Conseil d'État
N° 410978
ECLI:FR:CEORD:2017:410978.20170627
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Lecture du mardi 27 juin 2017
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 30 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union syndicale des magistrats demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner, d'une part, la suspension de l'exécution de l'article 7 du décret du 25 avril 2017 ainsi que des articles 15 et 16 de l'arrêté ministériel du 25 avril 2017 en tant qu'ils insèrent respectivement au sein de l'article 7 du décret du 9 juillet 2008, de l'article 3 de l'arrêté du 9 juillet 2008 fixant l'organisation en sous-directions de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'article 2 de l'arrêté du 9 juillet 2008 fixant l'organisation en bureaux de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse l'expression " anime et contrôle l'action du ministère public en matière de protection de l'enfance et suit la formation de la jurisprudence correspondante " et, d'autre part, la suspension de l'exécution de l'article 16 de l'arrêté ministériel du 25 avril 2017 en tant qu'il insère, à l'article 2 de l'arrêté du 9 juillet 2008 fixant l'organisation en bureaux de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse la phrase " il contribue, en relation avec la direction des affaires criminelles et des grâces, au suivi de l'action publique exercée auprès des juridictions dans les dossiers impliquant des mineurs ".
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que, d'une part, les dispositions de l'article 16 de l'arrêté ministériel du 25 avril 2017, entré en vigueur le 2 mai 2017, portent une atteinte grave et immédiate à l'indépendance de l'autorité judiciaire, d'autre part, l'application de l'article 7 du décret du 25 avril 2017 et des articles 15 et 16 de l'arrêté ministériel du 25 avril 2017 est de nature à gravement altérer la cohérence de l'application de la loi pénale sur le territoire de la République en ce qu'il ne saurait être confié à une seule et même direction du ministère de la justice le contrôle de l'action du ministère public et l'exécution concomitante de ses décisions ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des dispositions de l'arrêté et du décret contestés ;
- la direction de la protection judiciaire de la jeunesse ne peut simultanément assurer le suivi et l'exécution des décisions de justice et contrôler l'action du ministère public en matière de protection de l'enfance sans gravement porter atteinte à la cohérence de l'application de la politique pénale ;
- l'article 7 du décret du 25 avril 2017 et l'article 16 de l'arrêté ministériel du 25 avril 2017 méconnaissent les dispositions de l'article 30 du code de procédure pénale dès lors qu'en prévoyant que le bureau de la législation et des affaires juridiques de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse contribue " au suivi de l'action publique, exercée auprès des juridictions dans les dossiers impliquant des mineurs ", ils accordent au garde des sceaux, ministre de la justice la possibilité d'influer sur le traitement judiciaire d'un dossier individuel en adressant aux magistrats du ministère public les instructions correspondantes.
Par un mémoire distinct, enregistré le 15 juin 2017, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, l'Union syndicale des magistrats demande au juge des référés du Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 5 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature en tant qu'il dispose que " les magistrats du parquet son placés (...) sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice ". Elle soutient que l'article contesté est applicable au litige et n'a jamais été déclaré conforme à la Constitution et qu'il méconnaît l'article 64 de la Constitution ainsi que l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2017, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés par le syndicat requérant n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées.
