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Ariane Web: Conseil d'État 416676, lecture du 24 octobre 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:416676.20181024

Décision n° 416676
24 octobre 2018
Conseil d'État

N° 416676
ECLI:FR:CECHR:2018:416676.20181024
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
LE PRADO, avocats


Lecture du mercredi 24 octobre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010. Par un jugement n° 1503579 du 21 juin 2016, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16NT02725 du 19 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par les époux A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 décembre 2017, 14 mars 2018 et 3 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les époux A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de M. et MmeA....



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A... ont fait l'objet en 2012 d'un examen de leur situation fiscale personnelle pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010. A l'issue de ce contrôle, l'administration a adressé aux contribuables, les 17 décembre 2012 et 16 avril 2013, deux propositions de rectification relatives respectivement aux années 2009 et 2010, incluant notamment, au titre de l'année 2009, un rehaussement en base de 390 994 euros au titre de la plus-value de cessions des actions de la société Floreen. Des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assortis de l'intérêt de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré ont été mis en recouvrement au titre de ces deux années le 31 octobre 2013. Après rejet de leur réclamation par le service, M. et Mme A...ont porté le litige devant le tribunal administratif d'Orléans qui a rejeté leurs conclusions en décharge par un jugement du 21 juin 2016, confirmé par un arrêt du 19 octobre 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes, contre lequel ils se pourvoient en cassation.

2. L'article L. 12 du livre des procédures fiscales dispose : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. / A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal (...) ". S'il résulte de ces dispositions que le contrôle de la cohérence entre les revenus déclarés et la situation d'ensemble du contribuable, qui constitue l'objet de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, ne peut débuter avant l'expiration du délai dont ce dernier dispose pour souscrire sa déclaration de revenu global, le défaut de souscription de cette déclaration ou d'une déclaration de revenus catégoriels ne fait pas obstacle à ce que l'administration engage, après l'expiration du délai de déclaration, un tel examen.

3. L'article L. 47 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au litige dispose : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte. / En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ". Il résulte de ces dispositions que l'administration ne peut engager un contrôle visant à vérifier la cohérence entre, d'une part, les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres d'un foyer fiscal avant l'expiration d'un délai raisonnable à compter de la réception, par le contribuable concerné, de l'avis l'informant de ce contrôle.

4. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au litige : " Sont taxés d'office : / 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus ou qui n'ont pas déclaré, en application des articles 150-0 E et 150 VG du code général des impôts, les gains nets et les plus-values imposables qu'ils ont réalisés, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 (...) ". L'article L. 67 du même livre dispose que : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ". En application de ces dispositions, l'administration est en droit, lorsqu'un contribuable ne s'est pas conformé aux obligations déclaratives qui lui incombent, de recourir à la procédure de taxation d'office, sous réserve de mettre ce dernier, au préalable, en demeure de régulariser sa situation en souscrivant, dans un délai de 30 jours, une déclaration de revenus.

5. M. A...a cédé, le 5 janvier 2009, à la société RLPG Développement, l'intégralité des titres de la société Floreen, qu'il avait constituée au cours de l'année 2000, pour un prix arrêté à 437 248 euros. M. et Mme A...n'ont pas déclaré la plus-value de cession à l'occasion de la souscription de leur déclaration d'ensemble des revenus de l'année 2009. Par un courrier recommandé notifié le 27 avril 2012, les intéressés ont été informés par la direction départementale des finances publiques d'Indre-et-Loire qu'ils faisaient l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle et le même jour, ils ont été mis en demeure, par un autre courrier recommandé signé du même inspecteur des finances publiques, de souscrire dans un délai de trente jours une déclaration des plus-values sur cessions de valeurs mobilières au titre de l'année 2009. Les requérants soutiennent que ce second courrier marque le début du contrôle dont ils ont été avisés le même jour et qu'ils ont été ainsi privés de la garantie qui découle de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, rappelée au point 3 ci-dessus, tenant à l'existence d'un délai raisonnable entre la réception de l'avis de vérification par le contribuable et le début des opérations de contrôle.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux point 2 à 4 que l'administration peut, sans entacher d'irrégularité la procédure de contrôle, simultanément adresser au contribuable un avis l'informant de l'engagement d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle et le mettre en demeure de produire une déclaration de revenus catégoriels afférente à l'une au moins des années vérifiées, dès lors que cette mise en demeure ne peut être regardée comme participant du contrôle de cohérence entre les revenus déclarés par ce contribuable et sa situation patrimoniale, sa situation de trésorerie ou son train de vie, mais a seulement pour objet de permettre la réalisation de ce contrôle dans des conditions plus satisfaisantes s'agissant des revenus déclarés. Il suit de là que c'est sans erreur de droit ni insuffisance de motivation que la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que la mise en demeure adressée aux époux A... le 27 avril 2012 ne caractérisait pas le début de la mise en oeuvre, à cette même date, des opérations constitutives de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle. Le pourvoi des époux A...ne peut, dès lors, qu'être rejeté.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme A...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... A...et au ministre de l'action et des comptes publics.


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