Conseil d'État
N° 440009
ECLI:FR:CEORD:2020:440009.20200422
Inédit au recueil Lebon
Lecture du mercredi 22 avril 2020
Vu la procédure suivante :
Par une requête, deux nouveaux mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés les 8, 9, 16 et 20 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... E..., Mme A... J..., M. H... I..., Mme F... G..., Mme K... D..., Mme L... N... et Mme M... B... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de l'article 12-2 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire en tant qu'il interdit aux personnes qui présentent des symptômes d'infection par le virus SARS-CoV-2 mais ne sont pas hospitalisées et ne sont pas encore atteintes d'une affection rendant nécessaire une réanimation d'avoir accès, y compris en régime ambulatoire, à un traitement par hydroxychloroquine et azithromycine ;
2°) d'enjoindre au gouvernement de ne pas faire obstacle à la prescription du traitement par hydroxychloroquine et azithromycine préconisé par l'institut hospitalo-universitaire Méditerranée infection, ou de tout autre traitement qui viendrait à être découvert avec les mêmes vertus, ou, subsidiairement, de saisir sans délai l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en vue de l'élaboration d'une recommandation temporaire d'utilisation destinée à permettre la prescription, y compris sans admission à l'hôpital autrement qu'en ambulatoire, des spécialités à base d'hydroxychloroquine et azithromycine aux patients manifestant des symptômes d'atteinte par le covid-19 sans attendre le développement d'une détresse respiratoire ;
3°) d'enjoindre au gouvernement de prendre toute mesure utile pour garantir un approvisionnement suffisant en médicaments au profit de tous les patients pour lesquels ce traitement serait médicalement justifié ;
4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie ;
- les dispositions critiquées ne sont pas proportionnées à l'objectif de sauvegarde de la santé publique poursuivi ;
- elles méconnaissent l'article L. 5221-12-1 du code de la santé publique ;
- elles méconnaissent l'article L. 3131-15 du code de la santé publique ;
- elles méconnaissent le principe constitutionnel de précaution ;
- elles méconnaissent l'article L. 1110-1 du code de la santé publique ;
- elles méconnaissent le droit à la vie des patients ;
- elles méconnaissant la liberté de prescription du médecin.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-314 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-337 du 26 mars 2020 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Les parties ont été informées, sur le fondement de l'article 9 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, de ce qu'aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture de l'instruction était fixée au 20 avril à 12 heures.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
Sur les dispositions applicables :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique : " I.- Une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l'absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, sous réserve qu'une recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sécurise l'utilisation de cette spécialité dans cette indication ou ces conditions d'utilisation. Lorsqu'une telle recommandation temporaire d'utilisation a été établie, la spécialité peut faire l'objet d'une prescription dans l'indication ou les conditions d'utilisations correspondantes dès lors que le prescripteur juge qu'elle répond aux besoins du patient. La circonstance qu'il existe par ailleurs une spécialité ayant fait l'objet, dans cette même indication, d'une autorisation de mise sur le marché, dès lors qu'elle ne répondrait pas moins aux besoins du patient, ne fait pas obstacle à une telle prescription. / En l'absence de recommandation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, une spécialité pharmaceutique ne peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché qu'en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation et sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient. / (...) / V.- Le ministre chargé de la santé ou le ministre chargé de la sécurité sociale peut saisir l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d'une demande d'élaboration d'une recommandation temporaire d'utilisation ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, applicable, en vertu de l'article 4 de cette loi, pendant une durée de deux mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : / (...) / 9° En tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l'éradication de la catastrophe sanitaire (...). / Les mesures prescrites en application des 1° à 10° du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. (...) ".
Sur les dispositions critiquées :
4. Par un décret du 25 mars 2020 pris sur le fondement du 9° de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, modifié par un décret du lendemain 26 mars, le Premier ministre a complété d'un article 12-2 le décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, pour prévoir notamment les conditions dans lesquelles l'hydroxychloroquine peut être prescrite, dispensée et administrée aux patients atteints de covid-19, en dehors des indications de l'autorisation de mise sur le marché du Plaquenil, spécialité pharmaceutique à base d'hydroxychloroquine. A ce titre, d'une part, par dérogation aux dispositions du code de la santé publique relatives aux autorisations de mise sur le marché, il autorise, sous la responsabilité d'un médecin, la prescription, la dispensation et l'administration de l'hydroxychloroquine aux patients atteints par le covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile. Il précise que ces prescriptions interviennent, après décision collégiale, dans le respect des recommandations du Haut Conseil de la santé publique et, en particulier, de l'indication pour les patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe. D'autre part, il subordonne la dispensation par les pharmacies d'officine de la spécialité pharmaceutique Plaquenil, dans le respect des indications de son autorisation de mise sur le marché, ainsi que des préparations à base d'hydroxychloroquine, à une prescription initiale émanant de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie, ou au renouvellement d'une prescription émanant de tout médecin.
