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Ariane Web: Conseil d'État 417950, lecture du 3 juillet 2019, ECLI:FR:CECHS:2019:417950.20190703

Décision n° 417950
3 juillet 2019
Conseil d'État

N° 417950
ECLI:FR:CECHS:2019:417950.20190703
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
M. Aurélien Caron, rapporteur
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public
SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER, avocats


Lecture du mercredi 3 juillet 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° La société Driveaway Holidays a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des prestations qui lui ont été facturées par des sociétés françaises de location de véhicules en 2012. Par un jugement n° 1310008 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE01545 du 7 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Driveaway Holidays contre ce jugement.

Sous le n° 417950, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 7 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Driveaway Holidays demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° La société Eurocar Vacances Inc. a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des prestations qui lui ont été facturées par des sociétés françaises de location de véhicules en 2012. Par un jugement n° 1310700 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE01550 du 7 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Eurocar Vacances Inc. contre ce jugement.

Sous le n° 417951, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 7 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Eurocar Vacances Inc. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



....................................................................................

3° La société Europ Auto Jet Inc. a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des prestations qui lui ont été facturées par des sociétés françaises de location de véhicules en 2012. Par un jugement n° 1310675 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE01551 du 7 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Europ Auto Jet Inc. contre ce jugement.

Sous le n° 417953, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 7 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Europ Auto Jet Inc. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code général des impôts, son annexe II et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, avocat des sociétés Driveaway Holidays , Eurocar Vacances Inc et Europ Auto Jet Inc. ;



Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois des sociétés Driveaway Holidays, Eurocar Vacances Inc. et Europ Auto Jet Inc. présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la société Driveaway Holidays, établie en Australie, et les sociétés Eurocar Vacances Inc. et Europ Auto Jet Inc., établies au Canada, dont la clientèle est composée d'agences de voyages australiennes ou canadiennes, émettent des bons en échange desquels les clients de ces agences bénéficient de prestations de location de véhicules de tourisme en France, préalablement réservées auprès de sociétés françaises de location de véhicules. Ces sociétés ont demandé, sur le fondement du V de l'article 271 du code général des impôts, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des prestations qui leur ont été facturées par les sociétés françaises de location de véhicules au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012. Elles se pourvoient en cassation contre les trois arrêts du 7 décembre 2017 par lesquels la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté les appels qu'elles ont formés contre les jugements du tribunal administratif de Montreuil du 20 janvier 2015 rejetant leur demande de remboursement, à la suite des refus qui leur avaient été opposés par l'administration.

3. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) V. Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) d) Les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France. (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". Enfin, le IV de l'article 206 de la même annexe de ce code prévoit que : " 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, à l'exception de ceux : (...) b. Donnés en location ; (...) 10° Pour les prestations de services de toute nature, notamment la location, afférentes aux biens dont le coefficient d'admission est nul en application des dispositions du 1° au 8° ".

4. Par les arrêts attaqués, la cour a jugé que les sociétés requérantes n'étaient pas fondées à se prévaloir de l'exception à l'exclusion du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prévue aux b du 6° et au 10° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts cité ci-dessus, au motif que la taxe dont elles réclamaient le remboursement portait sur des prestations de location de véhicules qu'elles ne donnaient pas elles-mêmes en location. En statuant ainsi, sans répondre à l'argumentation des requérantes tirée de ce qu'elles n'exerçaient pas une activité de loueur de véhicule mais une activité de négoce de réservation de locations de véhicules, la cour a insuffisamment motivé son arrêt. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, les sociétés requérantes sont fondées à demander l'annulation des arrêts qu'elles attaquent.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux sociétés Driveaway Holidays, Eurocar Vacances Inc. et Europ Auto Jet Inc. d'une somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Versailles du 7 décembre 2017 sont annulés.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera aux sociétés Driveaway Holidays, Eurocar Vacances Inc. et Europ Auto Jet Inc. la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Driveaway Holidays, Eurocar Vacances Inc. et Europ Auto Jet Inc. et au ministre de l'action et des comptes publics.