Conseil d'État
N° 404651
ECLI:FR:CECHR:2018:404651.20180627
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Sylvain Monteillet, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du mercredi 27 juin 2018
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés le 24 octobre 2016, les 24 janvier et 13 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Groupe Lactalis demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1137 du 19 août 2016 relatif à l'indication de l'origine du lait et du lait et des viandes utilisés en tant qu'ingrédient.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;
- l'accord instituant l'organisation mondiale du commerce signé à Marrakech le 15 avril 1994 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 modifié ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 1101/2014 de la Commission du 16 octobre 2014 modifiant l'annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun ;
- la directive (UE) n° 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;
- le code de la consommation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Groupe Lactalis ;
Considérant ce qui suit :
1. Par décret du 19 août 2016, le Premier ministre a rendu obligatoire à titre expérimental, du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018, l'indication de l'origine du lait ainsi que du lait et des viandes utilisés en tant qu'ingrédient dans des denrées préemballées. Au regard des moyens qu'elle soulève, la société Lactalis doit être regardée comme demandant l'annulation de ce décret en tant seulement qu'il concerne le lait ainsi que le lait utilisé en tant qu'ingrédient.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation :
2. Les dispositions du décret attaqué régissent les modalités d'étiquetage de l'origine du lait ainsi que du lait et des viandes utilisés en tant qu'ingrédient, précisent le champ d'application géographique et matérielle de cette obligation et prévoient un dispositif de contrôle et de sanctions. L'article 3 de ce décret précise que l'indication de l'origine implique la mention du pays de collecte et du pays de conditionnement ou de transformation et que lorsque la collecte, le conditionnement et la transformation ont lieu dans le même pays, seule la mention de celui-ci peut apparaître. Ce même article prévoit en outre que, par dérogation, lorsque le lait ou le lait utilisé en tant qu'ingrédient dans les produits laitiers a été collecté, conditionné ou transformé dans un seul ou plusieurs Etats membres de l'Union européenne, la mention de l'origine peut apparaître sous la forme : " Origine : UE " et lorsqu'il a été collecté, conditionné ou transformé dans un seul ou plusieurs Etats non membres de l'Union européenne, cette mention peut apparaître sous la forme : " Origine : Hors UE ". L'article 4 du décret dispose également que lorsque l'indication de l'origine conduit à indiquer plusieurs Etats membres, la mention du nom de ces pays peut être remplacée par la mention " UE " ou, lorsqu'elle conduit à indiquer plusieurs Etats non membres de l'Union, par la mention " hors UE ". Enfin, lorsque l'indication de l'origine conduit à mentionner à la fois des pays membres de l'Union et des pays non membres, l'indication de ceux-ci peut être remplacée par la mention " UE ou hors UE ".
3. En dehors des dispositions du 3° du I de l'article 1er, de l'article 2, des articles 4, 5 et 8 en tant qu'ils renvoient à l'article 2, des articles 6 à 11 en tant qu'ils s'appliquent aux viandes et du I de l'annexe du décret, la société Lactalis est recevable à demander l'annulation des dispositions du décret en tant qu'elles concernent le lait. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la société Lactalis n'est recevable qu'à demander l'annulation des dispositions du 1° et 2° de l'article 1er ainsi que de l'article 3 et du II de l'annexe du décret qui sont propres au lait et au lait utilisé en tant qu'ingrédient.
Sur la légalité externe :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 45 du règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 modifié concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires : " 1. Dans le cas où il est fait référence au présent article, l'État membre qui juge nécessaire d'arrêter une nouvelle législation concernant l'information sur les denrées alimentaires notifie au préalable à la Commission et aux autres États membres les mesures envisagées, en précisant les motifs qui les justifient. / 2. La Commission consulte le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale institué par l'article 58, paragraphe 1, du règlement (CE) no 178/2002, lorsqu'elle juge cette consultation utile ou lorsqu'un État membre en fait la demande. Dans ce cas, la Commission veille à ce que cette procédure soit transparente aux yeux de toutes les parties prenantes. / (...) / 5. La directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information ne s'applique pas aux mesures relevant de la procédure de notification prévue au présent article ".
