Conseil d'État
N° 441168
ECLI:FR:CEORD:2020:441168.20200617
Inédit au recueil Lebon
Lecture du mercredi 17 juin 2020
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 12 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat VIGI demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de l'instruction du ministre de l'intérieur révélée lors de l'entretien qu'il a donné sur RMC et BFMTV le 9 juin 2020 de ne pas verbaliser les manifestants enfreignant l'interdiction résultant du I du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 des rassemblements mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes lorsqu'ils se réclament de la lutte contre le racisme ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros.
Il soutient que :
- l'absence de verbalisation lors des manifestations contre le racisme du 9 juin 2020, mais également lors de manifestations antérieures et ultérieures, confirme l'existence de l'instruction, révélée lors de l'entretien donné à la presse par le ministre de l'intérieur le 9 juin 2020, de ne pas sanctionner les manifestants enfreignant l'interdiction résultant du I du décret du 31 mai 2020 des rassemblements mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes lorsque ceux-ci se réclament de la lutte contre le racisme ;
- la condition d'urgence est remplie en ce que des manifestations interdites sont en cours, sans que les contrevenants puissent être sanctionnés d'y participer, et alors qu'ils risquent ce faisant de contribuer à la propagation du virus ;
- il y existe un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées ;
- toute violation de l'interdiction de rassemblement édictée par le I de l'article 3 du décret du 31 mai 2020 est réprimée par l'article R. 610-5 du code pénal et par l'article L. 3136-1 du code de la santé publique, ainsi le cas échéant qu'au titre de l'article 223-1 du code pénal sanctionnant le délit de mise en danger délibérée de la vie d'autrui ;
- le I de l'article 3 du décret du 31 mai 2020 interdisant les rassemblements mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes et sa violation étant pénalement sanctionnée, un chef de service ne saurait interdire à ses subordonnés de l'appliquer ;
- l'article 432-1 du code pénal interdit à une personne dépositaire de l'autorité publique, agissant dans l'exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi ;
- l'instruction litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle met délibérément en danger la vie d'autrui, en particulier les gendarmes et les policiers ainsi que les personnes qui pourraient rencontrer des manifestants.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 ;
- le décret n° 2020-274 du 14 juin 2020 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.
3. Les requérants soutiennent que les déclarations du ministre de l'intérieur lors de l'entretien qu'il a donné sur RMC et BFMTV le 9 juin 2020 révèlent qu'il aurait donné instruction à ses services, y compris au-delà des manifestations attendues ce jour-là, de ne pas verbaliser les manifestants enfreignant l'interdiction résultant du I du décret du 31 mai 2020 des rassemblements mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes lorsqu'ils se réclament de la lutte contre le racisme. L'exécution des dispositions du I de l'article 3 du décret du 31 mai 2020 a toutefois été suspendue par une décision du juge des référés du Conseil d'Etat du 13 juin 2020 en tant qu'elle s'applique aux manifestations sur la voie publique soumises à l'obligation d'une déclaration préalable en vertu de l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure. A la suite de cette décision, le pouvoir réglementaire a, par décret du 14 juin 2020, inséré à l'article 3 du décret du 31 mai 2020 un II bis prévoyant que, par dérogation aux dispositions du I et sans préjudice de l'article L. 211-3 du code de la sécurité intérieure, les cortèges, défilés et rassemblement de personnes, et, d'une façon générale, toutes les manifestations sur la voie publique mentionnés au premier alinéa de l'article L. 211-1 du même code sont autorisés par le préfet de département si les conditions de leur organisation sont propres à garantir le respect des dispositions de l'article 1er du présent décret. A supposer que les propos tenus par le ministre de l'intérieur révèlent l'existence d'une instruction qu'il aurait donnée à ses services de ne pas verbaliser les participant à une manifestation interdite sur le fondement du I de l'article 3 du décret du 31 mai 2020 lorsqu'ils se réclament de la lutte contre le racisme, les effets d'une telle instruction ne peuvent en tout état de cause être regardés à ce jour comme de nature à caractériser une urgence justifiant que l'exécution en soit suspendue sans attendre le jugement de la requête au fond dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le régime de l'interdiction posée par ces dispositions ne s'applique plus à ces manifestations.
4. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête du syndicat VIGI est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat VIGI.