Par des observations en défense, enregistrées le 20 juin 2017, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice fait valoir que les dispositions invoquées de l'article 5 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ont déjà été déclarées conformes à la Constitution et ne sont pas contraires aux principes de l'indépendance de l'autorité judiciaire et de séparation des pouvoirs.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- le code de procédure pénale ;
- le décret n°2007-1573 du 6 novembre 2007 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'Union syndicale des magistrats, d'autre part, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du mercredi 21 juin 2017 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de l'Union syndicale des magistrats ;
- les représentants du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
2. Considérant que par un décret du 9 juillet 2008 ont été définies l'organisation de l'administration centrale du ministère de la justice et les missions des directions et autres structures qui la composent; que des arrêtés du garde des sceaux, ministre de la justice du même jour, ont détaillé l'organisation interne de cette administration ainsi que les missions de ses différentes composantes ; que l'Union syndicale des magistrats demande la suspension de l'exécution de certaines dispositions du décret du 25 avril 2017 et de l'arrêté ministériel du même jour qui modifient, entre autres, ces textes en ce qui concerne la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et sont entrées en vigueur le 2 mai dernier ;
3. Considérant que les dispositions en litige prévoient que cette direction " anime et contrôle l'action du ministère public en matière de protection de l'enfance et suit la formation de la jurisprudence correspondante ", cette fonction devant être exercée, au sein de cette direction, par le bureau de la législation et des affaires juridiques ; que l'arrêté litigieux réitère également les dispositions de l'arrêté du 9 juillet 2008 selon lesquelles ce bureau " contribue, en relation avec la direction des affaires criminelles et des grâces, au suivi de l'action publique exercée auprès des juridictions dans les dossiers impliquant des mineurs. " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 30 du code de procédure pénale " Le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République./ A cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales./Il ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles./ Chaque année, il publie un rapport sur l'application de la politique pénale déterminée par le Gouvernement, précisant les conditions de mise en oeuvre de cette politique et des instructions générales adressées en application du deuxième alinéa. Ce rapport est transmis au Parlement. Il peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. " ;
5. Considérant que le syndicat requérant soutient que les dispositions en litige, applicables et appliquées depuis le début du mois de mai, porteraient par elles-mêmes une atteinte grave et immédiate, d'une part, à l'indépendance de l'autorité judiciaire, laquelle comprend les magistrats du parquet, en ce que leur mise en oeuvre impliquerait nécessairement l'envoi d'instructions dans les affaires individuelles impliquant des mineurs, d'autre part, à la cohérence de l'application de la loi pénale sur le territoire de la République, en ce que la direction de la protection judiciaire de la jeunesse assure le suivi et l'exécution des décisions de justice dans ce domaine, tâche qui serait incompatible avec l'animation et le contrôle de l'action publique dans le même domaine ;
6. Considérant, en premier lieu, que la mission d'animation et de contrôle de l'action du ministère public confiée à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse s'exerce dans le domaine général " de la protection de l'enfance " et qu'y est rattaché le " suivi de la formation de la jurisprudence correspondante " ; qu'elle est confiée au bureau de la législation et des affaires juridiques, auquel incombe principalement d'élaborer ou de participer à l'élaboration des textes internes, européens ou internationaux dans le domaine de la justice des mineurs ainsi qu'une mission de veille juridique sur les différents contentieux ; que ces tâches impliquent ainsi la conception et la mise en oeuvre d'actions ou de réflexions générales dans ce domaine mais ne conduisent pas par elles-mêmes les magistrats ou agents qui en sont chargés à émettre des instructions dans des dossiers individuels ; que tel n'est pas non plus le cas des dispositions, que les textes en litige ont réitérées, qui permettent depuis 2008 à ce bureau de " contribuer au suivi ", avec la direction des affaires criminelles et des grâces, de l'action publique exercée auprès des juridictions dans les dossiers impliquant des mineurs ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas établi que ces différentes missions, confiées à un bureau de l'administration centrale, entreraient nécessairement en contradiction avec le suivi de l'exécution des décisions de justice dans les affaires intéressant des mineurs, nuisant ainsi gravement à la cohérence de l'application de la loi pénale ; qu'en effet, en application du décret du 6 novembre 2007 la " mise en oeuvre des décisions de l'autorité judiciaire prises en application des législations et réglementations relatives à l'enfance délinquante, à l'assistance éducative ou à la protection judiciaire des jeunes majeurs " relève des établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, sous le contrôle non, directement, de l'administration centrale mais de directions interrégionales et territoriales ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence, requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative pour justifier la suspension des dispositions contestées, ne peut être, en l'espèce, regardée comme remplie ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence d'un doute sérieux quant à leur légalité, la requête présentée par l'Union syndicale des magistrats doit être rejetée ;
9. Considérant que la présente ordonnance rejetant les conclusions à fin de suspension pour défaut d'urgence, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ;
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de l'Union syndicale des magistrats est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Union syndicale des magistrats, au Premier ministre et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée, pour information, au Conseil constitutionnel.