5. Aux termes de l'article L. 412-4 du code de la consommation : " Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d'indication de l'origine des denrées alimentaires, l'indication du pays d'origine est obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l'état brut ou transformé. / La liste des produits concernés et les modalités d'application de l'indication de l'origine mentionnée au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d'Etat après que la Commission européenne a déclaré compatible avec le droit de l'Union européenne l'obligation prévue au présent article ".
6. D'une part, si la requérante soutient que la notification à la Commission européenne et la consultation du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale a porté sur un projet de décret ne correspondant pas aux dispositions finalement adoptées, il ressort des pièces du dossier que les modifications apportées à ce projet après l'avis rendu par la Commission européenne sur les mesures envisagées n'ont pas soulevé de questions nouvelles. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que la Commission européenne n'aurait pas été mise en mesure de donner son avis sur l'ensemble de ses dispositions, doit être écarté.
7. D'autre part, il résulte des termes mêmes du 5 de l'article 45 du règlement du 25 octobre 2011 que la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998, qui a été abrogée et remplacée par la directive (UE) n° 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015, ne s'applique pas aux mesures notifiées en vertu de cet article 45. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait la procédure de notification requise par la directive du 9 septembre 2015 ne peut qu'être écarté.
8. En second lieu, aux termes du 2.9 de l'article 2 de l'accord sur les obstacles techniques au commerce figurant à l'annexe 1A de l'accord instituant l'organisation mondiale du commerce signé à Marrakech le 15 avril 1994: " Chaque fois qu'il n'existera pas de normes internationales pertinentes, ou que la teneur technique d'un règlement technique projeté ne sera pas conforme à celle des normes internationales pertinentes, et si le règlement technique peut avoir un effet notable sur le commerce d'autres Membres, les Membres : / 2.9.1 feront paraître dans une publication, assez tôt pour permettre aux parties intéressées dans d'autres Membres d'en prendre connaissance, un avis selon lequel ils projettent d'adopter un règlement technique déterminé ; / 2.9.2 notifieront aux autres Membres, par l'intermédiaire du Secrétariat, les produits qui seront visés par le règlement technique projeté, en indiquant brièvement son objectif et sa raison d'être. Ces notifications seront faites assez tôt, lorsque des modifications pourront encore être apportées et que les observations pourront encore être prises en compte ; / 2.9.3 fourniront, sur demande, aux autres Membres des détails sur le règlement technique projeté ou le texte de ce projet et, chaque fois que cela sera possible, identifieront les éléments qui diffèrent en substance des normes internationales pertinentes ; / 2.9.4 ménageront, sans discrimination, un délai raisonnable aux autres Membres pour leur permettre de présenter leurs observations par écrit, discuteront de ces observations si demande leur en est faite, et tiendront compte de ces observations écrites et des résultats de ces discussions ". Aux termes de l'article 13 du même accord : " 13.1 Un Comité des obstacles techniques au commerce est institué ; il sera composé de représentants de chacun des Membres. Le Comité élira son Président ; il se réunira selon qu'il sera nécessaire, mais au moins une fois l'an, pour donner aux Membres la possibilité de procéder à des consultations sur toute question concernant le fonctionnement du présent accord ou la réalisation de ses objectifs et il exercera les attributions qui lui seront confiées en vertu du présent accord ou par les Membres. / 13.2. Le Comité instituera des groupes de travail ou autres organes appropriés, qui exerceront les attributions qui pourront leur être confiées par le Comité conformément aux dispositions pertinentes du présent accord. / 13.3. Il est entendu qu'il conviendrait d'éviter toute duplication non nécessaire entre les travaux entrepris, d'une part en vertu du présent accord, et d'autre part, par les gouvernements, dans d'autres organismes techniques. Le Comité examinera ce problème en vue de réduire au minimum toute duplication ".
9. Ces stipulations, qui ne produisent pas d'effet direct à l'égard d'autres personnes que l'Etat dans l'ordre juridique interne, ne peuvent être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une décision individuelle ou réglementaire. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait dû être préalablement notifié aux membres de l'organisation mondiale du commerce ou au comité des obstacles techniques au commerce ne peut, par suite, qu'être écarté.
