Conseil d'État
N° 434606
ECLI:FR:CEORD:2019:434606.20191015
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Lecture du mardi 15 octobre 2019
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 et 30 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Redcore demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;
1°) d'ordonner la suspension de l'arrêté du 3 juillet 2019 relatif au classement de certaines armes et munitions en application de l'article R. 2331-2 du code de la défense ;
2°) d'ordonner la suspension de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande tendant à ce qu'il classe le lanceur de balles de défense KANN 44 et la munition MAT 44 en catégorie B3 ;
3°) d'enjoindre aux services de l'Etat concernés d'accorder un classement en catégorie B3, ou le cas échéant, de réexaminer la demande de classement en catégorie B3 du lanceur de balles de défense KANN 44 et de la munition la MAT 44 dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 500 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que les décisions litigieuses préjudicient de manière grave et immédiate à ses intérêts économiques, financiers et d'image, notamment en faisant obstacle à sa stratégie commerciale et économique par la fermeture du marché des polices municipales ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
- elles ont été prises au terme d'une procédure irrégulière en raison de l'irrégularité de la composition de la commission de classement ;
- elles sont entachées d'une première erreur de droit, dès lors qu'elles se fondent sur le fait que le lanceur KANN 44 est équipé d'un canon rayé ;
- elles sont entachées d'une seconde erreur de droit, dès lors qu'elles se fondent sur des valeurs d'énergie cinétique de l'arme qui résultent d'une configuration imposée par l'administration elle-même ;
- elles sont entachées d'erreur d'appréciation, dès lors qu'elles classent le lanceur de balles de défense KANN 44 CLR en catégorie A2§4 et sa munition MAT 44 en catégorie A2§5 en se fondant, à tort, sur la similitude de ce dispositif avec le lanceur de balles de défense de 40x46 mms, qu'elles reposent sur des inexactitudes et des interprétations erronées, que le lanceur KANN 44 ne peut chambrer aucune munition militaire, que la comparaison a été effectuée avec les autres lanceurs sur la base de la plus puissante des deux munitions fournies, que le lanceur KANN 44 n'est pas destiné au maintien de l'ordre et que d'autres lanceurs de balles de défense classés en catégorie B3 sont utilisés pour le maintien de l'ordre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut, d'une part, à l'irrecevabilité de la demande tendant à la suspension de la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur et, d'autre part, au rejet de la requête. Il soutient qu'il n'est pas compétent pour retirer la décision de la ministre des armées classant en catégorie A2 le lanceur de balles de défense KANN 44 et sa munition MAT 44 et qu'aucun des moyens soulevés n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Redcore et, d'autre part, la ministre des armées et le ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 1er octobre 2019 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de la société Redcore ;
- les représentantes de la ministre des armées ;
- les représentants du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle l'instruction a été close, puis rouverte jusqu'au 4 octobre à 13 heures puis prolongée jusqu'au 7 octobre à 19 heures ;
Vu les trois nouveaux mémoires, enregistrés les 2 et 7 octobre 2019, présentés par la société Redcore, qui maintient ses conclusions et ses moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 4 octobre 2019, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 7 octobre 2019, présenté par le ministre des armées, qui conclut au rejet de la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de sécurité intérieur ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Aux termes du I de l'article L. 2331-1 du code de la défense : " Les matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments désignés par le présent titre sont classés dans les catégories suivantes : 1° Catégorie A : matériels de guerre et armes interdits à l'acquisition et à la détention, sous réserve des dispositions des articles L. 312-1 à L. 312-4-3 du code de la sécurité intérieure. / Cette catégorie comprend : - A1 : les armes et éléments d'armes interdits à l'acquisition et à la détention ; - A2 : les armes relevant des matériels de guerre, les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu, les matériels de protection contre les gaz de combat ; / 2° Catégorie B : armes soumises à autorisation pour l'acquisition et la détention ; / 3° Catégorie C : armes soumises à déclaration pour l'acquisition et la détention ;/ 4° Catégorie D : armes et matériels de guerre dont l'acquisition et la détention sont libres./ Un décret en Conseil d'Etat détermine les matériels de guerre, armes, munitions, éléments, accessoires