Conseil d'État
N° 412512
ECLI:FR:CECHR:2017:412512.20171213
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Ophélie Champeaux, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP ZRIBI, TEXIER, avocats
Lecture du mercredi 13 décembre 2017
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Les Amis de Montpensier demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi contre le jugement n°s 1402006,1501921 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 mai 2017 rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 dans les rôles de la commune de Serbanne (Allier) à raison d'un terrain de golf, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 5° de l'article 1381 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 29 décembre 1884 portant fixation du budget des recettes pour l'exercice 1885.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi du 29 décembre 1884 portant fixation du budget des recettes pour l'exercice 1885 ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de la SCI Les Amis de Montpensier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 novembre 2017, présentée par la SCI Les Amis de Montpensier ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ". Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte de ces dispositions que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du 5° de l'article 1381 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 29 décembre 1884 portant fixation du budget des recettes pour l'exercice 1885, sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : " Les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux (...) ".
3. La société soutient que ces dispositions, en subordonnant l'assujettissement des terrains de golf à la taxe foncière sur les propriétés bâties à l'usage commercial qui en est fait, instaure une différence de traitement qui méconnaît les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques.
4. Les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ne s'opposent ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Par ailleurs, cette appréciation ne doit pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
5. Aux termes de l'article 1495 du code général des impôts, pour l'évaluation des propriétés bâties : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes du I de l'article 1509 du même code : " La valeur locative des propriétés non bâties établie en raison du revenu de ces propriétés résulte des tarifs fixés par nature de culture et de propriété (...) ".
6. Les dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts citées au point 2 ont pour objet d'assujettir à la taxe foncière sur les propriétés bâties les terrains non cultivés productifs de revenus spécifiques à raison de leur usage commercial ou industriel. Le législateur a ainsi entendu asseoir l'impôt sur une valeur locative calculée, conformément aux dispositions de l'article 1495 du même code, citées au point 5, à partir notamment de leur état et de leur affectation, afin de prendre en considération les revenus spécifiques que ces immeubles, quoique non bâtis, sont en mesure de produire. Il existe, au regard de la loi fiscale, une différence de situation entre les terrains exploités à des fins commerciales ou industrielles et les autres terrains, dès lors que ces derniers sont insusceptibles de produire des revenus spécifiques, l'assiette de la taxe à laquelle ils sont assujettis étant alors calculée sur la base d'une valeur locative qui ne prend en considération que les revenus nets théoriques établis par tarif en fonction de leur nature et de leur localisation, en vertu des dispositions de l'article 1509 du code général des impôts. La différence de traitement établie par les dispositions contestées entre les terrains de golf à usage commercial et les terrains de golf à usage privé, qui repose sur des critères objectifs et rationnels, est en rapport direct avec l'objet de la loi qui est, ainsi qu'il a été dit, d'imposer différemment les terrains selon que leur usage est productif de revenus spécifiques ou non. Dès lors, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ne présente pas un caractère sérieux.
7. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le 5° de l'article 1381 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 1884 portant fixation du budget des recettes pour l'exercice 1885, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SCI Les Amis de Montpensier.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SCI Les Amis de Montpensier et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.
N° 412512
ECLI:FR:CECHR:2017:412512.20171213
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Ophélie Champeaux, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP ZRIBI, TEXIER, avocats
Lecture du mercredi 13 décembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Les Amis de Montpensier demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi contre le jugement n°s 1402006,1501921 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 mai 2017 rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 dans les rôles de la commune de Serbanne (Allier) à raison d'un terrain de golf, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 5° de l'article 1381 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 29 décembre 1884 portant fixation du budget des recettes pour l'exercice 1885.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi du 29 décembre 1884 portant fixation du budget des recettes pour l'exercice 1885 ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de la SCI Les Amis de Montpensier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 novembre 2017, présentée par la SCI Les Amis de Montpensier ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ". Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte de ces dispositions que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du 5° de l'article 1381 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 29 décembre 1884 portant fixation du budget des recettes pour l'exercice 1885, sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : " Les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux (...) ".
3. La société soutient que ces dispositions, en subordonnant l'assujettissement des terrains de golf à la taxe foncière sur les propriétés bâties à l'usage commercial qui en est fait, instaure une différence de traitement qui méconnaît les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques.
4. Les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ne s'opposent ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Par ailleurs, cette appréciation ne doit pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
5. Aux termes de l'article 1495 du code général des impôts, pour l'évaluation des propriétés bâties : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes du I de l'article 1509 du même code : " La valeur locative des propriétés non bâties établie en raison du revenu de ces propriétés résulte des tarifs fixés par nature de culture et de propriété (...) ".
6. Les dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts citées au point 2 ont pour objet d'assujettir à la taxe foncière sur les propriétés bâties les terrains non cultivés productifs de revenus spécifiques à raison de leur usage commercial ou industriel. Le législateur a ainsi entendu asseoir l'impôt sur une valeur locative calculée, conformément aux dispositions de l'article 1495 du même code, citées au point 5, à partir notamment de leur état et de leur affectation, afin de prendre en considération les revenus spécifiques que ces immeubles, quoique non bâtis, sont en mesure de produire. Il existe, au regard de la loi fiscale, une différence de situation entre les terrains exploités à des fins commerciales ou industrielles et les autres terrains, dès lors que ces derniers sont insusceptibles de produire des revenus spécifiques, l'assiette de la taxe à laquelle ils sont assujettis étant alors calculée sur la base d'une valeur locative qui ne prend en considération que les revenus nets théoriques établis par tarif en fonction de leur nature et de leur localisation, en vertu des dispositions de l'article 1509 du code général des impôts. La différence de traitement établie par les dispositions contestées entre les terrains de golf à usage commercial et les terrains de golf à usage privé, qui repose sur des critères objectifs et rationnels, est en rapport direct avec l'objet de la loi qui est, ainsi qu'il a été dit, d'imposer différemment les terrains selon que leur usage est productif de revenus spécifiques ou non. Dès lors, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ne présente pas un caractère sérieux.
7. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le 5° de l'article 1381 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 1884 portant fixation du budget des recettes pour l'exercice 1885, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SCI Les Amis de Montpensier.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SCI Les Amis de Montpensier et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.