Conseil d'État
N° 422740
ECLI:FR:CECHR:2020:422740.20200619
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Myriam Benlolo Carabot, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats
Lecture du vendredi 19 juin 2020
Vu la procédure suivante :
L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a, par décision du 21 décembre 2017, mis fin au statut de réfugié de M. A... B... en application du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'il a été condamné en dernier ressort en France pour un crime particulièrement grave et que sa présence constitue une menace grave pour la société. Par une décision n° 18001448 du 25 mai 2018, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et maintenu l'intéressé dans sa qualité de réfugié.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 30 octobre 2018, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 mai 2018 ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;
- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- l'arrêt C-391/16, C77/17 et C-78/17 du 14 mai 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'OFPRA ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 21 décembre 2017, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a, sur le fondement du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mis fin au statut de réfugié de M. A... B..., de nationalité turque. Saisie par l'intéressé, la Cour nationale du droit d'asile a annulé, par une décision du 25 mai 2018, contre laquelle l'OFPRA se pourvoit en cassation, la décision du 21 décembre 2017.
2. D'une part, le 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève stipule que la qualité de réfugié est notamment reconnue à " toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (...) ". En vertu du c) du paragraphe F de l'article 1er de la même convention, repris au paragraphe 2, sous c), de l'article 12 de la directive n° 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, " Les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : (...) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. ". L'article 14 de la directive du 13 décembre 2011 dispose que : " (...) 3. Les Etats membres révoquent le statut de réfugié de tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride, y mettent fin ou refusent de le renouveler, s'ils établissent, après lui avoir octroyé le statut de réfugié, que : / a) le réfugié est ou aurait dû être exclu du statut de réfugié en vertu de l'article 12 (...) ". L'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015 dispose que : " L'office peut également mettre fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque, (...) / 3° Le réfugié doit, compte tenu de circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application des sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951, précitée ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011 : " (...) 4. Les États membres peuvent révoquer le statut octroyé à un réfugié par une autorité gouvernementale, administrative, judiciaire ou quasi judiciaire, y mettre fin ou refuser de le renouveler, / a) lorsqu'il existe des motifs raisonnables de le considérer comme une menace pour la sécurité de l'État membre dans lequel il se trouve ; / b) lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre. / 5. Dans les situations décrites au paragraphe 4, les États membres peuvent décider de ne pas octroyer le statut de réfugié, lorsqu'une telle décision n'a pas encore été prise. / 6. Les personnes auxquelles les paragraphes 4 et 5 s'appliquent ont le droit de jouir des droits prévus aux articles 3, 4, 16, 22, 31, 32 et 33 de la convention de Genève ou de droits analogues, pour autant qu'elles se trouvent dans l'État membre ". L'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour la transposition des dispositions précitées du 4 de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011, dispose que : " Le statut de réfugié peut être refusé ou il peut être mis fin à ce statut lorsque : / 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ; / 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société. ".
4. Les dispositions de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être interprétées conformément aux objectifs de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 dont ils assurent la transposition et qui visent à assurer, dans le respect de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, d'une part, que tous les États membres appliquent des critères communs pour l'identification des personnes nécessitant une protection internationale et, d'autre part, un niveau minimal d'avantages à ces personnes dans tous les États membres. Il résulte des paragraphes 4 et 5 de l'article 14 de cette directive, tels qu'interprétés par l'arrêt C-391/16, C77/17 et C-78/17 du 14 mai 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne, que la " révocation " du statut de réfugié ou le refus d'octroi de ce statut, que leurs dispositions prévoient, ne saurait avoir pour effet de priver de la qualité de réfugié le ressortissant d'un pays tiers ou l'apatride concerné qui remplit les conditions pour se voir reconnaître cette qualité au sens du A de l'article 1er de la convention de Genève. En outre, le paragraphe 6 de l'article 14 de cette même directive doit être interprété en ce sens que l'Etat membre qui fait usage des facultés prévues à l'article 14, paragraphes 4 et 5, de cette directive, doit accorder au réfugié relevant de l'une des hypothèses visées à ces dernières dispositions et se trouvant sur le territoire dudit Etat membre, à tout le moins, le bénéfice des droits et protections consacrés par la convention de Genève auxquels cet article 14, paragraphe 6, fait expressément référence, en particulier la protection contre le refoulement vers un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée, ainsi que des droits prévus par ladite convention dont la jouissance n'exige pas une résidence régulière.