N° 410978
ECLI:FR:CEORD:2017:410978.20170627
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Lecture du mardi 27 juin 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 30 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union syndicale des magistrats demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner, d'une part, la suspension de l'exécution de l'article 7 du décret du 25 avril 2017 ainsi que des articles 15 et 16 de l'arrêté ministériel du 25 avril 2017 en tant qu'ils insèrent respectivement au sein de l'article 7 du décret du 9 juillet 2008, de l'article 3 de l'arrêté du 9 juillet 2008 fixant l'organisation en sous-directions de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'article 2 de l'arrêté du 9 juillet 2008 fixant l'organisation en bureaux de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse l'expression " anime et contrôle l'action du ministère public en matière de protection de l'enfance et suit la formation de la jurisprudence correspondante " et, d'autre part, la suspension de l'exécution de l'article 16 de l'arrêté ministériel du 25 avril 2017 en tant qu'il insère, à l'article 2 de l'arrêté du 9 juillet 2008 fixant l'organisation en bureaux de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse la phrase " il contribue, en relation avec la direction des affaires criminelles et des grâces, au suivi de l'action publique exercée auprès des juridictions dans les dossiers impliquant des mineurs ".
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que, d'une part, les dispositions de l'article 16 de l'arrêté ministériel du 25 avril 2017, entré en vigueur le 2 mai 2017, portent une atteinte grave et immédiate à l'indépendance de l'autorité judiciaire, d'autre part, l'application de l'article 7 du décret du 25 avril 2017 et des articles 15 et 16 de l'arrêté ministériel du 25 avril 2017 est de nature à gravement altérer la cohérence de l'application de la loi pénale sur le territoire de la République en ce qu'il ne saurait être confié à une seule et même direction du ministère de la justice le contrôle de l'action du ministère public et l'exécution concomitante de ses décisions ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des dispositions de l'arrêté et du décret contestés ;
- la direction de la protection judiciaire de la jeunesse ne peut simultanément assurer le suivi et l'exécution des décisions de justice et contrôler l'action du ministère public en matière de protection de l'enfance sans gravement porter atteinte à la cohérence de l'application de la politique pénale ;
- l'article 7 du décret du 25 avril 2017 et l'article 16 de l'arrêté ministériel du 25 avril 2017 méconnaissent les dispositions de l'article 30 du code de procédure pénale dès lors qu'en prévoyant que le bureau de la législation et des affaires juridiques de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse contribue " au suivi de l'action publique, exercée auprès des juridictions dans les dossiers impliquant des mineurs ", ils accordent au garde des sceaux, ministre de la justice la possibilité d'influer sur le traitement judiciaire d'un dossier individuel en adressant aux magistrats du ministère public les instructions correspondantes.
Par un mémoire distinct, enregistré le 15 juin 2017, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, l'Union syndicale des magistrats demande au juge des référés du Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 5 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature en tant qu'il dispose que " les magistrats du parquet son placés (...) sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice ". Elle soutient que l'article contesté est applicable au litige et n'a jamais été déclaré conforme à la Constitution et qu'il méconnaît l'article 64 de la Constitution ainsi que l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2017, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés par le syndicat requérant n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées.