N° 441168
ECLI:FR:CEORD:2020:441168.20200617
Inédit au recueil Lebon
Lecture du mercredi 17 juin 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 12 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat VIGI demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de l'instruction du ministre de l'intérieur révélée lors de l'entretien qu'il a donné sur RMC et BFMTV le 9 juin 2020 de ne pas verbaliser les manifestants enfreignant l'interdiction résultant du I du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 des rassemblements mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes lorsqu'ils se réclament de la lutte contre le racisme ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros.
Il soutient que :
- l'absence de verbalisation lors des manifestations contre le racisme du 9 juin 2020, mais également lors de manifestations antérieures et ultérieures, confirme l'existence de l'instruction, révélée lors de l'entretien donné à la presse par le ministre de l'intérieur le 9 juin 2020, de ne pas sanctionner les manifestants enfreignant l'interdiction résultant du I du décret du 31 mai 2020 des rassemblements mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes lorsque ceux-ci se réclament de la lutte contre le racisme ;
- la condition d'urgence est remplie en ce que des manifestations interdites sont en cours, sans que les contrevenants puissent être sanctionnés d'y participer, et alors qu'ils risquent ce faisant de contribuer à la propagation du virus ;
- il y existe un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées ;
- toute violation de l'interdiction de rassemblement édictée par le I de l'article 3 du décret du 31 mai 2020 est réprimée par l'article R. 610-5 du code pénal et par l'article L. 3136-1 du code de la santé publique, ainsi le cas échéant qu'au titre de l'article 223-1 du code pénal sanctionnant le délit de mise en danger délibérée de la vie d'autrui ;
- le I de l'article 3 du décret du 31 mai 2020 interdisant les rassemblements mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes et sa violation étant pénalement sanctionnée, un chef de service ne saurait interdire à ses subordonnés de l'appliquer ;
- l'article 432-1 du code pénal interdit à une personne dépositaire de l'autorité publique, agissant dans l'exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi ;
- l'instruction litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle met délibérément en danger la vie d'autrui, en particulier les gendarmes et les policiers ainsi que les personnes qui pourraient rencontrer des manifestants.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 ;
- le décret n° 2020-274 du 14 juin 2020 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.
3. Les requérants soutiennent que les déclarations du ministre de l'intérieur lors de l'entretien qu'il a donné sur RMC et BFMTV le 9 juin 2020 révèlent qu'il aurait donné instruction à ses services, y compris au-delà des manifestations attendues ce jour-là, de ne pas verbaliser les manifestants enfreignant l'interdiction résultant du I du décret du 31 mai 2020 des rassemblements mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes lorsqu'ils se réclament de la lutte contre le racisme. L'exécution des dispositions du I de l'article 3 du décret du 31 mai 2020 a toutefois été suspendue par une décision du juge des référés du Conseil d'Etat du 13 juin 2020 en tant qu'elle s'applique aux manifestations sur la voie publique soumises à l'obligation d'une déclaration préalable en vertu de l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure. A la suite de cette décision, le pouvoir réglementaire a, par décret du 14 juin 2020, inséré à l'article 3 du décret du 31 mai 2020 un II bis prévoyant que, par dérogation aux dispositions du I et sans préjudice de l'article L. 211-3 du code de la sécurité intérieure, les cortèges, défilés et rassemblement de personnes, et, d'une façon générale, toutes les manifestations sur la voie publique mentionnés au premier alinéa de l'article L. 211-1 du même code sont autorisés par le préfet de département si les conditions de leur organisation sont propres à garantir le respect des dispositions de l'article 1er du présent décret. A supposer que les propos tenus par le ministre de l'intérieur révèlent l'existence d'une instruction qu'il aurait donnée à ses services de ne pas verbaliser les participant à une manifestation interdite sur le fondement du I de l'article 3 du décret du 31 mai 2020 lorsqu'ils se réclament de la lutte contre le racisme, les effets d'une telle instruction ne peuvent en tout état de cause être regardés à ce jour comme de nature à caractériser une urgence justifiant que l'exécution en soit suspendue sans attendre le jugement de la requête au fond dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le régime de l'interdiction posée par ces dispositions ne s'applique plus à ces manifestations.
4. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête du syndicat VIGI est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat VIGI.