et opérations industrielles compris dans chacune de ces catégories ainsi que les conditions de leur acquisition et de leur détention. Il fixe les modalités de délivrance des autorisations ainsi que celles d'établissement des déclarations. / En vue de préserver la sécurité et l'ordre publics, le classement prévu aux 1° à 4° est fondé sur la dangerosité des matériels de guerre et des armes (...). " Aux termes de l'article R. 2331-1 du même code : " Au sens du présent titre, on entend par : 1° Matériels de guerre de la catégorie A2 : l'ensemble des matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments mentionnés à la rubrique 2 du I de l'article R. 311-2 du code de la sécurité intérieure (...). L'article R. 2331-2 du même code donne compétence au ministre de la défense pour prendre les mesures de classement des matériels de guerre de la catégorie A2. Aux termes du 4° de la rubrique 2 du I de l'article R. 311-2 du code de la sécurité intérieure, sont classés en catégorie A2 les " canons, obusiers, mortiers, lance-roquettes et lance-grenades, de tous calibres, lance-projectiles et systèmes de projection spécifiquement destinés à l'usage militaire ou au maintien de l'ordre, ainsi que leurs tourelles, affûts, bouches à feu, tubes de lancement, lanceurs à munition intégrée, culasses, traîneaux, freins et récupérateurs ", ainsi, au titre du 5°, que les " munitions et éléments de munitions pour les armes énumérées au 4°. " Sont classés en catégorie B3, aux termes du II du même article, les " armes à feu fabriquées pour tirer une balle ou plusieurs projectiles non métalliques et munitions classées dans cette catégorie par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et des ministres chargés des douanes et de l'industrie ". Il résulte des dispositions de l'article R. 311-3 du code de la sécurité intérieure que toute arme fabriquée, transformée, introduite ou importée en France, fait l'objet d'une décision de classement, selon le cas, du ministre de la défense ou du ministre de l'intérieur préalablement à sa mise sur le marché
3. La société Redcore a demandé le classement de son lanceur de balles de défense KANN 44 et de la munition MAT 44 dans catégorie B3. Le ministre de l'intérieur a considéré que l'arme et sa munition relevait de la catégorie A2 et a, par conséquent, transmis la demande de classement au ministre des armés qui, après avoir saisi la commission technique de classement et conformément à l'avis de cette dernière, a prononcé, par un arrêté du 3 juillet 2019, un classement en catégorie A2, 4°, pour le lanceur de balles de défense KANN 44 et en catégorie A2, 5° pour la munition MAT 44. La société Redcore demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'arrêté du 3 juillet 2019 et de la décision implicite de refus de classement en catégorie B3, ainsi que d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à un classement en catégorie B3 de l'arme et de sa munition, ou, le cas échéant, de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
5. Pour caractériser l'urgence qu'il y aurait à suspendre les décisions qu'elle conteste, la société Redcore fait notamment valoir que le lanceur de balles de défense KANN 44 constitue un produit innovant pour lequel elle a consenti des investissements importants en recherche et développement, que le ministère des armées lui avait initialement indiqué que cette arme ne relevait pas d'un classement en catégorie A et qu'un tel classement fait obstacle à son utilisation par les polices municipales, compromettant ainsi de façon irrémédiable sa stratégie économique et commerciale, et la contraignant à rembourser les communes qui ont déjà acquis ce matériel. Toutefois, il n'apparaît pas que les mesures provisoires qu'est susceptible de prononcer le juge des référés soient de nature, dans les circonstances de l'espèce, à faire disparaître l'atteinte à ses intérêts dont se prévaut la société, atteinte qui est d'ailleurs partiellement imputable à son choix de commercialiser son lanceur de balles de défense avant l'intervention de la décision de classement. En tout état de cause, la 5ème chambre de la section du contentieux a prévu d'inscrire dans de brefs délais au rôle d'une séance de jugement la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2019 de la ministre des armées et de la décision implicite de refus de classement en catégorie B du ministre de l'intérieur. Dans ces conditions, l'application des décisions contestées dans l'attente du prochain examen au fond de la requête de la société Redcore ne fait pas apparaître une situation d'urgence. Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner la condition tenant à l'existence d'un doute sérieux sur la légalité des actes attaqués, que ses conclusions à fin de suspension doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de la société Redcore est rejetée
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Redcore, à la ministre des armées et au ministre de l'intérieur.
N° 434606
ECLI:FR:CEORD:2019:434606.20191015
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Lecture du mardi 15 octobre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 et 30 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Redcore demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;
1°) d'ordonner la suspension de l'arrêté du 3 juillet 2019 relatif au classement de certaines armes et munitions en application de l'article R. 2331-2 du code de la défense ;
2°) d'ordonner la suspension de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande tendant à ce qu'il classe le lanceur de balles de défense KANN 44 et la munition MAT 44 en catégorie B3 ;
3°) d'enjoindre aux services de l'Etat concernés d'accorder un classement en catégorie B3, ou le cas échéant, de réexaminer la demande de classement en catégorie B3 du lanceur de balles de défense KANN 44 et de la munition la MAT 44 dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 500 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que les décisions litigieuses préjudicient de manière grave et immédiate à ses intérêts économiques, financiers et d'image, notamment en faisant obstacle à sa stratégie commerciale et économique par la fermeture du marché des polices municipales ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
- elles ont été prises au terme d'une procédure irrégulière en raison de l'irrégularité de la composition de la commission de classement ;
- elles sont entachées d'une première erreur de droit, dès lors qu'elles se fondent sur le fait que le lanceur KANN 44 est équipé d'un canon rayé ;
- elles sont entachées d'une seconde erreur de droit, dès lors qu'elles se fondent sur des valeurs d'énergie cinétique de l'arme qui résultent d'une configuration imposée par l'administration elle-même ;
- elles sont entachées d'erreur d'appréciation, dès lors qu'elles classent le lanceur de balles de défense KANN 44 CLR en catégorie A2§4 et sa munition MAT 44 en catégorie A2§5 en se fondant, à tort, sur la similitude de ce dispositif avec le lanceur de balles de défense de 40x46 mms, qu'elles reposent sur des inexactitudes et des interprétations erronées, que le lanceur KANN 44 ne peut chambrer aucune munition militaire, que la comparaison a été effectuée avec les autres lanceurs sur la base de la plus puissante des deux munitions fournies, que le lanceur KANN 44 n'est pas destiné au maintien de l'ordre et que d'autres lanceurs de balles de défense classés en catégorie B3 sont utilisés pour le maintien de l'ordre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut, d'une part, à l'irrecevabilité de la demande tendant à la suspension de la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur et, d'autre part, au rejet de la requête. Il soutient qu'il n'est pas compétent pour retirer la décision de la ministre des armées classant en catégorie A2 le lanceur de balles de défense KANN 44 et sa munition MAT 44 et qu'aucun des moyens soulevés n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Redcore et, d'autre part, la ministre des armées et le ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 1er octobre 2019 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de la société Redcore ;
- les représentantes de la ministre des armées ;
- les représentants du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle l'instruction a été close, puis rouverte jusqu'au 4 octobre à 13 heures puis prolongée jusqu'au 7 octobre à 19 heures ;
Vu les trois nouveaux mémoires, enregistrés les 2 et 7 octobre 2019, présentés par la société Redcore, qui maintient ses conclusions et ses moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 4 octobre 2019, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 7 octobre 2019, présenté par le ministre des armées, qui conclut au rejet de la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de sécurité intérieur ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Aux termes du I de l'article L. 2331-1 du code de la défense : " Les matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments désignés par le présent titre sont classés dans les catégories suivantes : 1° Catégorie A : matériels de guerre et armes interdits à l'acquisition et à la détention, sous réserve des dispositions des articles L. 312-1 à L. 312-4-3 du code de la sécurité intérieure. / Cette catégorie comprend : - A1 : les armes et éléments d'armes interdits à l'acquisition et à la détention ; - A2 : les armes relevant des matériels de guerre, les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu, les matériels de protection contre les gaz de combat ; / 2° Catégorie B : armes soumises à autorisation pour l'acquisition et la détention ; / 3° Catégorie C : armes soumises à déclaration pour l'acquisition et la détention ;/ 4° Catégorie D : armes et matériels de guerre dont l'acquisition et la détention sont libres./ Un décret en Conseil d'Etat détermine les matériels de guerre, armes, munitions, éléments, accessoires