5. Il résulte des motifs qui précèdent que les dispositions de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne permettent à l'OFPRA que de refuser d'exercer la protection juridique et administrative d'un réfugié ou d'y mettre fin, dans les limites prévues par l'article 33, paragraphe 1, de la convention de Genève et le paragraphe 6 de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011, lorsqu'il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de l'intéressé constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ou lorsque l'intéressé a été condamné en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et que sa présence constitue une menace grave pour la société. La perte du statut de réfugié résultant de l'application de l'article L. 711-6 ne saurait dès lors avoir une incidence sur la qualité de réfugié, que l'intéressé est réputé avoir conservé dans l'hypothèse où l'OFPRA et, le cas échéant, le juge de l'asile, font application de l'article L. 711-6, dans les limites prévues par l'article 33, paragraphe 1, de la convention de Genève et le paragraphe 6 de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011.
6. En premier lieu, il ressort des énonciations de la décision attaquée qu'alors que l'OFPRA n'avait pas remis en cause devant elle la qualité de réfugié de M. B..., la Cour a vérifié d'office que celui-ci remplissait les conditions prévues aux articles 1er de la convention de Genève et L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la possibilité de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin, en application de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est sans incidence sur le fait que l'intéressé a ou conserve la qualité de réfugié, la Cour nationale du droit d'asile en procédant de la sorte alors qu'elle était seulement saisie d'un recours dirigé contre une décision mettant fin au statut de réfugié prise sur le fondement dudit article L. 711-6 a méconnu son office et entaché sa décision d'erreur de droit.
7. En second lieu, il résulte des dispositions précitées du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient à l'OFPRA et, en cas de recours, à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, de vérifier si l'intéressé a fait l'objet de l'une des condamnations qu'elles visent et, d'autre part, d'apprécier si sa présence sur le territoire français est de nature à constituer, à la date de leur décision, une menace grave pour la société au sens des dispositions précitées, c'est-à-dire si elle est de nature à affecter un intérêt fondamental de la société, compte tenu des infractions pénales commises - lesquelles ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une décision refusant le statut de réfugié ou y mettant fin - et des circonstances dans lesquelles elles ont été commises, mais aussi du temps qui s'est écoulé et de l'ensemble du comportement de l'intéressé depuis la commission des infractions ainsi que de toutes les circonstances pertinentes à la date à laquelle ils statuent.
8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a été condamné en 2015, par un arrêt devenu définitif de la cour d'assises du Val-de-Marne, à une peine de dix ans de réclusion criminelle pour tentative d'assassinat sur la personne de son beau-frère. En relevant les circonstances de cette condamnation ainsi que celles dans lesquelles M. B... avait pu se procurer une arme, tout en mettant en balance ces éléments avec l'attitude de l'intéressé, sa situation familiale et personnelle au moment des faits ainsi que le comportement exemplaire dont il a fait preuve au cours de sa détention, lequel a conduit à l'obtention de plusieurs réductions de peine pour en déduire qu'il ne constituait pas, à la date de sa décision, une menace grave pour la société au sens du 2° de l'article L. 711-6, la Cour nationale du droit d'asile n'a pas entaché sa décision d'inexacte qualification juridique des faits.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFPRA est seulement fondé à demander l'annulation de l'article 2 de la décision qu'il attaque.
D E C I D E :
--------------
Article 1 : L'article 2 de la décision du 25 mai 2018 de la Cour nationale du droit d'asile est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de l'OFPRA est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. A... B....