5. Les requérants demandent la suspension de l'exécution des dispositions insérées dans le décret du 23 mars 2020 par les décrets des 25 et 26 mars 2020 en tant qu'elles font obstacle à ce que les personnes qui présentent des symptômes d'infection par le virus SARS-CoV-2 mais ne sont pas hospitalisées et ne sont pas encore atteintes d'une affection rendant nécessaire une réanimation soient traitées par hydroxychloroquine et azithromycine.
6. D'une part, il résulte de l'instruction que les études disponibles à la date à laquelle les dispositions contestées ont été prises souffrent d'insuffisances méthodologiques et ne permettent pas de conclure à l'efficacité clinique de l'hydroxychloroquine. Ensuite, si l'usage de cette molécule est bien documenté, il peut provoquer des hypoglycémies sévères et entraîner des anomalies ou une irrégularité du rythme cardiaque susceptibles d'engager le pronostic vital et il présente des risques importants en cas d'interaction médicamenteuse. Son administration, si elle peut être le fait de médecins de ville, suppose ainsi non seulement le respect de précautions particulières mais également un suivi spécifique des patients, notamment sur le plan cardiaque. Enfin, compte tenu des espoirs suscités par les premiers résultats rendus publics par une équipe de l'institut hospitalo-universitaire Méditerranée infection, une forte augmentation des ventes de Plaquenil en pharmacie d'officine a été enregistrée, faisant apparaître des tensions dans l'approvisionnement de certaines officines et des difficultés à se la procurer pour les patients ayant besoin de cette spécialité dans les indications de son autorisation de mise sur le marché.
7. D'autre part, il résulte des recommandations mêmes du Haut Conseil de la santé publique, formulées dans son avis du 23 mars 2020 et reprises par les dispositions critiquées, que l'indication du traitement à l'hydroxychloroquine est posée dès le premier stade de la maladie nécessitant l'hospitalisation des patients, en présence de l'un seulement des huit signes qu'il énumère, et sous la réserve implicite mais nécessaire que cette indication soit, par ailleurs, justifiée par la charge virale et qu'il n'y ait pas, en l'état du malade, de contre-indication. Il en résulte également que, lorsque cette indication est retenue, le traitement doit être initié le plus rapidement possible, dans le but d'éviter le passage à une forme grave nécessitant un transfert en réanimation. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, ces recommandations ne limitent pas l'administration de l'hydroxychloroquine aux patients en détresse respiratoire ou ayant besoin de réanimation. Par ailleurs, elles ne font en rien obstacle, ainsi que le préconise le Haut Conseil, à l'inclusion de patients dans des essais cliniques existants ou à venir, nécessaires pour disposer des données permettant, le cas échéant, une prescription beaucoup plus large, sur le fondement de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, de l'hydroxychloroquine aux patients atteints de covid-19.
8. Par suite, à défaut de " données acquises de la science " à la date à laquelle ont été prises les dispositions contestées, il n'apparaît pas que les moyens tirés de ce que les dispositions critiquées méconnaissent l'article L. 5221-12-1 du code de la santé publique et portent atteinte à la liberté de prescription du médecin, de ce qu'elles violent le droit à la vie des patients et l'article L. 1110-1 du code de la santé publique et, enfin, de ce qu'elles méconnaissent l'article L. 3131-15 du même code et ne sont pas proportionnées à l'objectif de sauvegarde de la santé publique poursuivi soient propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à leur légalité, sans que les éléments nouveaux intervenus depuis leur édiction qu'invoquent les requérants soient de nature à remettre en cause cette appréciation. Enfin, les requérants ne peuvent utilement invoquer le principe de précaution garanti par l'article 5 de la Charte de l'environnement de 2004 à l'encontre des dispositions critiquées.
9. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, les requérants ne sont pas fondés à demander la suspension de l'exécution des dispositions qu'ils critiquent. Leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être également rejetées.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de M. E... et des autres requérants est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée, pour l'ensemble des requérants, à M. C... E..., représentant désigné, et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre.
