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Ariane Web: Conseil d'État 411954, lecture du 27 septembre 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:411954.20170927

Décision n° 411954
27 septembre 2017
Conseil d'État

N° 411954
ECLI:FR:CECHR:2017:411954.20170927
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
Mme Cécile Isidoro, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public


Lecture du mercredi 27 septembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire distinct, enregistrés les 22 et 27 mars 2017 au greffe du tribunal administratif de Grenoble, la commune de Salaise-sur-Sanne a demandé, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, à ce tribunal de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 2334-7 et L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction issue de la loi du 29 décembre 2015.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 72, 72-2 et 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes, d'une part, du premier et du dernier alinéa du III de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 151 de la loi n°2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 : " A compter de 2015, la dotation forfaitaire de chaque commune est égale au montant perçu l'année précédente au titre de cette dotation. Pour chaque commune, cette dotation est majorée ou minorée du produit de la différence entre sa population constatée au titre de l'année de répartition et celle constatée au titre de l'année précédant la répartition par un montant compris entre 64,46 euros et 128,93 euros par habitant en fonction croissante de la population de la commune, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat./ A compter de 2015, les communes dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté pour l'ensemble des communes bénéficient d'une attribution au titre de la dotation forfaitaire égale à celle calculée en application du présent III. Pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté pour l'ensemble des communes, le montant calculé en application du premier alinéa du présent III est diminué, dans les conditions prévues à l'article L. 2334-7-1, en proportion de leur population et de l'écart relatif entre le potentiel fiscal par habitant de la commune et 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté pour l'ensemble des communes (...)".

3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 2334-7-3 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi : " (...) le montant de la dotation forfaitaire des communes de métropole et des communes des départements d'outre-mer, à l'exception de celles du Département de Mayotte, est minoré d'un montant (...) en 2016 (...) de 1 450 millions d'euros. (...) Cette minoration est répartie entre les communes au prorata des recettes réelles de fonctionnement de leur budget principal, (...) telles que constatées au 1er janvier de l'année de répartition dans les derniers comptes de gestion disponibles. (...). Si, pour une commune, la minoration excède le montant perçu au titre de la dotation forfaitaire, la différence est prélevée sur les compensations mentionnées au III de l'article 37 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 ou, à défaut, sur les douzièmes prévus à l'article L. 2332-2 et au II de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 de la commune (...)".

4. En premier lieu, la commune soutient que les dispositions précitées de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales ne définissent pas de manière suffisamment précise la population à prendre en compte pour calculer la dotation forfaitaire des communes et portent ainsi atteinte au principe de libre administration qui est garanti à ces collectivités par l'article 72 de la Constitution. Les dispositions contestées figurent, toutefois, dans la même section que l'article L. 2334-2 et doivent, dès lors, être lues en combinaison avec les dispositions de cet article qui prévoient que " la population à prendre en compte pour l'application de la présente section est celle qui résulte du recensement, majorée chaque année des accroissements de population dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Dès lors, le moyen invoqué manque en fait, nonobstant la circonstance que les modalités selon lesquelles le recensement est mené conduisent à ce que l'évolution de la population de chaque commune fasse l'objet de simples estimations pour certaines années.

5. En deuxième lieu, si la commune soutient que les dispositions précitées de l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales ne définissent pas, davantage, l'année au titre de laquelle sont prises en compte les données financières pour répartir la minoration de la dotation forfaitaire entre communes, il résulte de la lettre même de ces dispositions qu'il s'agit, pour le calcul des recettes de fonctionnement, de celles " constatées au 1er janvier de l'année de répartition dans les derniers comptes de gestion disponibles ", le compte de gestion, établi par le comptable de la collectivité étant transmis au plus tard le 1er juin suivant l'exercice en cause à cette collectivité en vertu de l'article L. 1612-12 du même code.

6. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriale prévoyant les modalités selon lesquelles les sommes dues par une commune en application de cet article sont déduites, lorsqu'elles excèdent sa dotation forfaitaire, sur certaines des recettes qui lui sont reversées par l'Etat, ne peuvent être regardées, contrairement à ce qui est soutenu, comme instituant une tutelle du préfet.

7. En quatrième et dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : " Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi ".

8. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu faire contribuer les communes à l'effort de réduction des déficits publics à due proportion de leurs recettes de fonctionnement respectives. Il n'est pas contesté qu'en 2016, il a fixé cette contribution, pour l'ensemble des communes, à 1,87 % de leurs recettes de fonctionnement. Quand bien même cette contribution se traduirait, au-delà d'une réduction voire d'une suppression de la dotation forfaitaire, par une diminution des recettes fiscales reversées par l'Etat, elle n'est pas d'une ampleur telle qu'elle entraverait la libre administration des communes ou qu'elle serait susceptible de porter atteinte à leur autonomie financière. La commune requérante ne peut, dès lors, soutenir que les articles 72 et 72-2 de la Constitution ont été méconnus.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Salaise-sur-Sanne.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Salaise-sur-Sanne et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.