Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 380091, lecture du 18 juillet 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:380091.20180718

Décision n° 380091
18 juillet 2018
Conseil d'État

N° 380091
ECLI:FR:CECHR:2018:380091.20180718
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public


Lecture du mercredi 18 juillet 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une décision du 15 avril 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur les requêtes présentées par les sociétés ENI SpA et Eni Gas et Power France SA, d'une part, et l'Union professionnelle des industries privées du gaz (Uprigaz), d'autre part, tendant notamment à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2014-328 du 12 mars 2014 modifiant le décret n° 2006-1034 du 21 août 2006 relatif à l'accès aux stockages souterrains de gaz naturel, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :
- le paragraphe 2 de l'article 8 du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 doit-il être interprété en ce sens qu'il fait obstacle à ce qu'un Etat membre impose aux fournisseurs de gaz naturel des obligations supplémentaires résultant de l'inclusion parmi les " clients protégés ", dont la consommation contribue à définir le périmètre des obligations de stockage visant à assurer la continuité de l'approvisionnement, de clients qui ne sont pas mentionnés au paragraphe 1 de l'article 2 de ce même règlement '
- le paragraphe 5 de l'article 8 du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 doit-il être interprété en ce sens qu'il fait obstacle à ce qu'un Etat membre impose aux fournisseurs de gaz naturel des obligations portant sur les volumes de gaz stockés et les débits de soutirage assortis, ainsi que sur la détention de capacités de stockage acquises au titre des droits correspondant à l'obligation de détention des stocks sur le territoire de cet Etat membre, tout en prévoyant que le ministre, dans son appréciation des capacités de stockage détenues par un fournisseur, tient compte des autres instruments de modulation dont celui-ci dispose '

Par un arrêt du 20 décembre 2017 (C-226/16), la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur ces questions.

Par trois nouveaux mémoires, enregistrés le 30 mars 2016 et les 8 février et 29 juin 2018, les sociétés Storengy et TIGF (devenue Teréga) reprennent les conclusions et les moyens de leur intervention. Elles soutiennent en outre que :
- une annulation contentieuse du décret attaqué emporterait des conséquences manifestement excessives qui justifieraient une modulation de ses effets dans le temps en application de la décision du Conseil d'Etat du 11 mai 2004, n° 255886, Association AC ! ;
- l'arrêt du 20 décembre 2017 confirme la conformité du décret attaqué au règlement n° 994/2010.

Par deux nouveaux mémoires en défense, enregistrés le 15 mai 2018, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet des requêtes par les mêmes moyens. Il soutient en outre que le décret attaqué respecte les conditions fixées au paragraphe 2 de l'article 8 du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 et permet de satisfaire les obligations de stockage des fournisseurs par le biais de stocks de gaz situés au niveau régional ou au niveau de l'Union européenne conformément au paragraphe 5 de ce même article 8.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 27 juin 2018, la société Eni SpA et la société Eni Gas et Power France SA reprennent les conclusions et les moyens de leur requête. Elles soutiennent en outre que :
- le décret attaqué ne satisfait ni à l'exigence de nécessité, ni à celle de proportionnalité, ni encore à celle de solidarité requises par le § 2 de l'article 8 du règlement (UE) n° 664/2010 ;
- l'obligation de stockage qui résulte du décret attaqué est contraire au § 5 de l'article 8 de ce même règlement ;
- les conditions fixées pour moduler dans le temps les effets d'une annulation contentieuse ne sont pas satisfaites.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 29 juin 2018, l'Union professionnelle des industries privées du Gaz (Uprigaz) reprend les conclusions et les moyens de sa requête. Elle soutient en outre que les conditions fixées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 20 décembre 2017 ne sont pas remplies par le décret attaqué.



....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier, y compris les pièces visées par la décision du Conseil d'Etat du 15 avril 2016 ;

Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;
- le règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 ;
- le code de l'énergie ;
- la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 ;
- le décret n° 2006-1034 du 21 août 2006 ;
- le décret n° 2015-1823 du 30 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juillet 2018, présentée par l'Uprigaz ;



Considérant ce qui suit :