N° 440009
ECLI:FR:CEORD:2020:440009.20200422
Inédit au recueil Lebon
Lecture du mercredi 22 avril 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, deux nouveaux mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés les 8, 9, 16 et 20 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... E..., Mme A... J..., M. H... I..., Mme F... G..., Mme K... D..., Mme L... N... et Mme M... B... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de l'article 12-2 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire en tant qu'il interdit aux personnes qui présentent des symptômes d'infection par le virus SARS-CoV-2 mais ne sont pas hospitalisées et ne sont pas encore atteintes d'une affection rendant nécessaire une réanimation d'avoir accès, y compris en régime ambulatoire, à un traitement par hydroxychloroquine et azithromycine ;
2°) d'enjoindre au gouvernement de ne pas faire obstacle à la prescription du traitement par hydroxychloroquine et azithromycine préconisé par l'institut hospitalo-universitaire Méditerranée infection, ou de tout autre traitement qui viendrait à être découvert avec les mêmes vertus, ou, subsidiairement, de saisir sans délai l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en vue de l'élaboration d'une recommandation temporaire d'utilisation destinée à permettre la prescription, y compris sans admission à l'hôpital autrement qu'en ambulatoire, des spécialités à base d'hydroxychloroquine et azithromycine aux patients manifestant des symptômes d'atteinte par le covid-19 sans attendre le développement d'une détresse respiratoire ;
3°) d'enjoindre au gouvernement de prendre toute mesure utile pour garantir un approvisionnement suffisant en médicaments au profit de tous les patients pour lesquels ce traitement serait médicalement justifié ;
4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie ;
- les dispositions critiquées ne sont pas proportionnées à l'objectif de sauvegarde de la santé publique poursuivi ;
- elles méconnaissent l'article L. 5221-12-1 du code de la santé publique ;
- elles méconnaissent l'article L. 3131-15 du code de la santé publique ;
- elles méconnaissent le principe constitutionnel de précaution ;
- elles méconnaissent l'article L. 1110-1 du code de la santé publique ;
- elles méconnaissent le droit à la vie des patients ;
- elles méconnaissant la liberté de prescription du médecin.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-314 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-337 du 26 mars 2020 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Les parties ont été informées, sur le fondement de l'article 9 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, de ce qu'aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture de l'instruction était fixée au 20 avril à 12 heures.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
Sur les dispositions applicables :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique : " I.- Une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l'absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, sous réserve qu'une recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sécurise l'utilisation de cette spécialité dans cette indication ou ces conditions d'utilisation. Lorsqu'une telle recommandation temporaire d'utilisation a été établie, la spécialité peut faire l'objet d'une prescription dans l'indication ou les conditions d'utilisations correspondantes dès lors que le prescripteur juge qu'elle répond aux besoins du patient. La circonstance qu'il existe par ailleurs une spécialité ayant fait l'objet, dans cette même indication, d'une autorisation de mise sur le marché, dès lors qu'elle ne répondrait pas moins aux besoins du patient, ne fait pas obstacle à une telle prescription. / En l'absence de recommandation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, une spécialité pharmaceutique ne peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché qu'en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation et sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient. / (...) / V.- Le ministre chargé de la santé ou le ministre chargé de la sécurité sociale peut saisir l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d'une demande d'élaboration d'une recommandation temporaire d'utilisation ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, applicable, en vertu de l'article 4 de cette loi, pendant une durée de deux mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : / (...) / 9° En tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l'éradication de la catastrophe sanitaire (...). / Les mesures prescrites en application des 1° à 10° du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. (...) ".
Sur les dispositions critiquées :
4. Par un décret du 25 mars 2020 pris sur le fondement du 9° de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, modifié par un décret du lendemain 26 mars, le Premier ministre a complété d'un article 12-2 le décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, pour prévoir notamment les conditions dans lesquelles l'hydroxychloroquine peut être prescrite, dispensée et administrée aux patients atteints de covid-19, en dehors des indications de l'autorisation de mise sur le marché du Plaquenil, spécialité pharmaceutique à base d'hydroxychloroquine. A ce titre, d'une part, par dérogation aux dispositions du code de la santé publique relatives aux autorisations de mise sur le marché, il autorise, sous la responsabilité d'un médecin, la prescription, la dispensation et l'administration de l'hydroxychloroquine aux patients atteints par le covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile. Il précise que ces prescriptions interviennent, après décision collégiale, dans le respect des recommandations du Haut Conseil de la santé publique et, en particulier, de l'indication pour les patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe. D'autre part, il subordonne la dispensation par les pharmacies d'officine de la spécialité pharmaceutique Plaquenil, dans le respect des indications de son autorisation de mise sur le marché, ainsi que des préparations à base d'hydroxychloroquine, à une prescription initiale émanant de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie, ou au renouvellement d'une prescription émanant de tout médecin.
