Conseil d'État
N° 398726
ECLI:FR:CECHR:2017:398726.20171213
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats
Lecture du mercredi 13 décembre 2017
Vu la procédure suivante :
Les sociétés HSBC Bank plc Paris Branch et HSBC Securities (France) ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge partielle de la cotisation d'impôt sur les sociétés acquittée au titre de l'exercice 2001 sur le résultat d'ensemble du groupe dont la société HSBC Bank plc Paris Branch est la société mère. Par un jugement n° 0807172 du 6 juin 2014, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 14VE02367 du 11 février 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par les sociétés HSBC Bank plc Paris Branch et HSBC Securities (France) contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 avril et 12 juillet 2016 et le 9 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés HSBC Bank plc Paris Branch et HSBC Securities (France) demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société HSBC Bank Plc et de la Société HSBC Securities ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société HSBC Securities (France), membre du groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts dont la société HSBC Bank plc Paris Branch est la société mère, a présenté, le 21 décembre 2004, une demande de restitution partielle de la cotisation d'impôt sur les sociétés acquittée par sa société mère à raison du résultat d'ensemble du groupe de l'exercice 2001, correspondant à l'avoir fiscal de 785 838 euros auquel elle estimait avoir droit en application des dispositions alors en vigueur de l'article 158 bis du code général des impôts, à raison de dividendes qui lui avaient été versés en 2001 par des sociétés ayant leur siège dans d'autres États membres de l'Union européenne. En l'absence de réponse de l'administration fiscale, les sociétés HSBC Securities (France) et HSBC Bank plc Paris Branch ont porté le litige devant le tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement du 6 juin 2014, a rejeté leur demande. Elles se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 11 février 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté leur appel formé contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 p. 100 au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe (...). Chaque société du groupe est tenue solidairement au paiement de l'impôt sur les sociétés, de l'imposition forfaitaire annuelle et du précompte et, le cas échéant, des intérêts de retard, majorations et amendes fiscales correspondantes, dont la société mère est redevable, à hauteur de l'impôt et des pénalités qui seraient dus par la société si celle-ci n'était pas membre du groupe ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une imposition a été acquittée par la société mère d'un groupe fiscalement intégré, la société filiale n'est plus susceptible de se voir réclamer le paiement de cette imposition en sa qualité de débiteur solidaire et qu'à défaut d'un mandat que lui aurait régulièrement confié la société mère, elle n'est, par suite, pas recevable à contester l'imposition dont il s'agit.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales : "Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : / (...) c) Porter la signature manuscrite de son auteur; à défaut l'administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours; / (...)". Aux termes de l'article R. 197-4 du même livre : "Toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d'un mandat régulier. Le mandat doit, à peine de nullité, être produit en même temps que l'acte qui l'autorise ou enregistré avant l'exécution de cet acte. / Toutefois, il n'est pas exigé de mandat des avocats inscrits au barreau ni des personnes qui, en raison de leur fonctions ou de leur qualité, ont le droit d'agir au nom du contribuable. Il en est de même si le signataire de la réclamation a été mis personnellement en demeure d'acquitter les impositions mentionnées dans cette réclamation. (...)". Aux termes de l'article R. 200-2 du même livre : "(...) Les vices de forme prévus aux a, b, et d de l'article R. 197-3 peuvent, lorsqu'ils ont motivé le rejet d'une réclamation par l'administration, être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif. / Il en est de même pour le défaut de signature de la réclamation lorsque l'administration a omis d'en demander la régularisation dans les conditions prévues au c du même article". Il résulte de ces dispositions que si une réclamation présentée par une personne qui n'a ni qualité ni mandat pour le faire est irrecevable, ce vice de forme peut, en l'absence de demande de régularisation adressée par l'administration dans les conditions prévues au c de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales, être régularisé par le contribuable dans sa demande devant le tribunal administratif. Cette régularisation est donc possible jusqu'à l'expiration du délai imparti au contribuable pour présenter cette demande. En revanche, après l'expiration de ce délai, l'irrecevabilité de la réclamation préalable présentée à l'administration et, par conséquent, celle de la demande contentieuse, ne peuvent plus être régularisées, quand bien même l'administration n'aurait pas invité le contribuable à le faire. Une telle irrecevabilité doit être relevée d'office par le juge, y compris pour la première fois en appel si elle n'a pas été relevée en première instance.
4. Il résulte de ce qui précède que si la société HSBC Securities (France) n'était pas recevable, à défaut de mandat de la société HSBC Bank plc Paris Branch, à réclamer auprès de l'administration fiscale la restitution de l'imposition litigieuse que cette dernière avait spontanément acquittée en sa qualité de société mère d'un groupe fiscalement intégré, au sens de l'article 223 A du code général des impôts, la cour a commis une erreur de droit en déduisant de l'irrecevabilité de cette réclamation celle de sa demande devant le tribunal, alors que l'administration n'avait pas adressé à la société HSBC Securities (France) de demande de régularisation de sa réclamation dans les conditions prévues au c de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales et que la cosignature de sa demande devant le tribunal par la société HSBC Bank plc Paris Branch avait, dès lors, régularisé ce vice de forme dans le délai de recours contentieux. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit, par suite, être annulé.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 11 février 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société HSBC Bank plc Paris Branch au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée, pour l'ensemble des requérants, à la société HSBC Bank plc Paris Branch, première dénommée, et au ministre de l'action et des comptes publics.