1. Par les requêtes enregistrées respectivement sous les nos 380091 et 380336, les sociétés Eni SpA et Eni Gas et Power France SA, d'une part, et l'Union professionnelle des industries privées du gaz (Uprigaz), d'autre part, ont demandé l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 12 mars 2014 modifiant le décret n° 2006-1034 du 21 août 2006 relatif à l'accès aux stockages souterrains de gaz naturel ainsi que de l'arrêté du 11 mars 2014 modifiant l'arrêté du 7 février 2007 relatif aux profils et aux droits unitaires de stockage. Par une décision du 15 avril 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir écarté les autres moyens des requêtes, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur l'interprétation des paragraphes 2 et 5 de l'article 8 du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel et abrogeant la directive 2004/67/CE du Conseil. Par un arrêt du 20 décembre 2017 (C-226/16), la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur ces questions.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance par le décret attaqué du paragraphe 1 de l'article 2 et du paragraphe 2 de l'article 8 du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 :

2. D'une part, le point 1 du second alinéa de l'article 2 du règlement du Conseil du 20 octobre 2010 définit les " clients protégés " comme " tous les ménages qui sont connectés à un réseau de distribution de gaz " ainsi que, lorsque l'Etat membre le décide : " a) les petites et moyennes entreprises, pour autant qu'elles soient connectées à un réseau de distribution de gaz, et les services sociaux essentiels, pour autant qu'ils soient connectés à un réseau de distribution ou de transport de gaz, et que l'ensemble de ces clients supplémentaires ne représente pas plus de 20 % de la consommation finale de gaz; et/ou / b) les installations de chauffage urbain, dans la mesure où elles fournissent du chauffage aux ménages et aux clients visés au point a), pour autant que ces installations ne soient pas en mesure de passer à d'autres combustibles et qu'elles soient connectées à un réseau de distribution ou de transport de gaz./ (...) ". Les Etats membres qui entendent faire usage de cette faculté doivent le notifier à la Commission " dans les meilleurs délais, et au plus tard le 3 décembre 2011 ".

3. D'autre part, aux termes du paragraphe 2 de l'article 8 de ce même règlement : " (...) toute obligation supplémentaire imposée pour des raisons de sécurité de l'approvisionnement en gaz, repose sur l'évaluation des risques visée à l'article 9, figure dans le plan d'action préventif et : / a) est conforme à l'article 3, paragraphe 6 ; / b) ne fausse pas indûment la concurrence ou n'entrave pas le fonctionnement du marché intérieur du gaz naturel ; / c) ne porte pas préjudice à la capacité de tout autre Etat membre d'assurer l'approvisionnement de ses clients protégés conformément au présent article en cas d'urgence au niveau national, au niveau de l'Union ou au niveau régional ; et d) est conforme aux critères précisés à l'article 11, paragraphe 5, en cas d'urgence à l'échelle de l'Union ou au niveau régional. / Dans un esprit de solidarité, l'autorité compétente détermine, dans le plan d'action préventif et le plan d'urgence, la façon dont une norme d'approvisionnement renforcée ou une obligation supplémentaire imposée aux entreprises de gaz naturel peut être temporairement réduite en cas d'urgence au niveau de l'Union ou au niveau régional ". Aux termes du paragraphe 6 de l'article 3 de ce règlement : " Les mesures visant à garantir la sécurité de l'approvisionnement figurant dans les plans d'action préventifs et dans les plans d'urgence sont clairement définies, transparentes, proportionnées, non discriminatoires et contrôlables, sans fausser indûment la concurrence ni entraver le fonctionnement efficace du marché intérieur du gaz et sans compromettre la sécurité de l'approvisionnement en gaz d'autres Etats membres ou de l'Union dans son ensemble ". Aux termes du paragraphe 5 de l'article 11 de ce règlement : " Les Etats membres, et en particulier les autorités compétentes, veillent à ce que : / a) aucune mesure ne soit prise, à aucun moment, qui restreigne indûment le flux de gaz au sein du marché intérieur, notamment le flux de gaz à destination des marchés touchés ; / b) aucune mesure ne soit prise qui risque de compromettre gravement l'état de l'approvisionnement en gaz dans un autre Etat membre ; et / c) l'accès transfrontalier aux infrastructures, conformément au règlement (CE) n° 715/2009, soit maintenu autant que possible au regard des contraintes techniques et de sûreté, conformément au plan d'urgence ".

4. Enfin, conformément aux dispositions des articles L. 421-3 et L. 421-4 du code de l'énergie, dans leur rédaction applicable au litige, le décret attaqué inclut dans la définition nationale des " clients protégés " non seulement les clients domestiques, qui correspondent aux " ménages qui sont connectés à un réseau de distribution de gaz " mentionnés au paragraphe 1 de l'article 2 du règlement du 20 octobre 2010, et les clients non domestiques assurant des missions d'intérêt général liées à la satisfaction des besoins essentiels de la nation, mais aussi les clients non domestiques raccordés au réseau de distribution n'ayant pas accepté contractuellement une fourniture susceptible d'interruption, qui ne sont pas nécessairement des " petites et moyennes entreprises " mentionnées au a) du paragraphe 1 de l'article 2 du règlement du 20 octobre 2010.

