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Ariane Web: Conseil d'État 420948, lecture du 22 novembre 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:420948.20191122

Décision n° 420948
22 novembre 2019
Conseil d'État

N° 420948
ECLI:FR:Code Inconnu:2019:420948.20191122
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Florian Roussel, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP ZRIBI, TEXIER, avocats


Lecture du vendredi 22 novembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. L... J..., M. et Mme T... I..., M. A... AC..., M. et Mme X... AA..., M. Y... F..., M. P... Z..., Mme U... M..., M. P... W..., Mme N... B..., M. et Mme AE... E..., M. et Mme O... R..., Mme V... D..., M. AD... S..., Mme C... AB..., M. et Mme Q... G... et Mme K... H... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 octobre 2016 par lequel le maire de Paris a accordé à la société immobilière d'économie mixte de Paris un permis de construire d'une résidence sociale de 27 logements au 47/49 rue Raymond Losserand à Paris (75014). Par un jugement n° 1622372 du 8 février 2018, le tribunal administratif a annulé ce permis en tant qu'il méconnaît les dispositions des articles UG.12.3 et UG. 10.2 du plan local d'urbanisme et rejeté le surplus de la demande.

Par une ordonnance n°18PA01253 du 23 mai 2018, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 13 avril 2018 au greffe de cette cour. Par ce pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. J... et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 8 février 2018 en tant qu'il rejette le surplus de leurs demandes ;

2°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 ;
- l'arrêté du 10 novembre 2016 du ministre du logement et de l'habitat durable ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. J... et autres, et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la ville de Paris et de la société immobilière d'économie mixte de Paris.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 27 octobre 2016, le maire de Paris a accordé à la société immobilière d'économie mixte de Paris, aux droits de laquelle est venue la société Elogie-Siemp, un permis de construire une résidence sociale de vingt-sept logements pour adultes autistes, sur un terrain situé au 49 rue Raymond Losserand à Paris. A la demande de M. J... et autres, riverains de l'immeuble dont la construction est projetée, le tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 8 février 2018, annulé ce permis en tant qu'il méconnaît les dispositions des articles UG.12.3 et UG. 10.2 du règlement du plan local d'urbanisme de Paris. Les requérants, à l'exception de deux d'entre eux, ont interjeté appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de leurs conclusions. Par une ordonnance du 23 mai 2018, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis l'affaire au Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.

Sur la compétence du Conseil d'Etat :

2. En vertu des dispositions de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative, applicable aux recours introduits depuis le 1er décembre 2013, les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours dirigés contre " les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes mentionnées à l'article 232 du code général des impôts et son décret d'application ".

3. D'une part, la ville de Paris figure, à la date du permis attaqué, sur la liste des communes annexée au décret du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts. D'autre part, une résidence sociale destinée à l'hébergement d'adultes autistes doit être regardée comme ayant le caractère d'un bâtiment à usage principal d'habitation au sens des dispositions citées au point 2 de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative, comme cela résulte d'ailleurs aussi de l'article 2 de l'arrêté du 10 novembre 2016 pris en application de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme.

4. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le jugement qu'ils attaquent n'est pas susceptible d'appel. C'est donc à bon droit que, par une ordonnance du 23 mai 2018, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis leur pourvoi au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du pourvoi :

5. Aux termes de l'article UG.7.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Paris : " Nonobstant les dispositions du présent article UG.7 et de l'article UG.10.3, l'implantation d'une construction en limite séparative peut être refusée si elle a pour effet de porter gravement atteinte aux conditions d'éclairement d'un immeuble voisin ou à l'aspect du paysage urbain, et notamment à l'insertion de la construction dans le bâti environnant (...) ". Au sens de ces dispositions, l'atteinte grave aux conditions d'éclairement suppose une obstruction significative de la lumière, qui ne saurait se réduire à une simple perte d'ensoleillement.

6. Pour juger que le projet litigieux ne méconnaissait pas les dispositions de cet article UG. 7.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Paris, le tribunal administratif a estimé que, si la construction projetée affectait l'ensoleillement des immeubles des requérants du fait de l'élévation d'un mur de cinq étages en limite séparative, qui a notamment pour effet de priver des rayons directs du soleil certains appartements situés dans les étages les moins élevés, elle ne portait pas une atteinte grave aux conditions d'éclairement de ces immeubles. En statuant ainsi, le tribunal, qui a pu, sans erreur de droit, prendre en compte l'éclairement tant direct qu'indirect des immeubles en question, a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.

7. Il résulte de ce qui précède que M. J... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris la somme que demandent à ce titre M. J... et autres. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers le versement à la ville de Paris et à la société Elogie-Siemp des sommes qu'elles demandent au même titre.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. J... et autres est rejeté.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la ville de Paris et de la société Elogie- Siemp, présenté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. L... J..., premier requérant dénommé, à la ville de Paris et à la société Elogie-Siemp.


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