Conseil d'État
N° 428213
ECLI:FR:CECHR:2020:428213.20200313
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Sébastien Gauthier, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
Lecture du vendredi 13 mars 2020
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 février, 17 mai et 20 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Orange demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2018-1596-RDPI de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) du 18 décembre 2018 la mettant en demeure de se conformer à ses obligations concernant la qualité de service de ses offres de gros activées sur le marché de gros à destination des entreprises et de ses offres de gros d'accès généraliste à la boucle locale cuivre ;
2°) de mettre à la charge de l'ARCEP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des postes et des communications électroniques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Gauthier, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 février 2020, présentée par la société Orange.
Considérant ce qui suit :
1. En vertu du deuxième alinéa de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) établit, après avis de l'Autorité de la concurrence, la liste des opérateurs réputés exercer une influence significative sur chacun des marchés du secteur des communications électroniques pertinents. En vertu du premier alinéa du I de l'article L. 38-1 du même code, l'ARCEP peut imposer à ces opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché de détail du secteur des communications électroniques une ou plusieurs obligations, définies au sein de ce même I, proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du même code, en tenant compte de la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective. Enfin, aux termes du I de l'article L. 36-11 du même code : " En cas de manquement par un exploitant de réseau, par un fournisseur de services de communications électroniques, un fournisseur de services de communication au public en ligne ou un gestionnaire d'infrastructures d'accueil : - aux dispositions législatives et réglementaires au respect desquelles l'Autorité a pour mission de veiller ou aux textes et décisions pris en application de ces dispositions (...) l'exploitant, le fournisseur ou le gestionnaire est mis en demeure par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes de s'y conformer dans un délai qu'elle détermine. / La mise en demeure peut être assortie d'obligations de se conformer à des étapes intermédiaires dans le même délai. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé. L'Autorité peut rendre publique cette mise en demeure ".
2. Par trois décisions n°s 2017-1347, 2017-1348 et 2017-1349 en date du 14 décembre 2017, l'ARCEP a désigné, sur le fondement des articles L. 37-1 et suivants du code des postes et communications électroniques, la société Orange comme exerçant une influence significative respectivement sur le marché de fourniture en gros d'accès local en position déterminée, dit " marché 3a ", le marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée, dit " marché 3b ", et sur le marché de gros des accès de haute qualité du segment terminal, dit " marché 4 ". Ces décisions ont imposé à la société Orange des obligations prévues au I de l'article L. 38-1 du même code, en vue de faciliter le développement de la concurrence sur ces marchés par un meilleur accès des autres opérateurs aux infrastructures qu'elle détient. L'ARCEP a ouvert, le 25 septembre 2018, la procédure de sanction prévue à l'article L. 36-11 du même code pour non-respect des obligations prévues par ces décisions du 14 décembre 2017. Par la décision n° 2018-1596-RDPI du 18 décembre 2018, la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction de l'ARCEP a mis en demeure la société Orange de se conformer aux obligations prévues par les trois décisions du 14 décembre 2017 et de respecter, selon un calendrier fixant des échéances trimestrielles, des niveaux de qualité de service. La société Orange demande l'annulation de cette mise en demeure.
3. En premier lieu, si la société Orange soutient que la mise en demeure serait insuffisamment motivée, cette décision, qui pouvait se référer à cet égard aux décisions du 14 décembre 2017, comporte l'ensemble des éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, en particulier en ce qui concerne la notion d'" effectivité de l'accès " au réseau de la société Orange, qui synthétise la finalité poursuivie par les obligations imposées à cette société.