5. Dans l'arrêt du 20 décembre 2017, par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 8, paragraphe 2, du règlement du 20 octobre 2010 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui impose aux fournisseurs de gaz naturel une obligation de stockage de gaz dont le champ d'application inclut des clients ne figurant pas parmi les clients protégés énumérés à l'article 2, second alinéa, point 1, de ce règlement, pourvu que les conditions prévues par la première de ces dispositions soient respectées.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'obligation supplémentaire mise à la charge des entreprises de gaz naturel et résultant de la définition élargie des clients protégés repose sur l'évaluation des risques affectant la sécurité d'approvisionnement en gaz de la France réalisée en application de l'article 9 du règlement du 20 octobre 2010 et figure dans le plan d'action préventif prévu à l'article 5 de ce même règlement, notifié à la Commission européenne le 24 avril 2013. Cette obligation est clairement énoncée dans des dispositions législatives et réglementaires, s'applique à l'ensemble des fournisseurs de gaz naturel et est justifiée, comme le précisent le plan d'action préventif et le plan d'urgence, par des raisons techniques et organisationnelles liées aux difficultés de mettre en place un dispositif fiable et contrôlable permettant d'identifier préalablement les sites raccordés aux réseaux de distribution par taille d'entreprise conformément à la définition retenue par le règlement et aux risques pesant sur l'approvisionnement de l'ensemble des consommateurs, y compris les ménages ou les services sociaux essentiels, en cas de délestages sélectifs. Par suite, conformément aux conditions fixées au paragraphe 6 de l'article 3 du règlement du 20 octobre 2010, cette obligation est clairement définie, transparente, proportionnée, non discriminatoire et contrôlable et elle ne peut être regardée comme faussant indûment la concurrence ou entravant le fonctionnement efficace du marché intérieur du gaz. Cette définition élargie des clients protégés ne compromet pas davantage la solidarité européenne et la coopération transfrontalière, dès lors que les autorités françaises ont prévu la possibilité d'adopter, de manière temporaire, des mesures d'assouplissement des obligations de service public en cas de déclenchement d'une urgence au niveau régional ou de l'Union européenne, comme indiqué dans le plan d'action préventif et selon les modalités précisées dans le plan d'urgence. Il suit de là que les conditions fixées au paragraphe 2 de l'article 8 du règlement du 20 octobre 2010 sont satisfaites. Il résulte, dès lors, de l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que les dispositions du décret attaqué, en tant qu'elles imposent aux fournisseurs de gaz naturel une obligation de stockage de gaz dont le champ d'application inclut des clients ne figurant pas parmi les clients protégés énumérés au point 1 du second alinéa de l'article 2 du règlement du 20 octobre 2010, ne méconnaissent pas le paragraphe 2 de l'article 8 de ce même règlement.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance par le décret attaqué du paragraphe 5 de l'article 8 du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 :

7. Aux termes du paragraphe 5 de l'article 8 du règlement du 20 octobre 2010 : " Les entreprises de gaz naturel sont autorisées à satisfaire à ces obligations au niveau régional ou au niveau de l'Union, le cas échéant. L'autorité compétente n'exige pas que les normes établies par le présent article soient respectées en tenant compte uniquement des infrastructures situées sur son territoire ".

8. Par l'arrêt du 20 décembre 2017, par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que ces dispositions doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale qui impose aux fournisseurs de gaz naturel de respecter leurs obligations de détenir des stocks de gaz en vue de garantir la sécurité de l'approvisionnement en cas de crise, nécessairement et exclusivement à travers des infrastructures situées sur le territoire national. La Cour a toutefois indiqué qu'il revenait à la juridiction de renvoi de vérifier si la faculté offerte par la réglementation nationale à l'autorité compétente de tenir compte des autres " instruments de modulation " dont disposent les fournisseurs concernés garantit à ceux-ci la possibilité effective de satisfaire à leurs obligations au niveau régional ou au niveau de l'Union européenne.