Sur la légalité interne :
10. Aux termes de l'article 26 du règlement du 25 octobre 2011 : " 2. L'indication du pays d'origine ou du lieu de provenance est obligatoire : / a) dans les cas où son omission serait susceptible d'induire en erreur les consommateurs sur le pays d'origine ou le lieu de provenance réel de la denrée alimentaire, en particulier si les informations jointes à la denrée ou l'étiquette dans son ensemble peuvent laisser penser que la denrée a un pays d'origine ou un lieu de provenance différent ; (...) / 5. Au plus tard le 13 décembre 2014, la Commission présente des rapports au Parlement européen et au Conseil concernant l'indication obligatoire du pays d'origine ou du lieu de provenance pour les denrées suivantes : (...) / b) le lait ; / c) le lait utilisé comme ingrédient dans les produits laitiers ; (...)/ 7. Les rapports visés aux paragraphes 5 et 6 tiennent compte de la nécessité d'informer les consommateurs de la faisabilité de fournir l'indication obligatoire du pays d'origine ou du lieu de provenance et d'une analyse des coûts et des avantages de l'introduction de telles mesures, y compris les incidences juridiques sur le marché intérieur et l'impact sur le commerce international. / La Commission peut accompagner ces rapports de propositions de modification des dispositions pertinentes de la législation de l'Union (...) ". Aux termes de l'article 38 du même règlement: " 1. Pour ce qui concerne les questions expressément harmonisées par le présent règlement, les États membres ne peuvent ni adopter ni conserver des mesures nationales, sauf si le droit de l'Union l'autorise. Ces mesures nationales ne peuvent entraver la libre circulation des marchandises, notamment donner lieu à une discrimination à l'encontre de denrées alimentaires provenant d'autres États membres. / 2. Sans préjudice de l'article 39, les États membres peuvent adopter des dispositions nationales concernant des questions qui ne sont pas expressément harmonisées par le présent règlement, pour autant que ces mesures n'aient pas pour effet d'interdire, d'entraver ou de restreindre la libre circulation des marchandises qui sont conformes au présent règlement ". Aux termes de l'article 39 du même règlement: " 1. Outre les mentions obligatoires visées à l'article 9, paragraphe 1, et à l'article 10, les États membres peuvent, conformément à la procédure établie à l'article 45, adopter des mesures exigeant des mentions obligatoires complémentaires, pour des types ou catégories spécifiques de denrées alimentaires, justifiées par au moins une des raisons suivantes : / a) protection de la santé publique ; / b) protection des consommateurs ; / c) répression des tromperies ; / d) protection de la propriété industrielle et commerciale, des indications de provenance ou des appellations d'origine enregistrées, et répression de la concurrence déloyale. / 2. En application du paragraphe 1, les États membres ne peuvent introduire des mesures concernant l'indication obligatoire du pays d'origine ou du lieu de provenance des denrées alimentaires que s'il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance. Lorsqu'ils communiquent ces mesures à la Commission, les États membres apportent la preuve que la majorité des consommateurs attachent une importance significative à cette information ".
11. La société requérante soutient, à titre principal, qu'au regard des dispositions combinées des articles 26 et 38 du règlement du 25 octobre 2011, le décret attaqué ne pouvait imposer, en matière d'étiquetage, de mentionner, à titre d'indication obligatoire, le pays d'origine ou le lieu de provenance du lait et du lait utilisé comme ingrédient dans certains produits laitiers et, à titre subsidiaire, qu'à supposer que le décret puisse être regardé comme étant pris pour l'application de l'article 39 du même règlement, il ne satisfait pas à la condition posée par le second paragraphe de celui-ci, qui est relative à l'existence d'un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance.
