la ministre en défense, que le texte du décret contesté ne contient pas de dispositions qui différeraient à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par le Conseil d'Etat ; que le moyen tiré de ce que le décret litigieux aurait, pour ce motif, été pris selon une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, par décision du 15 avril 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a jugé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du b) du 5° du I de l'article 67 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 ; que le moyen tiré de ce que le décret contesté aurait été pris en application de dispositions législatives contraires à la Constitution ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions contestées de l'article 16 du décret du 8 juillet 2013 qui modifient l'article R. 581-88 du code de l'environnement afin, notamment, de prévoir un délai de mise en conformité plus court pour les publicités et préenseignes ont été prises en application des dispositions de la loi du 22 mars 2012 qui habilitent le pouvoir réglementaire à fixer, pour les seules publicités et préenseignes, un délai de mise en conformité inférieur au délai de six ans prévu en principe, sans que ce délai puisse être inférieur à deux ans ; que le délai de deux ans retenu par le décret, au demeurant similaire au délai qui avait été antérieurement prévu par la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes puis la loi du 12 juillet 2010, a pu, en tenant compte de la situation particulière de ces supports dont la mise en conformité est plus aisément réalisable que pour les enseignes, et pour répondre à l'intérêt général qui s'attache à la protection de l'environnement, être légalement retenu ; qu'il suit de là que le moyen de la société Girard publicité tiré de ce que le choix d'un délai de deux ans entacherait d'erreur d'appréciation le décret attaqué, ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, enfin, que les dispositions de l'article R. 581-88 sont également applicables aux préenseignes prévues au troisième alinéa de l'article L. 581-19 du même code ; qu'en application des dispositions de l'article 17 du décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux préenseignes, le régime applicable à ces préenseignes dérogatoires n'entre en vigueur que le 13 juillet 2015 ; qu'ainsi, le décret attaqué n'a pas pour effet de laisser aux entreprises concernées un délai de mise en conformité inférieur à deux ans s'agissant de ces préenseignes ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique et de la liberté d'entreprendre ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision ayant refusé l'abrogation du décret contesté ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;


D E C I D E :
--------------

Article 1er : La requête de la société Girard publicité est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Girard publicité et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Copie en sera adressée au Premier ministre.