Par des observations en défense, enregistrées le 20 juin 2017, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice fait valoir que les dispositions invoquées de l'article 5 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ont déjà été déclarées conformes à la Constitution et ne sont pas contraires aux principes de l'indépendance de l'autorité judiciaire et de séparation des pouvoirs.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- le code de procédure pénale ;
- le décret n°2007-1573 du 6 novembre 2007 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'Union syndicale des magistrats, d'autre part, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du mercredi 21 juin 2017 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de l'Union syndicale des magistrats ;
- les représentants du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
2. Considérant que par un décret du 9 juillet 2008 ont été définies l'organisation de l'administration centrale du ministère de la justice et les missions des directions et autres structures qui la composent; que des arrêtés du garde des sceaux, ministre de la justice du même jour, ont détaillé l'organisation interne de cette administration ainsi que les missions de ses différentes composantes ; que l'Union syndicale des magistrats demande la suspension de l'exécution de certaines dispositions du décret du 25 avril 2017 et de l'arrêté ministériel du même jour qui modifient, entre autres, ces textes en ce qui concerne la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et sont entrées en vigueur le 2 mai dernier ;
3. Considérant que les dispositions en litige prévoient que cette direction " anime et contrôle l'action du ministère public en matière de protection de l'enfance et suit la formation de la jurisprudence correspondante ", cette fonction devant être exercée, au sein de cette direction, par le bureau de la législation et des affaires juridiques ; que l'arrêté litigieux réitère également les dispositions de l'arrêté du 9 juillet 2008 selon lesquelles ce bureau " contribue, en relation avec la direction des affaires criminelles et des grâces, au suivi de l'action publique exercée auprès des juridictions dans les dossiers impliquant des mineurs. " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 30 du code de procédure pénale " Le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République./ A cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales./Il ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles./ Chaque année, il publie un rapport sur l'application de la politique pénale déterminée par le Gouvernement, précisant les conditions de mise en oeuvre de cette politique et des instructions générales adressées en application du deuxième alinéa. Ce rapport est transmis au Parlement. Il peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. " ;
5. Considérant que le syndicat requérant soutient que les dispositions en litige, applicables et appliquées depuis le début du mois de mai, porteraient par elles-mêmes une atteinte grave et immédiate, d'une part, à l'indépendance de l'autorité judiciaire, laquelle comprend les magistrats du parquet, en ce que leur mise en oeuvre impliquerait nécessairement l'envoi d'instructions dans les affaires individuelles impliquant des mineurs, d'autre part, à la cohérence de l'application de la loi pénale sur le territoire de la République, en ce que la direction de la protection judiciaire de la jeunesse assure le suivi et l'exécution des décisions de justice dans ce domaine, tâche qui serait incompatible avec l'animation et le contrôle de l'action publique dans le même domaine ;
6. Considérant, en premier lieu, que la mission d'animation et de contrôle de l'action du ministère public confiée à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse s'exerce dans le domaine général " de la protection de l'enfance " et qu'y est rattaché le " suivi de la formation de la jurisprudence correspondante " ; qu'elle est confiée au bureau de la législation et des affaires juridiques, auquel incombe principalement d'élaborer ou de participer à l'élaboration des textes internes, européens ou internationaux dans le domaine de la justice des mineurs ainsi qu'une mission de veille juridique sur les différents contentieux ; que ces tâches impliquent ainsi la conception et la mise en oeuvre d'actions ou de réflexions générales dans ce domaine mais ne conduisent pas par elles-mêmes les magistrats ou agents qui en sont chargés à émettre des instructions dans des dossiers individuels ; que tel n'est pas non plus le cas des dispositions, que les textes en litige ont réitérées, qui permettent depuis 2008 à ce bureau de " contribuer au suivi ", avec la direction des affaires criminelles et des grâces, de l'action publique exercée auprès des juridictions dans les dossiers impliquant des mineurs ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas établi que ces différentes missions, confiées à un bureau de l'administration centrale, entreraient nécessairement en contradiction avec le suivi de l'exécution des décisions de justice dans les affaires intéressant des mineurs, nuisant ainsi gravement à la cohérence de l'application de la loi pénale ; qu'en effet, en application du décret du 6 novembre 2007 la " mise en oeuvre des décisions de l'autorité judiciaire prises en application des législations et réglementations relatives à l'enfance délinquante, à l'assistance éducative ou à la protection judiciaire des jeunes majeurs " relève des établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, sous le contrôle non, directement, de l'administration centrale mais de directions interrégionales et territoriales ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence, requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative pour justifier la suspension des dispositions contestées, ne peut être, en l'espèce, regardée comme remplie ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence d'un doute sérieux quant à leur légalité, la requête présentée par l'Union syndicale des magistrats doit être rejetée ;
9. Considérant que la présente ordonnance rejetant les conclusions à fin de suspension pour défaut d'urgence, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'Union syndicale des magistrats est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Union syndicale des magistrats, au Premier ministre et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée, pour information, au Conseil constitutionnel.