12. La réponse à ce double moyen, à la lumière des débats ayant eu lieu lors de l'audience d'instruction tenue le 19 janvier 2018, dépend de la question de savoir si les dispositions de l'article 26 du règlement n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 qui prévoit notamment que la Commission présente des rapports au Parlement européen et au Conseil concernant l'indication obligatoire du pays d'origine ou du lieu de provenance pour ce qui concerne le lait et le lait utilisé en tant qu'ingrédient, doit être regardé comme ayant expressément harmonisé cette question au sens du 1 de l'article 38 du même règlement et s'il fait obstacle à la faculté pour les Etats membres d'adopter des mesures exigeant des mentions obligatoires complémentaires sur le fondement de l'article 39 de ce règlement. Dans le cas où les mesures nationales seraient justifiées par la protection des consommateurs au regard du 1 de l'article 39, se pose également la question de savoir si les deux critères prévus au 2 de cet article s'agissant, d'une part, du lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance et, d'autre part, la preuve que la majorité des consommateurs attache une importante significative à cette information doivent être lus de façon combinée, et notamment si l'appréciation du lien avéré peut être fondée sur des éléments seulement subjectifs tenant à l'importance de l'association que les consommateurs peuvent majoritairement faire entre les propriétés d'une denrée et son origine ou sa provenance. En outre, se pose la question de savoir, dans la mesure où les propriétés de la denrée paraissent pouvoir s'entendre de tous les éléments qui participent de la qualité de la denrée, si les considérations liées à la capacité de résistance de la denrée aux transports et aux risques de son altération durant un trajet peuvent intervenir pour apprécier l'existence d'un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance pour l'application du 2 de l'article 39. Se pose enfin la question de savoir si l'appréciation des conditions posées à l'article 39 suppose de regarder les propriétés d'une denrée comme étant uniques du fait de son origine ou de sa provenance ou comme étant garanties du fait de cette origine ou de cette provenance et, dans ce dernier cas, nonobstant l'harmonisation des normes sanitaires et environnementales applicables au sein de l'Union européenne, si la mention de l'origine ou de la provenance peut être plus précise qu'une mention sous la forme " UE " ou " hors UE " .
13. Ces questions, qui sont déterminantes pour la solution du litige, présentent une difficulté sérieuse. Par suite, il y a lieu, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur la requête présentée par la société Groupe Lactalis.
D E C I D E :
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Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par la société Groupe Lactalis jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :
- L'article 26 du règlement n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, qui prévoit notamment que la Commission présente des rapports au Parlement européen et au Conseil concernant l'indication obligatoire du pays d'origine ou du lieu de provenance pour ce qui concerne le lait et le lait utilisé en tant qu'ingrédient, doit-il être regardé comme ayant expressément harmonisé cette question au sens du 1 de l'article 38 du même règlement et fait-il obstacle à la faculté pour les Etats membres d'adopter des mesures exigeant des mentions obligatoires complémentaires sur le fondement de l'article 39 de ce règlement '
- Dans le cas où les mesures nationales seraient justifiées par la protection des consommateurs au regard du 1 de l'article 39, les deux critères prévus au 2 de cet article s'agissant, d'une part, du lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance et, d'autre part, la preuve que la majorité des consommateurs attache une importante significative à cette information doivent-ils être lus de façon combinée et, notamment, l'appréciation du lien avéré peut-elle être fondée sur des éléments seulement subjectifs tenant à l'importance de l'association que les consommateurs peuvent majoritairement faire entre les propriétés d'une denrée et son origine ou sa provenance '
- Dans la mesure où les propriétés de la denrée paraissent pouvoir s'entendre de tous les éléments qui participent de la qualité de la denrée, les considérations liées à la capacité de résistance de la denrée aux transports et aux risques de son altération durant un trajet peuvent-elles intervenir pour apprécier l'existence d'un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance pour l'application du 2 de l'article 39 '
- L'appréciation des conditions posées à l'article 39 suppose-t-elle de regarder les propriétés d'une denrée comme étant uniques du fait de son origine ou de sa provenance ou comme étant garanties du fait de cette origine ou de cette provenance et, dans ce dernier cas, nonobstant l'harmonisation des normes sanitaires et environnementales applicables au sein de l'Union européenne, la mention de l'origine ou de la provenance peut-elle être plus précise qu'une mention sous la forme " UE " ou " hors UE " '
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Groupe Lactalis, au Premier ministre, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à la Garde des Sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'économie et des finances.
N° 404651
ECLI:FR:CECHR:2018:404651.20180627
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Sylvain Monteillet, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du mercredi 27 juin 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés le 24 octobre 2016, les 24 janvier et 13 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Groupe Lactalis demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1137 du 19 août 2016 relatif à l'indication de l'origine du lait et du lait et des viandes utilisés en tant qu'ingrédient.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;
- l'accord instituant l'organisation mondiale du commerce signé à Marrakech le 15 avril 1994 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 modifié ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 1101/2014 de la Commission du 16 octobre 2014 modifiant l'annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun ;
- la directive (UE) n° 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;
- le code de la consommation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Groupe Lactalis ;
Considérant ce qui suit :
1. Par décret du 19 août 2016, le Premier ministre a rendu obligatoire à titre expérimental, du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018, l'indication de l'origine du lait ainsi que du lait et des viandes utilisés en tant qu'ingrédient dans des denrées préemballées. Au regard des moyens qu'elle soulève, la société Lactalis doit être regardée comme demandant l'annulation de ce décret en tant seulement qu'il concerne le lait ainsi que le lait utilisé en tant qu'ingrédient.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation :
2. Les dispositions du décret attaqué régissent les modalités d'étiquetage de l'origine du lait ainsi que du lait et des viandes utilisés en tant qu'ingrédient, précisent le champ d'application géographique et matérielle de cette obligation et prévoient un dispositif de contrôle et de sanctions. L'article 3 de ce décret précise que l'indication de l'origine implique la mention du pays de collecte et du pays de conditionnement ou de transformation et que lorsque la collecte, le conditionnement et la transformation ont lieu dans le même pays, seule la mention de celui-ci peut apparaître. Ce même article prévoit en outre que, par dérogation, lorsque le lait ou le lait utilisé en tant qu'ingrédient dans les produits laitiers a été collecté, conditionné ou transformé dans un seul ou plusieurs Etats membres de l'Union européenne, la mention de l'origine peut apparaître sous la forme : " Origine : UE " et lorsqu'il a été collecté, conditionné ou transformé dans un seul ou plusieurs Etats non membres de l'Union européenne, cette mention peut apparaître sous la forme : " Origine : Hors UE ". L'article 4 du décret dispose également que lorsque l'indication de l'origine conduit à indiquer plusieurs Etats membres, la mention du nom de ces pays peut être remplacée par la mention " UE " ou, lorsqu'elle conduit à indiquer plusieurs Etats non membres de l'Union, par la mention " hors UE ". Enfin, lorsque l'indication de l'origine conduit à mentionner à la fois des pays membres de l'Union et des pays non membres, l'indication de ceux-ci peut être remplacée par la mention " UE ou hors UE ".
3. En dehors des dispositions du 3° du I de l'article 1er, de l'article 2, des articles 4, 5 et 8 en tant qu'ils renvoient à l'article 2, des articles 6 à 11 en tant qu'ils s'appliquent aux viandes et du I de l'annexe du décret, la société Lactalis est recevable à demander l'annulation des dispositions du décret en tant qu'elles concernent le lait. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la société Lactalis n'est recevable qu'à demander l'annulation des dispositions du 1° et 2° de l'article 1er ainsi que de l'article 3 et du II de l'annexe du décret qui sont propres au lait et au lait utilisé en tant qu'ingrédient.
Sur la légalité externe :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 45 du règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 modifié concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires : " 1. Dans le cas où il est fait référence au présent article, l'État membre qui juge nécessaire d'arrêter une nouvelle législation concernant l'information sur les denrées alimentaires notifie au préalable à la Commission et aux autres États membres les mesures envisagées, en précisant les motifs qui les justifient. / 2. La Commission consulte le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale institué par l'article 58, paragraphe 1, du règlement (CE) no 178/2002, lorsqu'elle juge cette consultation utile ou lorsqu'un État membre en fait la demande. Dans ce cas, la Commission veille à ce que cette procédure soit transparente aux yeux de toutes les parties prenantes. / (...) / 5. La directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information ne s'applique pas aux mesures relevant de la procédure de notification prévue au présent article ".