9. D'une part, aux termes de l'article L. 421-4 du code de l'énergie, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement : " Tout fournisseur doit détenir en France, à la date du 31 octobre de chaque année, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un mandataire, des stocks de gaz naturel suffisants, compte tenu de ses autres instruments de modulation, pour remplir pendant la période comprise entre le 1er novembre et le 31 mars ses obligations contractuelles d'alimentation directe ou indirecte de clients mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 421-3. Il déclare à l'autorité administrative les conditions dans lesquelles il respecte cette obligation. / En cas de manquement à l'obligation de détention prévue au premier alinéa, l'autorité administrative met en demeure le fournisseur ou son mandataire de satisfaire à celle-ci. Les personnes qui ne se conforment pas aux prescriptions de la mise en demeure sont passibles des sanctions prévues à l'article L. 443-12 et d'une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder le double de la valeur des stocks qui font défaut ".

10. D'autre part, dans sa rédaction issue de l'article 9 du décret attaqué, le I de l'article 12 du décret du 21 août 2006 relatif à l'accès aux stockages souterrains de gaz naturel, codifié à l'article R. 421-15 du code de l'énergie dans sa rédaction issue du décret du 30 décembre 2015 relatif à la codification de la partie réglementaire du code de l'énergie en vigueur jusqu'au 20 avril 2018, qui, pour l'application de ces dispositions, détermine le périmètre et l'étendue de cette obligation de stockage, dispose que : " Au 31 octobre de chaque année, les volumes de gaz stockés par un fournisseur et les débits de soutirage assortis ne peuvent être inférieurs à 80 % de la somme des droits de stockage en volume utile et en débit de soutirage (...) ". Aux termes de l'article 13 de ce même décret du 21 août 2006, également dans sa rédaction issue de l'article 9 du décret attaqué : " I. ' Chaque fournisseur qui alimente des clients mentionnés à l'article 3 adresse au ministre chargé de l'énergie, au plus tard le 1er mai de chaque année, une déclaration établissant qu'il est en mesure, d'une part, d'assurer l'approvisionnement de ses clients dans les conditions prévues à l'article 4 du décret n° 2004-251 du 19 mars 2004 et, d'autre part, de satisfaire à ses obligations de stocks et de détention de capacités de stockage définies aux I et II de l'article 12 du présent décret. (...)/ II. Au vu de cette déclaration, le ministre chargé de l'énergie peut, lorsqu'il estime que les capacités de stockage détenues par un fournisseur sont insuffisantes pour garantir le respect de l'obligation définie au I de l'article 12, le mettre en demeure de souscrire des capacités de stockage additionnelles, dans la limite de son droit d'accès à des capacités de stockage et en tenant compte des autres instruments de modulation dont il dispose (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'obligation de stockage qui s'impose aux fournisseurs de gaz naturel en vertu de l'article L. 421-4 du code de l'énergie est limitée, par le décret attaqué, à 80 % de la somme de leurs droits de stockage en volume utile et en débit de soutirage, d'autre part, que le ministre, pour apprécier le respect de cette obligation, tient compte des autres instruments de modulation dont dispose chaque fournisseur. Ces dispositions doivent être entendues, dans le respect des dispositions du paragraphe 5 de l'article 8 du règlement du 20 octobre 2010, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 20 décembre 2017, comme permettant aux fournisseurs de gaz naturel de justifier qu'ils satisfont à leurs obligations de stockage au niveau régional ou au niveau de l'Union européenne. Dès lors, les dispositions contestées n'ont pas pour objet et ne pourraient légalement avoir pour effet d'imposer aux fournisseurs de gaz naturel de respecter leurs obligations de détenir des stocks de gaz en vue de garantir la sécurité de l'approvisionnement en cas de crise, nécessairement et exclusivement à travers des infrastructures situées sur le territoire national. Il en résulte que les dispositions du décret attaqué, en tant qu'elles imposent aux fournisseurs de gaz naturel une obligation de stockage de gaz, ne méconnaissent pas le paragraphe 5 de l'article 8 du règlement du 20 octobre 2010.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret qu'elles attaquent.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en tout état de cause, de faire droit aux conclusions présentées, à ce titre, par les sociétés Storengy et Teréga (anciennement TIGF).


D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les requêtes des sociétés Eni SpA et Eni Gas et Power France SA et de l'Union professionnelle des industries privées du gaz sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par les sociétés Storengy et Teréga au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Eni SpA et Eni Gas et Power France SA, à l'Union professionnelle des industries privées du gaz, aux sociétés Storengy et Teréga, au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée à la Commission de régulation de l'énergie.