N° 398726
ECLI:FR:CECHR:2017:398726.20171213
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats
Lecture du mercredi 13 décembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Les sociétés HSBC Bank plc Paris Branch et HSBC Securities (France) ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge partielle de la cotisation d'impôt sur les sociétés acquittée au titre de l'exercice 2001 sur le résultat d'ensemble du groupe dont la société HSBC Bank plc Paris Branch est la société mère. Par un jugement n° 0807172 du 6 juin 2014, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 14VE02367 du 11 février 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par les sociétés HSBC Bank plc Paris Branch et HSBC Securities (France) contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 avril et 12 juillet 2016 et le 9 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés HSBC Bank plc Paris Branch et HSBC Securities (France) demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société HSBC Bank Plc et de la Société HSBC Securities ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société HSBC Securities (France), membre du groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts dont la société HSBC Bank plc Paris Branch est la société mère, a présenté, le 21 décembre 2004, une demande de restitution partielle de la cotisation d'impôt sur les sociétés acquittée par sa société mère à raison du résultat d'ensemble du groupe de l'exercice 2001, correspondant à l'avoir fiscal de 785 838 euros auquel elle estimait avoir droit en application des dispositions alors en vigueur de l'article 158 bis du code général des impôts, à raison de dividendes qui lui avaient été versés en 2001 par des sociétés ayant leur siège dans d'autres États membres de l'Union européenne. En l'absence de réponse de l'administration fiscale, les sociétés HSBC Securities (France) et HSBC Bank plc Paris Branch ont porté le litige devant le tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement du 6 juin 2014, a rejeté leur demande. Elles se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 11 février 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté leur appel formé contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 p. 100 au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe (...). Chaque société du groupe est tenue solidairement au paiement de l'impôt sur les sociétés, de l'imposition forfaitaire annuelle et du précompte et, le cas échéant, des intérêts de retard, majorations et amendes fiscales correspondantes, dont la société mère est redevable, à hauteur de l'impôt et des pénalités qui seraient dus par la société si celle-ci n'était pas membre du groupe ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une imposition a été acquittée par la société mère d'un groupe fiscalement intégré, la société filiale n'est plus susceptible de se voir réclamer le paiement de cette imposition en sa qualité de débiteur solidaire et qu'à défaut d'un mandat que lui aurait régulièrement confié la société mère, elle n'est, par suite, pas recevable à contester l'imposition dont il s'agit.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales : "Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : / (...) c) Porter la signature manuscrite de son auteur; à défaut l'administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours; / (...)". Aux termes de l'article R. 197-4 du même livre : "Toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d'un mandat régulier. Le mandat doit, à peine de nullité, être produit en même temps que l'acte qui l'autorise ou enregistré avant l'exécution de cet acte. / Toutefois, il n'est pas exigé de mandat des avocats inscrits au barreau ni des personnes qui, en raison de leur fonctions ou de leur qualité, ont le droit d'agir au nom du contribuable. Il en est de même si le signataire de la réclamation a été mis personnellement en demeure d'acquitter les impositions mentionnées dans cette réclamation. (...)". Aux termes de l'article R. 200-2 du même livre : "(...) Les vices de forme prévus aux a, b, et d de l'article R. 197-3 peuvent, lorsqu'ils ont motivé le rejet d'une réclamation par l'administration, être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif. / Il en est de même pour le défaut de signature de la réclamation lorsque l'administration a omis d'en demander la régularisation dans les conditions prévues au c du même article". Il résulte de ces dispositions que si une réclamation présentée par une personne qui n'a ni qualité ni mandat pour le faire est irrecevable, ce vice de forme peut, en l'absence de demande de régularisation adressée par l'administration dans les conditions prévues au c de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales, être régularisé par le contribuable dans sa demande devant le tribunal administratif. Cette régularisation est donc possible jusqu'à l'expiration du délai imparti au contribuable pour présenter cette demande. En revanche, après l'expiration de ce délai, l'irrecevabilité de la réclamation préalable présentée à l'administration et, par conséquent, celle de la demande contentieuse, ne peuvent plus être régularisées, quand bien même l'administration n'aurait pas invité le contribuable à le faire. Une telle irrecevabilité doit être relevée d'office par le juge, y compris pour la première fois en appel si elle n'a pas été relevée en première instance.
4. Il résulte de ce qui précède que si la société HSBC Securities (France) n'était pas recevable, à défaut de mandat de la société HSBC Bank plc Paris Branch, à réclamer auprès de l'administration fiscale la restitution de l'imposition litigieuse que cette dernière avait spontanément acquittée en sa qualité de société mère d'un groupe fiscalement intégré, au sens de l'article 223 A du code général des impôts, la cour a commis une erreur de droit en déduisant de l'irrecevabilité de cette réclamation celle de sa demande devant le tribunal, alors que l'administration n'avait pas adressé à la société HSBC Securities (France) de demande de régularisation de sa réclamation dans les conditions prévues au c de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales et que la cosignature de sa demande devant le tribunal par la société HSBC Bank plc Paris Branch avait, dès lors, régularisé ce vice de forme dans le délai de recours contentieux. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit, par suite, être annulé.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 11 février 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société HSBC Bank plc Paris Branch au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée, pour l'ensemble des requérants, à la société HSBC Bank plc Paris Branch, première dénommée, et au ministre de l'action et des comptes publics.