5. Les requérants demandent la suspension de l'exécution des dispositions insérées dans le décret du 23 mars 2020 par les décrets des 25 et 26 mars 2020 en tant qu'elles font obstacle à ce que les personnes qui présentent des symptômes d'infection par le virus SARS-CoV-2 mais ne sont pas hospitalisées et ne sont pas encore atteintes d'une affection rendant nécessaire une réanimation soient traitées par hydroxychloroquine et azithromycine.
6. D'une part, il résulte de l'instruction que les études disponibles à la date à laquelle les dispositions contestées ont été prises souffrent d'insuffisances méthodologiques et ne permettent pas de conclure à l'efficacité clinique de l'hydroxychloroquine. Ensuite, si l'usage de cette molécule est bien documenté, il peut provoquer des hypoglycémies sévères et entraîner des anomalies ou une irrégularité du rythme cardiaque susceptibles d'engager le pronostic vital et il présente des risques importants en cas d'interaction médicamenteuse. Son administration, si elle peut être le fait de médecins de ville, suppose ainsi non seulement le respect de précautions particulières mais également un suivi spécifique des patients, notamment sur le plan cardiaque. Enfin, compte tenu des espoirs suscités par les premiers résultats rendus publics par une équipe de l'institut hospitalo-universitaire Méditerranée infection, une forte augmentation des ventes de Plaquenil en pharmacie d'officine a été enregistrée, faisant apparaître des tensions dans l'approvisionnement de certaines officines et des difficultés à se la procurer pour les patients ayant besoin de cette spécialité dans les indications de son autorisation de mise sur le marché.
7. D'autre part, il résulte des recommandations mêmes du Haut Conseil de la santé publique, formulées dans son avis du 23 mars 2020 et reprises par les dispositions critiquées, que l'indication du traitement à l'hydroxychloroquine est posée dès le premier stade de la maladie nécessitant l'hospitalisation des patients, en présence de l'un seulement des huit signes qu'il énumère, et sous la réserve implicite mais nécessaire que cette indication soit, par ailleurs, justifiée par la charge virale et qu'il n'y ait pas, en l'état du malade, de contre-indication. Il en résulte également que, lorsque cette indication est retenue, le traitement doit être initié le plus rapidement possible, dans le but d'éviter le passage à une forme grave nécessitant un transfert en réanimation. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, ces recommandations ne limitent pas l'administration de l'hydroxychloroquine aux patients en détresse respiratoire ou ayant besoin de réanimation. Par ailleurs, elles ne font en rien obstacle, ainsi que le préconise le Haut Conseil, à l'inclusion de patients dans des essais cliniques existants ou à venir, nécessaires pour disposer des données permettant, le cas échéant, une prescription beaucoup plus large, sur le fondement de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, de l'hydroxychloroquine aux patients atteints de covid-19.
8. Par suite, à défaut de " données acquises de la science " à la date à laquelle ont été prises les dispositions contestées, il n'apparaît pas que les moyens tirés de ce que les dispositions critiquées méconnaissent l'article L. 5221-12-1 du code de la santé publique et portent atteinte à la liberté de prescription du médecin, de ce qu'elles violent le droit à la vie des patients et l'article L. 1110-1 du code de la santé publique et, enfin, de ce qu'elles méconnaissent l'article L. 3131-15 du même code et ne sont pas proportionnées à l'objectif de sauvegarde de la santé publique poursuivi soient propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à leur légalité, sans que les éléments nouveaux intervenus depuis leur édiction qu'invoquent les requérants soient de nature à remettre en cause cette appréciation. Enfin, les requérants ne peuvent utilement invoquer le principe de précaution garanti par l'article 5 de la Charte de l'environnement de 2004 à l'encontre des dispositions critiquées.
9. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, les requérants ne sont pas fondés à demander la suspension de l'exécution des dispositions qu'ils critiquent. Leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être également rejetées.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. E... et des autres requérants est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée, pour l'ensemble des requérants, à M. C... E..., représentant désigné, et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre.