Conseil d'État
N° 403012
ECLI:FR:CECHR:2017:403012.20170705
Inédit au recueil Lebon
6ème - 1ère chambres réunies
Mme Mireille Le Corre, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
Lecture du mercredi 5 juillet 2017
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 31 août 2016 et le 7 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des jeunes avocats de Paris demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-878 du 29 juin 2016 relatif à l'exercice de la profession d'avocat sous forme de société d'exercice libéral et aux sociétés de participations financières de profession libérale d'avocats.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- le code de commerce ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;
- le décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 ;
- le décret n° 93-492 du 25 mars 1993 ;
- la décision n° 2015-715 DC du Conseil constitutionnel du 5 août 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 juin 2017, présentée par le ministre de l'économie ;
1. Considérant que le décret attaqué du 29 juin 2016 a pour objet de modifier le décret n° 93-492 du 25 mars 1993 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ; que les conclusions de la requête de l'Union des jeunes avocats de Paris doivent être regardées comme tendant à l'annulation de l'article 1er du décret attaqué en tant qu'il abroge l'article 20 du décret du 25 mars 1993, en vertu duquel : " Un avocat associé exerçant au sein d'une société d'exercice libéral ne peut exercer sa profession à titre individuel, en qualité de membre d'une autre société, quelle qu'en soit la forme, ou en qualité d'avocat salarié ", et en tant qu'il modifie l'article 22 du même décret pour y supprimer la disposition en vertu de laquelle : " Les associés exerçant au sein de la société doivent lui consacrer toute leur activité professionnelle " ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
3. Considérant que l'article 63 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, relatif aux formes sociales d'exercice professionnel des professions juridiques et judiciaires, permet, en vertu de son IV pour les avocats, de constituer pour l'exercice en commun de leur profession des entités dotées de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant ; que l'Union des jeunes avocats de Paris soutient que les dispositions de cet article méconnaissent le principe d'égalité devant la loi ;
4. Considérant, toutefois, que le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conforme à la Constitution l'article 63 de la loi du 6 août 2015 ; que, contrairement à ce qui est soutenu, l'intervention du décret attaqué ne constitue pas un changement de circonstances survenu depuis cette décision de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ;
5. Considérant qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 63 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
Sur les autres moyens de la requête :
6. Considérant, en premier lieu, que les dispositions du I de l'article 67 de la loi du 6 août 2015, relatives au capital des sociétés d'exercice libéral et des sociétés de participations financières de professions libérales, ne portent pas sur les conditions d'exercice des professions juridiques ou judiciaires ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées du décret du 29 juin 2016, dont il résulte que les avocats associés exerçant au sein d'une société d'exercice libéral ne sont plus tenus de lui consacrer l'intégralité de leur activité professionnelle d'avocat, méconnaissent ces dispositions de la loi du 6 août 2015 ne peut être qu'écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction résultant du IV de l'article 63 de la loi du 6 août 2015 : " L'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d'une association dont la responsabilité des membres peut être, dans des conditions définies par décret, limitée aux membres de l'association ayant accompli l'acte professionnel en cause, soit au sein d'entités dotées de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant, soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d'un avocat ou d'une association ou société d'avocats. Il peut également être membre d'un groupement d'intérêt économique ou d'un groupement européen d'intérêt économique. / Sans préjudice des dispositions du présent article, l'avocat peut exercer sa profession en qualité de collaborateur libéral d'un avocat selon les modalités prévues par l'article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. / (...) " ; que, par ailleurs, l'article 21 de la loi du 31 décembre 1990 permet, sans l'imposer, que les décrets en Conseil d'Etat pris pour déterminer les conditions d'application du titre Ier de la loi aux diverses professions concernées prévoient qu'un associé n'exerce sa profession qu'au sein d'une seule société d'exercice libéral et ne peut exercer la même profession à titre individuel ou au sein d'une société civile professionnelle ;
8. Considérant que si les dispositions de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 énumèrent, de manière limitative, les formes selon lesquelles un avocat peut exercer sa profession, ni ces dispositions ni celles de la loi du 31 décembre 1990 n'interdisent à un associé d'une société d'exercice libéral d'exercer la profession d'avocat sous plusieurs des formes énumérées à l'article 7 ; qu'il suit de là que l'Union des jeunes avocats de Paris n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué, en supprimant les dispositions citées au point 1 prévoyant que les associés d'une société d'exercice libéral ne peuvent exercer la profession d'avocat qu'au sein de cette société, méconnaît les dispositions législatives précitées ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 43 du décret du 20 juillet 1992 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles : " Tout associé ne peut être membre que d'une seule société civile professionnelle d'avocats et ne peut exercer ses fonctions ni à titre individuel, ni en qualité de membre d'une société d'exercice libéral " ; qu'il résulte de ces dispositions que les avocats associés exerçant au sein d'une société civile professionnelle ne peuvent, d'une part, être membre que d'une seule société civile professionnelle, d'autre part, exercer leurs fonctions d'avocats au sein d'une société d'exercice libéral ; que l'Union des jeunes avocats de Paris soutient que le décret attaqué, qui abroge les interdictions similaires imposées aux avocats associés exerçant au sein d'une société d'exercice libéral, méconnaît de ce fait le principe d'égalité ;
10. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;
11. Considérant que les dispositions réglementaires applicables, d'une part, aux sociétés civiles professionnelles, d'autre part, aux sociétés d'exercice libéral, font application de dispositions législatives distinctes, issues respectivement de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles et de la loi du 31 décembre 1990 relative aux sociétés à exercice libéral ; qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 29 novembre 1966 : " Sauf disposition contraire du décret particulier à chaque profession, tout associé ne peut être membre que d'une seule société civile professionnelle et ne peut exercer la même profession à titre individuel " ; que, comme il a été dit au point 7, l'article 21 de la loi du 31 décembre 1990, en revanche, n'impose pas une telle interdiction mais permet au pouvoir règlementaire de l'établir pour une profession ; que, par ailleurs, les dispositions législatives relatives aux deux types de société et leur application par voie réglementaire à la profession d'avocat prévoient deux modes différents d'exercice de la profession, s'agissant notamment des règles applicables aux associés, en particulier leur régime de responsabilité, des catégories d'associés, de la capacité à associer ou non une personne morale et des modalités capitalistiques ; qu'au surplus, les deux formes de sociétés sont ouvertes aux avocats, qui peuvent choisir l'une ou l'autre ;
12. Considérant qu'il en résulte que si l'autorité investie du pouvoir réglementaire a décidé de prévoir des modalités différentes s'agissant du caractère exclusif de l'exercice de la profession d'avocat, applicables à des situations différentes résultant du type de société au sein de laquelle l'avocat est associé, la différence de traitement ainsi établie est, en tout état de cause, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit, relative aux modalités d'exercice de la profession, sans être manifestement disproportionnée au regard des différences de situation selon que l'avocat est associé au sein d'une société civile professionnelle ou d'une société d'exercice libéral ; que, dans ces conditions, l'Union des jeunes avocats de Paris n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Union des jeunes avocats de Paris n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'Union des jeunes avocats de Paris.
Article 2 : La requête de l'Union des jeunes avocats de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union des jeunes avocats de Paris, au Premier ministre, au ministre de l'économie et des finances et au garde des sceaux, ministre de la justice.
N° 403012
ECLI:FR:CECHR:2017:403012.20170705
Inédit au recueil Lebon
6ème - 1ère chambres réunies
Mme Mireille Le Corre, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
Lecture du mercredi 5 juillet 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 31 août 2016 et le 7 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des jeunes avocats de Paris demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-878 du 29 juin 2016 relatif à l'exercice de la profession d'avocat sous forme de société d'exercice libéral et aux sociétés de participations financières de profession libérale d'avocats.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- le code de commerce ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;
- le décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 ;
- le décret n° 93-492 du 25 mars 1993 ;
- la décision n° 2015-715 DC du Conseil constitutionnel du 5 août 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 juin 2017, présentée par le ministre de l'économie ;
1. Considérant que le décret attaqué du 29 juin 2016 a pour objet de modifier le décret n° 93-492 du 25 mars 1993 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ; que les conclusions de la requête de l'Union des jeunes avocats de Paris doivent être regardées comme tendant à l'annulation de l'article 1er du décret attaqué en tant qu'il abroge l'article 20 du décret du 25 mars 1993, en vertu duquel : " Un avocat associé exerçant au sein d'une société d'exercice libéral ne peut exercer sa profession à titre individuel, en qualité de membre d'une autre société, quelle qu'en soit la forme, ou en qualité d'avocat salarié ", et en tant qu'il modifie l'article 22 du même décret pour y supprimer la disposition en vertu de laquelle : " Les associés exerçant au sein de la société doivent lui consacrer toute leur activité professionnelle " ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
3. Considérant que l'article 63 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, relatif aux formes sociales d'exercice professionnel des professions juridiques et judiciaires, permet, en vertu de son IV pour les avocats, de constituer pour l'exercice en commun de leur profession des entités dotées de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant ; que l'Union des jeunes avocats de Paris soutient que les dispositions de cet article méconnaissent le principe d'égalité devant la loi ;
4. Considérant, toutefois, que le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conforme à la Constitution l'article 63 de la loi du 6 août 2015 ; que, contrairement à ce qui est soutenu, l'intervention du décret attaqué ne constitue pas un changement de circonstances survenu depuis cette décision de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ;
5. Considérant qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 63 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
Sur les autres moyens de la requête :
6. Considérant, en premier lieu, que les dispositions du I de l'article 67 de la loi du 6 août 2015, relatives au capital des sociétés d'exercice libéral et des sociétés de participations financières de professions libérales, ne portent pas sur les conditions d'exercice des professions juridiques ou judiciaires ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées du décret du 29 juin 2016, dont il résulte que les avocats associés exerçant au sein d'une société d'exercice libéral ne sont plus tenus de lui consacrer l'intégralité de leur activité professionnelle d'avocat, méconnaissent ces dispositions de la loi du 6 août 2015 ne peut être qu'écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction résultant du IV de l'article 63 de la loi du 6 août 2015 : " L'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d'une association dont la responsabilité des membres peut être, dans des conditions définies par décret, limitée aux membres de l'association ayant accompli l'acte professionnel en cause, soit au sein d'entités dotées de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant, soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d'un avocat ou d'une association ou société d'avocats. Il peut également être membre d'un groupement d'intérêt économique ou d'un groupement européen d'intérêt économique. / Sans préjudice des dispositions du présent article, l'avocat peut exercer sa profession en qualité de collaborateur libéral d'un avocat selon les modalités prévues par l'article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. / (...) " ; que, par ailleurs, l'article 21 de la loi du 31 décembre 1990 permet, sans l'imposer, que les décrets en Conseil d'Etat pris pour déterminer les conditions d'application du titre Ier de la loi aux diverses professions concernées prévoient qu'un associé n'exerce sa profession qu'au sein d'une seule société d'exercice libéral et ne peut exercer la même profession à titre individuel ou au sein d'une société civile professionnelle ;
8. Considérant que si les dispositions de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 énumèrent, de manière limitative, les formes selon lesquelles un avocat peut exercer sa profession, ni ces dispositions ni celles de la loi du 31 décembre 1990 n'interdisent à un associé d'une société d'exercice libéral d'exercer la profession d'avocat sous plusieurs des formes énumérées à l'article 7 ; qu'il suit de là que l'Union des jeunes avocats de Paris n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué, en supprimant les dispositions citées au point 1 prévoyant que les associés d'une société d'exercice libéral ne peuvent exercer la profession d'avocat qu'au sein de cette société, méconnaît les dispositions législatives précitées ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 43 du décret du 20 juillet 1992 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles : " Tout associé ne peut être membre que d'une seule société civile professionnelle d'avocats et ne peut exercer ses fonctions ni à titre individuel, ni en qualité de membre d'une société d'exercice libéral " ; qu'il résulte de ces dispositions que les avocats associés exerçant au sein d'une société civile professionnelle ne peuvent, d'une part, être membre que d'une seule société civile professionnelle, d'autre part, exercer leurs fonctions d'avocats au sein d'une société d'exercice libéral ; que l'Union des jeunes avocats de Paris soutient que le décret attaqué, qui abroge les interdictions similaires imposées aux avocats associés exerçant au sein d'une société d'exercice libéral, méconnaît de ce fait le principe d'égalité ;
10. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;
11. Considérant que les dispositions réglementaires applicables, d'une part, aux sociétés civiles professionnelles, d'autre part, aux sociétés d'exercice libéral, font application de dispositions législatives distinctes, issues respectivement de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles et de la loi du 31 décembre 1990 relative aux sociétés à exercice libéral ; qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 29 novembre 1966 : " Sauf disposition contraire du décret particulier à chaque profession, tout associé ne peut être membre que d'une seule société civile professionnelle et ne peut exercer la même profession à titre individuel " ; que, comme il a été dit au point 7, l'article 21 de la loi du 31 décembre 1990, en revanche, n'impose pas une telle interdiction mais permet au pouvoir règlementaire de l'établir pour une profession ; que, par ailleurs, les dispositions législatives relatives aux deux types de société et leur application par voie réglementaire à la profession d'avocat prévoient deux modes différents d'exercice de la profession, s'agissant notamment des règles applicables aux associés, en particulier leur régime de responsabilité, des catégories d'associés, de la capacité à associer ou non une personne morale et des modalités capitalistiques ; qu'au surplus, les deux formes de sociétés sont ouvertes aux avocats, qui peuvent choisir l'une ou l'autre ;
12. Considérant qu'il en résulte que si l'autorité investie du pouvoir réglementaire a décidé de prévoir des modalités différentes s'agissant du caractère exclusif de l'exercice de la profession d'avocat, applicables à des situations différentes résultant du type de société au sein de laquelle l'avocat est associé, la différence de traitement ainsi établie est, en tout état de cause, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit, relative aux modalités d'exercice de la profession, sans être manifestement disproportionnée au regard des différences de situation selon que l'avocat est associé au sein d'une société civile professionnelle ou d'une société d'exercice libéral ; que, dans ces conditions, l'Union des jeunes avocats de Paris n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Union des jeunes avocats de Paris n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'Union des jeunes avocats de Paris.
Article 2 : La requête de l'Union des jeunes avocats de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union des jeunes avocats de Paris, au Premier ministre, au ministre de l'économie et des finances et au garde des sceaux, ministre de la justice.