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Ariane Web: Conseil d'État 436570, lecture du 16 juillet 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:436570.20200716

Décision n° 436570
16 juillet 2020
Conseil d'État

N° 436570
ECLI:FR:CECHR:2020:436570.20200716
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Bastien Lignereux, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP COLIN-STOCLET, avocats


Lecture du jeudi 16 juillet 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013. Par un jugement n° 1801016 du 4 juin 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 19LY03062 du 9 octobre 2019, le président de la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 décembre 2019 et les 9 mars et 10 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention conclue le 10 septembre 1971 entre la France et le Brésil en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Colin-Stoclet, avocat de M. A... ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., dont il est constant qu'il était domicilié fiscalement en France au titre de l'année 2013 en vertu de l'article 4 B du code général des impôts, a été assujetti à l'issue d'un contrôle sur pièces à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales à raison de profits sur instruments financiers à terme, de dividendes et de gains de cession de valeurs mobilières réalisés lors de cette année. Il se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 9 octobre 2019 par laquelle le président de la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre un jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 juin 2019 rejetant sa demande de décharge de ces impositions.

2. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / (...) " Aux termes de l'article 4 B du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. / (...) ".

3. Aux termes de l'article 1er de la convention conclue le 10 septembre 1971 entre la France et le Brésil tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu : " La présente Convention s'applique aux personnes qui sont des résidents d'un Etat contractant ou de chacun des deux Etats. ". Aux termes de l'article 4 de cette convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat contractant, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. / 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : / a) Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent. Lorsqu'elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans chacun des Etats contractants, elle est considérée comme résidente de l'Etat contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; / b) Si l'Etat contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle ; / c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des Etats contractants ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant dont elle possède la nationalité ; (...) ". Pour l'application de ces stipulations, le séjour habituel dans un Etat s'apprécie au regard de la fréquence, de la durée et de la régularité des séjours dans cet Etat qui font partie du rythme de vie normal de la personne et ont un caractère plus que transitoire, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la durée totale des séjours qu'elle y a effectués excède la moitié de l'année.

4. Pour juger, par adoption des motifs du jugement de première instance, que M. A... devait, pour l'application de cette convention, être regardé comme résident de France au titre de l'année 2013, le président de la deuxième chambre de la cour, après avoir estimé que M. A... ne pouvait être regardé comme disposant d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des deux Etats parties, a jugé qu'il ne séjournait de façon habituelle dans aucun de ces deux Etats et s'est, par suite, fondé sur la nationalité française de l'intéressé en application des stipulations du c du 2 de l'article 4 de cette convention. En confirmant l'appréciation du tribunal administratif, selon laquelle les pièces du dossier ne permettaient pas de reconstituer la durée de présence au Brésil de M. A..., alors que ce dernier avait produit devant le tribunal la copie de pages de son passeport comportant les tampons des autorités douanières brésiliennes et établissant qu'il avait effectué en 2013 au moins trois séjours dans cet Etat, d'une durée d'au moins vingt jours chacun, pour une durée totale d'environ 245 jours, l'auteur de l'ordonnance attaquée a dénaturé les pièces du dossier. Il a, par suite, inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis, dès lors que la fréquence, la durée et la régularité des séjours au Brésil de M. A... en 2013 caractérisaient un séjour habituel dans cet Etat, pour l'application des stipulations du b du 2 du même article. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que son ordonnance doit être annulée.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon du 9 octobre 2019 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


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