4. En deuxième lieu, la mise en demeure n'ayant pas le caractère d'une sanction, la requérante ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer à l'encontre de la décision de la publier les stipulations des paragraphes 2 et 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, seuls ou en combinaison avec l'article 14 de cette même convention. De même, si la société Orange peut se voir appliquer des pénalités en cas de manquement à ses obligations, elle ne peut pas plus utilement invoquer, pour le même motif, le principe " non bis in idem " pour contester la légalité de cette mise en demeure
5. En troisième lieu, il ressort des trois décisions du 14 décembre 2017 que la société Orange est tenue d'inclure, dans ses différentes offres sur les marchés en cause, des engagements de niveau de qualité de service, en particulier s'agissant des délais et des garanties de niveau de service avec une mesure, publique et mensuelle, des indicateurs pertinents. Constatant que ces engagements n'étaient pas tenus, l'ARCEP a, par la décision litigieuse, rappelé la société Orange au respect de ses obligations sous la forme d'objectifs quantifiés à atteindre, selon un calendrier fixé pour chacun des marchés, avec des étapes intermédiaires. D'une part, si, pour exposer ce constat, l'ARCEP mentionne des faits antérieurs à l'entrée en vigueur des décisions du 14 décembre 2017, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la mise en demeure qui se fonde sur les manquements postérieurs à ces décisions. D'autre part, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions du I de l'article L. 36-11 du code des postes et communications électroniques n'interdisent pas à la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction de l'ARCEP, constatant le non-respect des obligations générales définies par les décisions de 2017 précitées, d'assortir la mise en demeure de l'obligation de respecter, selon un calendrier qu'elle définit, des objectifs quantifiés traduisant la mise en oeuvre de ces obligations générales.
6. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que la mise en demeure adressée par l'ARCEP à la société Orange est fondée sur le non-respect des obligations d'effectivité d'accès imposées par les décisions du 14 décembre 2017 à la société requérante vis-à-vis de l'ensemble des opérateurs en raison de son influence significative sur les marchés en cause et non sur une discrimination dans cet accès. Il en résulte que la société Orange ne saurait utilement soutenir que l'ARCEP ne pouvait la mettre en demeure sans avoir préalablement vérifié que la qualité de service que cette société offre à ses propres structures lorsqu'elles agissent en qualité d'opérateurs était différente de celle offerte aux autres opérateurs.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Orange tendant à l'annulation de la décision n° 2018-1596-RDPI du 18 décembre 2018 ne peuvent être accueillies ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la société Orange est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Orange et à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.
N° 428213
ECLI:FR:CECHR:2020:428213.20200313
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Sébastien Gauthier, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
Lecture du vendredi 13 mars 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 février, 17 mai et 20 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Orange demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2018-1596-RDPI de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) du 18 décembre 2018 la mettant en demeure de se conformer à ses obligations concernant la qualité de service de ses offres de gros activées sur le marché de gros à destination des entreprises et de ses offres de gros d'accès généraliste à la boucle locale cuivre ;
2°) de mettre à la charge de l'ARCEP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des postes et des communications électroniques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Gauthier, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 février 2020, présentée par la société Orange.
Considérant ce qui suit :
1. En vertu du deuxième alinéa de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) établit, après avis de l'Autorité de la concurrence, la liste des opérateurs réputés exercer une influence significative sur chacun des marchés du secteur des communications électroniques pertinents. En vertu du premier alinéa du I de l'article L. 38-1 du même code, l'ARCEP peut imposer à ces opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché de détail du secteur des communications électroniques une ou plusieurs obligations, définies au sein de ce même I, proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du même code, en tenant compte de la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective. Enfin, aux termes du I de l'article L. 36-11 du même code : " En cas de manquement par un exploitant de réseau, par un fournisseur de services de communications électroniques, un fournisseur de services de communication au public en ligne ou un gestionnaire d'infrastructures d'accueil : - aux dispositions législatives et réglementaires au respect desquelles l'Autorité a pour mission de veiller ou aux textes et décisions pris en application de ces dispositions (...) l'exploitant, le fournisseur ou le gestionnaire est mis en demeure par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes de s'y conformer dans un délai qu'elle détermine. / La mise en demeure peut être assortie d'obligations de se conformer à des étapes intermédiaires dans le même délai. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé. L'Autorité peut rendre publique cette mise en demeure ".