N° 422740
ECLI:FR:CECHR:2020:422740.20200619
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Myriam Benlolo Carabot, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats
Lecture du vendredi 19 juin 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a, par décision du 21 décembre 2017, mis fin au statut de réfugié de M. A... B... en application du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'il a été condamné en dernier ressort en France pour un crime particulièrement grave et que sa présence constitue une menace grave pour la société. Par une décision n° 18001448 du 25 mai 2018, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et maintenu l'intéressé dans sa qualité de réfugié.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 30 octobre 2018, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 mai 2018 ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;
- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- l'arrêt C-391/16, C77/17 et C-78/17 du 14 mai 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'OFPRA ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 21 décembre 2017, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a, sur le fondement du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mis fin au statut de réfugié de M. A... B..., de nationalité turque. Saisie par l'intéressé, la Cour nationale du droit d'asile a annulé, par une décision du 25 mai 2018, contre laquelle l'OFPRA se pourvoit en cassation, la décision du 21 décembre 2017.
2. D'une part, le 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève stipule que la qualité de réfugié est notamment reconnue à " toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (...) ". En vertu du c) du paragraphe F de l'article 1er de la même convention, repris au paragraphe 2, sous c), de l'article 12 de la directive n° 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, " Les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : (...) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. ". L'article 14 de la directive du 13 décembre 2011 dispose que : " (...) 3. Les Etats membres révoquent le statut de réfugié de tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride, y mettent fin ou refusent de le renouveler, s'ils établissent, après lui avoir octroyé le statut de réfugié, que : / a) le réfugié est ou aurait dû être exclu du statut de réfugié en vertu de l'article 12 (...) ". L'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015 dispose que : " L'office peut également mettre fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque, (...) / 3° Le réfugié doit, compte tenu de circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application des sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951, précitée ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011 : " (...) 4. Les États membres peuvent révoquer le statut octroyé à un réfugié par une autorité gouvernementale, administrative, judiciaire ou quasi judiciaire, y mettre fin ou refuser de le renouveler, / a) lorsqu'il existe des motifs raisonnables de le considérer comme une menace pour la sécurité de l'État membre dans lequel il se trouve ; / b) lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre. / 5. Dans les situations décrites au paragraphe 4, les États membres peuvent décider de ne pas octroyer le statut de réfugié, lorsqu'une telle décision n'a pas encore été prise. / 6. Les personnes auxquelles les paragraphes 4 et 5 s'appliquent ont le droit de jouir des droits prévus aux articles 3, 4, 16, 22, 31, 32 et 33 de la convention de Genève ou de droits analogues, pour autant qu'elles se trouvent dans l'État membre ". L'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour la transposition des dispositions précitées du 4 de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011, dispose que : " Le statut de réfugié peut être refusé ou il peut être mis fin à ce statut lorsque : / 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ; / 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société. ".
4. Les dispositions de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être interprétées conformément aux objectifs de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 dont ils assurent la transposition et qui visent à assurer, dans le respect de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, d'une part, que tous les États membres appliquent des critères communs pour l'identification des personnes nécessitant une protection internationale et, d'autre part, un niveau minimal d'avantages à ces personnes dans tous les États membres. Il résulte des paragraphes 4 et 5 de l'article 14 de cette directive, tels qu'interprétés par l'arrêt C-391/16, C77/17 et C-78/17 du 14 mai 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne, que la " révocation " du statut de réfugié ou le refus d'octroi de ce statut, que leurs dispositions prévoient, ne saurait avoir pour effet de priver de la qualité de réfugié le ressortissant d'un pays tiers ou l'apatride concerné qui remplit les conditions pour se voir reconnaître cette qualité au sens du A de l'article 1er de la convention de Genève. En outre, le paragraphe 6 de l'article 14 de cette même directive doit être interprété en ce sens que l'Etat membre qui fait usage des facultés prévues à l'article 14, paragraphes 4 et 5, de cette directive, doit accorder au réfugié relevant de l'une des hypothèses visées à ces dernières dispositions et se trouvant sur le territoire dudit Etat membre, à tout le moins, le bénéfice des droits et protections consacrés par la convention de Genève auxquels cet article 14, paragraphe 6, fait expressément référence, en particulier la protection contre le refoulement vers un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée, ainsi que des droits prévus par ladite convention dont la jouissance n'exige pas une résidence régulière.