et opérations industrielles compris dans chacune de ces catégories ainsi que les conditions de leur acquisition et de leur détention. Il fixe les modalités de délivrance des autorisations ainsi que celles d'établissement des déclarations. / En vue de préserver la sécurité et l'ordre publics, le classement prévu aux 1° à 4° est fondé sur la dangerosité des matériels de guerre et des armes (...). " Aux termes de l'article R. 2331-1 du même code : " Au sens du présent titre, on entend par : 1° Matériels de guerre de la catégorie A2 : l'ensemble des matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments mentionnés à la rubrique 2 du I de l'article R. 311-2 du code de la sécurité intérieure (...). L'article R. 2331-2 du même code donne compétence au ministre de la défense pour prendre les mesures de classement des matériels de guerre de la catégorie A2. Aux termes du 4° de la rubrique 2 du I de l'article R. 311-2 du code de la sécurité intérieure, sont classés en catégorie A2 les " canons, obusiers, mortiers, lance-roquettes et lance-grenades, de tous calibres, lance-projectiles et systèmes de projection spécifiquement destinés à l'usage militaire ou au maintien de l'ordre, ainsi que leurs tourelles, affûts, bouches à feu, tubes de lancement, lanceurs à munition intégrée, culasses, traîneaux, freins et récupérateurs ", ainsi, au titre du 5°, que les " munitions et éléments de munitions pour les armes énumérées au 4°. " Sont classés en catégorie B3, aux termes du II du même article, les " armes à feu fabriquées pour tirer une balle ou plusieurs projectiles non métalliques et munitions classées dans cette catégorie par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et des ministres chargés des douanes et de l'industrie ". Il résulte des dispositions de l'article R. 311-3 du code de la sécurité intérieure que toute arme fabriquée, transformée, introduite ou importée en France, fait l'objet d'une décision de classement, selon le cas, du ministre de la défense ou du ministre de l'intérieur préalablement à sa mise sur le marché
3. La société Redcore a demandé le classement de son lanceur de balles de défense KANN 44 et de la munition MAT 44 dans catégorie B3. Le ministre de l'intérieur a considéré que l'arme et sa munition relevait de la catégorie A2 et a, par conséquent, transmis la demande de classement au ministre des armés qui, après avoir saisi la commission technique de classement et conformément à l'avis de cette dernière, a prononcé, par un arrêté du 3 juillet 2019, un classement en catégorie A2, 4°, pour le lanceur de balles de défense KANN 44 et en catégorie A2, 5° pour la munition MAT 44. La société Redcore demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'arrêté du 3 juillet 2019 et de la décision implicite de refus de classement en catégorie B3, ainsi que d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à un classement en catégorie B3 de l'arme et de sa munition, ou, le cas échéant, de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
5. Pour caractériser l'urgence qu'il y aurait à suspendre les décisions qu'elle conteste, la société Redcore fait notamment valoir que le lanceur de balles de défense KANN 44 constitue un produit innovant pour lequel elle a consenti des investissements importants en recherche et développement, que le ministère des armées lui avait initialement indiqué que cette arme ne relevait pas d'un classement en catégorie A et qu'un tel classement fait obstacle à son utilisation par les polices municipales, compromettant ainsi de façon irrémédiable sa stratégie économique et commerciale, et la contraignant à rembourser les communes qui ont déjà acquis ce matériel. Toutefois, il n'apparaît pas que les mesures provisoires qu'est susceptible de prononcer le juge des référés soient de nature, dans les circonstances de l'espèce, à faire disparaître l'atteinte à ses intérêts dont se prévaut la société, atteinte qui est d'ailleurs partiellement imputable à son choix de commercialiser son lanceur de balles de défense avant l'intervention de la décision de classement. En tout état de cause, la 5ème chambre de la section du contentieux a prévu d'inscrire dans de brefs délais au rôle d'une séance de jugement la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2019 de la ministre des armées et de la décision implicite de refus de classement en catégorie B du ministre de l'intérieur. Dans ces conditions, l'application des décisions contestées dans l'attente du prochain examen au fond de la requête de la société Redcore ne fait pas apparaître une situation d'urgence. Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner la condition tenant à l'existence d'un doute sérieux sur la légalité des actes attaqués, que ses conclusions à fin de suspension doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la société Redcore est rejetée
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Redcore, à la ministre des armées et au ministre de l'intérieur.