2. Par trois décisions n°s 2017-1347, 2017-1348 et 2017-1349 en date du 14 décembre 2017, l'ARCEP a désigné, sur le fondement des articles L. 37-1 et suivants du code des postes et communications électroniques, la société Orange comme exerçant une influence significative respectivement sur le marché de fourniture en gros d'accès local en position déterminée, dit " marché 3a ", le marché de fourniture en gros d'accès central en position déterminée, dit " marché 3b ", et sur le marché de gros des accès de haute qualité du segment terminal, dit " marché 4 ". Ces décisions ont imposé à la société Orange des obligations prévues au I de l'article L. 38-1 du même code, en vue de faciliter le développement de la concurrence sur ces marchés par un meilleur accès des autres opérateurs aux infrastructures qu'elle détient. L'ARCEP a ouvert, le 25 septembre 2018, la procédure de sanction prévue à l'article L. 36-11 du même code pour non-respect des obligations prévues par ces décisions du 14 décembre 2017. Par la décision n° 2018-1596-RDPI du 18 décembre 2018, la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction de l'ARCEP a mis en demeure la société Orange de se conformer aux obligations prévues par les trois décisions du 14 décembre 2017 et de respecter, selon un calendrier fixant des échéances trimestrielles, des niveaux de qualité de service. La société Orange demande l'annulation de cette mise en demeure.
3. En premier lieu, si la société Orange soutient que la mise en demeure serait insuffisamment motivée, cette décision, qui pouvait se référer à cet égard aux décisions du 14 décembre 2017, comporte l'ensemble des éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, en particulier en ce qui concerne la notion d'" effectivité de l'accès " au réseau de la société Orange, qui synthétise la finalité poursuivie par les obligations imposées à cette société.
4. En deuxième lieu, la mise en demeure n'ayant pas le caractère d'une sanction, la requérante ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer à l'encontre de la décision de la publier les stipulations des paragraphes 2 et 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, seuls ou en combinaison avec l'article 14 de cette même convention. De même, si la société Orange peut se voir appliquer des pénalités en cas de manquement à ses obligations, elle ne peut pas plus utilement invoquer, pour le même motif, le principe " non bis in idem " pour contester la légalité de cette mise en demeure
5. En troisième lieu, il ressort des trois décisions du 14 décembre 2017 que la société Orange est tenue d'inclure, dans ses différentes offres sur les marchés en cause, des engagements de niveau de qualité de service, en particulier s'agissant des délais et des garanties de niveau de service avec une mesure, publique et mensuelle, des indicateurs pertinents. Constatant que ces engagements n'étaient pas tenus, l'ARCEP a, par la décision litigieuse, rappelé la société Orange au respect de ses obligations sous la forme d'objectifs quantifiés à atteindre, selon un calendrier fixé pour chacun des marchés, avec des étapes intermédiaires. D'une part, si, pour exposer ce constat, l'ARCEP mentionne des faits antérieurs à l'entrée en vigueur des décisions du 14 décembre 2017, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la mise en demeure qui se fonde sur les manquements postérieurs à ces décisions. D'autre part, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions du I de l'article L. 36-11 du code des postes et communications électroniques n'interdisent pas à la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction de l'ARCEP, constatant le non-respect des obligations générales définies par les décisions de 2017 précitées, d'assortir la mise en demeure de l'obligation de respecter, selon un calendrier qu'elle définit, des objectifs quantifiés traduisant la mise en oeuvre de ces obligations générales.
6. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que la mise en demeure adressée par l'ARCEP à la société Orange est fondée sur le non-respect des obligations d'effectivité d'accès imposées par les décisions du 14 décembre 2017 à la société requérante vis-à-vis de l'ensemble des opérateurs en raison de son influence significative sur les marchés en cause et non sur une discrimination dans cet accès. Il en résulte que la société Orange ne saurait utilement soutenir que l'ARCEP ne pouvait la mettre en demeure sans avoir préalablement vérifié que la qualité de service que cette société offre à ses propres structures lorsqu'elles agissent en qualité d'opérateurs était différente de celle offerte aux autres opérateurs.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Orange tendant à l'annulation de la décision n° 2018-1596-RDPI du 18 décembre 2018 ne peuvent être accueillies ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Orange est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Orange et à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.