5. Il résulte des motifs qui précèdent que les dispositions de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne permettent à l'OFPRA que de refuser d'exercer la protection juridique et administrative d'un réfugié ou d'y mettre fin, dans les limites prévues par l'article 33, paragraphe 1, de la convention de Genève et le paragraphe 6 de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011, lorsqu'il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de l'intéressé constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ou lorsque l'intéressé a été condamné en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et que sa présence constitue une menace grave pour la société. La perte du statut de réfugié résultant de l'application de l'article L. 711-6 ne saurait dès lors avoir une incidence sur la qualité de réfugié, que l'intéressé est réputé avoir conservé dans l'hypothèse où l'OFPRA et, le cas échéant, le juge de l'asile, font application de l'article L. 711-6, dans les limites prévues par l'article 33, paragraphe 1, de la convention de Genève et le paragraphe 6 de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011.
6. En premier lieu, il ressort des énonciations de la décision attaquée qu'alors que l'OFPRA n'avait pas remis en cause devant elle la qualité de réfugié de M. B..., la Cour a vérifié d'office que celui-ci remplissait les conditions prévues aux articles 1er de la convention de Genève et L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la possibilité de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin, en application de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est sans incidence sur le fait que l'intéressé a ou conserve la qualité de réfugié, la Cour nationale du droit d'asile en procédant de la sorte alors qu'elle était seulement saisie d'un recours dirigé contre une décision mettant fin au statut de réfugié prise sur le fondement dudit article L. 711-6 a méconnu son office et entaché sa décision d'erreur de droit.
7. En second lieu, il résulte des dispositions précitées du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient à l'OFPRA et, en cas de recours, à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, de vérifier si l'intéressé a fait l'objet de l'une des condamnations qu'elles visent et, d'autre part, d'apprécier si sa présence sur le territoire français est de nature à constituer, à la date de leur décision, une menace grave pour la société au sens des dispositions précitées, c'est-à-dire si elle est de nature à affecter un intérêt fondamental de la société, compte tenu des infractions pénales commises - lesquelles ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une décision refusant le statut de réfugié ou y mettant fin - et des circonstances dans lesquelles elles ont été commises, mais aussi du temps qui s'est écoulé et de l'ensemble du comportement de l'intéressé depuis la commission des infractions ainsi que de toutes les circonstances pertinentes à la date à laquelle ils statuent.
8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a été condamné en 2015, par un arrêt devenu définitif de la cour d'assises du Val-de-Marne, à une peine de dix ans de réclusion criminelle pour tentative d'assassinat sur la personne de son beau-frère. En relevant les circonstances de cette condamnation ainsi que celles dans lesquelles M. B... avait pu se procurer une arme, tout en mettant en balance ces éléments avec l'attitude de l'intéressé, sa situation familiale et personnelle au moment des faits ainsi que le comportement exemplaire dont il a fait preuve au cours de sa détention, lequel a conduit à l'obtention de plusieurs réductions de peine pour en déduire qu'il ne constituait pas, à la date de sa décision, une menace grave pour la société au sens du 2° de l'article L. 711-6, la Cour nationale du droit d'asile n'a pas entaché sa décision d'inexacte qualification juridique des faits.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFPRA est seulement fondé à demander l'annulation de l'article 2 de la décision qu'il attaque.
D E C I D E :
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Article 1 : L'article 2 de la décision du 25 mai 2018 de la Cour nationale du droit d'asile est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de l'OFPRA est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. A... B....