5. Aux termes de l'article L. 412-4 du code de la consommation : " Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d'indication de l'origine des denrées alimentaires, l'indication du pays d'origine est obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l'état brut ou transformé. / La liste des produits concernés et les modalités d'application de l'indication de l'origine mentionnée au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d'Etat après que la Commission européenne a déclaré compatible avec le droit de l'Union européenne l'obligation prévue au présent article ".
6. D'une part, si la requérante soutient que la notification à la Commission européenne et la consultation du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale a porté sur un projet de décret ne correspondant pas aux dispositions finalement adoptées, il ressort des pièces du dossier que les modifications apportées à ce projet après l'avis rendu par la Commission européenne sur les mesures envisagées n'ont pas soulevé de questions nouvelles. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que la Commission européenne n'aurait pas été mise en mesure de donner son avis sur l'ensemble de ses dispositions, doit être écarté.
7. D'autre part, il résulte des termes mêmes du 5 de l'article 45 du règlement du 25 octobre 2011 que la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998, qui a été abrogée et remplacée par la directive (UE) n° 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015, ne s'applique pas aux mesures notifiées en vertu de cet article 45. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait la procédure de notification requise par la directive du 9 septembre 2015 ne peut qu'être écarté.
8. En second lieu, aux termes du 2.9 de l'article 2 de l'accord sur les obstacles techniques au commerce figurant à l'annexe 1A de l'accord instituant l'organisation mondiale du commerce signé à Marrakech le 15 avril 1994: " Chaque fois qu'il n'existera pas de normes internationales pertinentes, ou que la teneur technique d'un règlement technique projeté ne sera pas conforme à celle des normes internationales pertinentes, et si le règlement technique peut avoir un effet notable sur le commerce d'autres Membres, les Membres : / 2.9.1 feront paraître dans une publication, assez tôt pour permettre aux parties intéressées dans d'autres Membres d'en prendre connaissance, un avis selon lequel ils projettent d'adopter un règlement technique déterminé ; / 2.9.2 notifieront aux autres Membres, par l'intermédiaire du Secrétariat, les produits qui seront visés par le règlement technique projeté, en indiquant brièvement son objectif et sa raison d'être. Ces notifications seront faites assez tôt, lorsque des modifications pourront encore être apportées et que les observations pourront encore être prises en compte ; / 2.9.3 fourniront, sur demande, aux autres Membres des détails sur le règlement technique projeté ou le texte de ce projet et, chaque fois que cela sera possible, identifieront les éléments qui diffèrent en substance des normes internationales pertinentes ; / 2.9.4 ménageront, sans discrimination, un délai raisonnable aux autres Membres pour leur permettre de présenter leurs observations par écrit, discuteront de ces observations si demande leur en est faite, et tiendront compte de ces observations écrites et des résultats de ces discussions ". Aux termes de l'article 13 du même accord : " 13.1 Un Comité des obstacles techniques au commerce est institué ; il sera composé de représentants de chacun des Membres. Le Comité élira son Président ; il se réunira selon qu'il sera nécessaire, mais au moins une fois l'an, pour donner aux Membres la possibilité de procéder à des consultations sur toute question concernant le fonctionnement du présent accord ou la réalisation de ses objectifs et il exercera les attributions qui lui seront confiées en vertu du présent accord ou par les Membres. / 13.2. Le Comité instituera des groupes de travail ou autres organes appropriés, qui exerceront les attributions qui pourront leur être confiées par le Comité conformément aux dispositions pertinentes du présent accord. / 13.3. Il est entendu qu'il conviendrait d'éviter toute duplication non nécessaire entre les travaux entrepris, d'une part en vertu du présent accord, et d'autre part, par les gouvernements, dans d'autres organismes techniques. Le Comité examinera ce problème en vue de réduire au minimum toute duplication ".
9. Ces stipulations, qui ne produisent pas d'effet direct à l'égard d'autres personnes que l'Etat dans l'ordre juridique interne, ne peuvent être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une décision individuelle ou réglementaire. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait dû être préalablement notifié aux membres de l'organisation mondiale du commerce ou au comité des obstacles techniques au commerce ne peut, par suite, qu'être écarté.
Sur la légalité interne :
10. Aux termes de l'article 26 du règlement du 25 octobre 2011 : " 2. L'indication du pays d'origine ou du lieu de provenance est obligatoire : / a) dans les cas où son omission serait susceptible d'induire en erreur les consommateurs sur le pays d'origine ou le lieu de provenance réel de la denrée alimentaire, en particulier si les informations jointes à la denrée ou l'étiquette dans son ensemble peuvent laisser penser que la denrée a un pays d'origine ou un lieu de provenance différent ; (...) / 5. Au plus tard le 13 décembre 2014, la Commission présente des rapports au Parlement européen et au Conseil concernant l'indication obligatoire du pays d'origine ou du lieu de provenance pour les denrées suivantes : (...) / b) le lait ; / c) le lait utilisé comme ingrédient dans les produits laitiers ; (...)/ 7. Les rapports visés aux paragraphes 5 et 6 tiennent compte de la nécessité d'informer les consommateurs de la faisabilité de fournir l'indication obligatoire du pays d'origine ou du lieu de provenance et d'une analyse des coûts et des avantages de l'introduction de telles mesures, y compris les incidences juridiques sur le marché intérieur et l'impact sur le commerce international. / La Commission peut accompagner ces rapports de propositions de modification des dispositions pertinentes de la législation de l'Union (...) ". Aux termes de l'article 38 du même règlement: " 1. Pour ce qui concerne les questions expressément harmonisées par le présent règlement, les États membres ne peuvent ni adopter ni conserver des mesures nationales, sauf si le droit de l'Union l'autorise. Ces mesures nationales ne peuvent entraver la libre circulation des marchandises, notamment donner lieu à une discrimination à l'encontre de denrées alimentaires provenant d'autres États membres. / 2. Sans préjudice de l'article 39, les États membres peuvent adopter des dispositions nationales concernant des questions qui ne sont pas expressément harmonisées par le présent règlement, pour autant que ces mesures n'aient pas pour effet d'interdire, d'entraver ou de restreindre la libre circulation des marchandises qui sont conformes au présent règlement ". Aux termes de l'article 39 du même règlement: " 1. Outre les mentions obligatoires visées à l'article 9, paragraphe 1, et à l'article 10, les États membres peuvent, conformément à la procédure établie à l'article 45, adopter des mesures exigeant des mentions obligatoires complémentaires, pour des types ou catégories spécifiques de denrées alimentaires, justifiées par au moins une des raisons suivantes : / a) protection de la santé publique ; / b) protection des consommateurs ; / c) répression des tromperies ; / d) protection de la propriété industrielle et commerciale, des indications de provenance ou des appellations d'origine enregistrées, et répression de la concurrence déloyale. / 2. En application du paragraphe 1, les États membres ne peuvent introduire des mesures concernant l'indication obligatoire du pays d'origine ou du lieu de provenance des denrées alimentaires que s'il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance. Lorsqu'ils communiquent ces mesures à la Commission, les États membres apportent la preuve que la majorité des consommateurs attachent une importance significative à cette information ".
11. La société requérante soutient, à titre principal, qu'au regard des dispositions combinées des articles 26 et 38 du règlement du 25 octobre 2011, le décret attaqué ne pouvait imposer, en matière d'étiquetage, de mentionner, à titre d'indication obligatoire, le pays d'origine ou le lieu de provenance du lait et du lait utilisé comme ingrédient dans certains produits laitiers et, à titre subsidiaire, qu'à supposer que le décret puisse être regardé comme étant pris pour l'application de l'article 39 du même règlement, il ne satisfait pas à la condition posée par le second paragraphe de celui-ci, qui est relative à l'existence d'un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance.
12. La réponse à ce double moyen, à la lumière des débats ayant eu lieu lors de l'audience d'instruction tenue le 19 janvier 2018, dépend de la question de savoir si les dispositions de l'article 26 du règlement n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 qui prévoit notamment que la Commission présente des rapports au Parlement européen et au Conseil concernant l'indication obligatoire du pays d'origine ou du lieu de provenance pour ce qui concerne le lait et le lait utilisé en tant qu'ingrédient, doit être regardé comme ayant expressément harmonisé cette question au sens du 1 de l'article 38 du même règlement et s'il fait obstacle à la faculté pour les Etats membres d'adopter des mesures exigeant des mentions obligatoires complémentaires sur le fondement de l'article 39 de ce règlement. Dans le cas où les mesures nationales seraient justifiées par la protection des consommateurs au regard du 1 de l'article 39, se pose également la question de savoir si les deux critères prévus au 2 de cet article s'agissant, d'une part, du lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance et, d'autre part, la preuve que la majorité des consommateurs attache une importante significative à cette information doivent être lus de façon combinée, et notamment si l'appréciation du lien avéré peut être fondée sur des éléments seulement subjectifs tenant à l'importance de l'association que les consommateurs peuvent majoritairement faire entre les propriétés d'une denrée et son origine ou sa provenance. En outre, se pose la question de savoir, dans la mesure où les propriétés de la denrée paraissent pouvoir s'entendre de tous les éléments qui participent de la qualité de la denrée, si les considérations liées à la capacité de résistance de la denrée aux transports et aux risques de son altération durant un trajet peuvent intervenir pour apprécier l'existence d'un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance pour l'application du 2 de l'article 39. Se pose enfin la question de savoir si l'appréciation des conditions posées à l'article 39 suppose de regarder les propriétés d'une denrée comme étant uniques du fait de son origine ou de sa provenance ou comme étant garanties du fait de cette origine ou de cette provenance et, dans ce dernier cas, nonobstant l'harmonisation des normes sanitaires et environnementales applicables au sein de l'Union européenne, si la mention de l'origine ou de la provenance peut être plus précise qu'une mention sous la forme " UE " ou " hors UE " .
13. Ces questions, qui sont déterminantes pour la solution du litige, présentent une difficulté sérieuse. Par suite, il y a lieu, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur la requête présentée par la société Groupe Lactalis.
D E C I D E :
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Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par la société Groupe Lactalis jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :
- L'article 26 du règlement n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, qui prévoit notamment que la Commission présente des rapports au Parlement européen et au Conseil concernant l'indication obligatoire du pays d'origine ou du lieu de provenance pour ce qui concerne le lait et le lait utilisé en tant qu'ingrédient, doit-il être regardé comme ayant expressément harmonisé cette question au sens du 1 de l'article 38 du même règlement et fait-il obstacle à la faculté pour les Etats membres d'adopter des mesures exigeant des mentions obligatoires complémentaires sur le fondement de l'article 39 de ce règlement '
- Dans le cas où les mesures nationales seraient justifiées par la protection des consommateurs au regard du 1 de l'article 39, les deux critères prévus au 2 de cet article s'agissant, d'une part, du lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance et, d'autre part, la preuve que la majorité des consommateurs attache une importante significative à cette information doivent-ils être lus de façon combinée et, notamment, l'appréciation du lien avéré peut-elle être fondée sur des éléments seulement subjectifs tenant à l'importance de l'association que les consommateurs peuvent majoritairement faire entre les propriétés d'une denrée et son origine ou sa provenance '
- Dans la mesure où les propriétés de la denrée paraissent pouvoir s'entendre de tous les éléments qui participent de la qualité de la denrée, les considérations liées à la capacité de résistance de la denrée aux transports et aux risques de son altération durant un trajet peuvent-elles intervenir pour apprécier l'existence d'un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance pour l'application du 2 de l'article 39 '
- L'appréciation des conditions posées à l'article 39 suppose-t-elle de regarder les propriétés d'une denrée comme étant uniques du fait de son origine ou de sa provenance ou comme étant garanties du fait de cette origine ou de cette provenance et, dans ce dernier cas, nonobstant l'harmonisation des normes sanitaires et environnementales applicables au sein de l'Union européenne, la mention de l'origine ou de la provenance peut-elle être plus précise qu'une mention sous la forme " UE " ou " hors UE " '
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Groupe Lactalis, au Premier ministre, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à la Garde des Sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'économie et des finances.