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Ariane Web: Conseil d'État 417526, lecture du 18 juillet 2018, ECLI:FR:Code Inconnu:2018:417526.20180718

Décision n° 417526
18 juillet 2018
Conseil d'État

N° 417526
ECLI:FR:CECHR:2018:417526.20180718
Inédit au recueil Lebon
4ème et 1ère chambres réunies
M. Olivier Fuchs, rapporteur
Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public
HAAS, avocats


Lecture du mercredi 18 juillet 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO) demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017 relatif à la procédure de reclassement interne sur le territoire national en cas de licenciements pour motif économique, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 4ème alinéa de l'article L. 1233-4 du code du travail.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Fuchs, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de la Confédération générale du travail ;



1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de cet article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'un licenciement pour motif économique est envisagé, il appartient à l'employeur de mener préalablement, au sein du périmètre qu'elles mentionnent, une recherche sérieuse des emplois susceptibles de permettre le reclassement du salarié concerné ;

3. Considérant qu'aux termes des dispositions contestées du quatrième alinéa de l'article L. 1233-4 du code du travail, inséré dans ce code par l'article 16 de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, ratifiée par l'article 10 de la loi du 29 mars 2018 visée ci-dessus : " L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret " ; que la faculté, offerte à l'employeur par ces dispositions, de faire connaître aux salariés les postes de reclassement disponibles par le moyen d'une liste diffusée à l'ensemble du personnel, n'affecte que les modalités selon lesquelles sont communiqués les résultats de la recherche qui incombe à l'employeur ; qu'elle ne porte atteinte ni à l'obligation de procéder à cette recherche ni à la nature ou à l'étendue de celle-ci ; qu'ainsi, en tout état de cause et contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, elle ne saurait être regardée comme portant atteinte au droit pour chacun d'obtenir un emploi, garanti par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée par la CGT-FO, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le 4ème alinéa de l'article L. 1233-4 du code du travail porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la CGT-FO.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail - Force ouvrière et à la ministre du travail.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.