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Ariane Web: Conseil d'État 431349, lecture du 28 septembre 2020, ECLI:FR:CECHS:2020:431349.20200928

Décision n° 431349
28 septembre 2020
Conseil d'État

N° 431349
ECLI:FR:CECHS:2020:431349.20200928
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. Olivier Rousselle, rapporteur
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du lundi 28 septembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juin 2019 et 8 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Groupe Canal Plus et la société C8 demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) du 3 avril 2019 refusant de retirer sa décision n° 2017-532 du 26 juillet 2017 infligeant à la société C8 une sanction pécuniaire de 3 millions d'euros ;

2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 6000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la societe Groupe Canal Plus et de la société C8.



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " Les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et les opérateurs de réseaux satellitaires peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 ". Aux termes de l'article 42-1 de la même loi : " Si la personne faisant l'objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, et à la condition que celui-ci repose sur des faits distincts ou couvre une période distincte de ceux ayant déjà fait l'objet d'une mise en demeure, une des sanctions suivantes : / (...) 3° Une sanction pécuniaire assortie éventuellement d'une suspension de l'édition ou de la distribution du ou des services ou d'une partie du programme (...) ".

2. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 26 juillet 2017, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a, par application des dispositions citées ci-dessus, infligé à la société C8 une sanction pécuniaire d'un montant de 3 millions d'euros en raison d'une séquence de l'émission " Touche pas à mon poste ", diffusée le 18 mai 2017 par le service C8, au cours de laquelle l'animateur incitait des personnes contactées par téléphone à tenir des propos d'une crudité appuyée dévoilant leur intimité et exposant leur vie privée, alors même qu'elles ne pouvaient imaginer que leurs propos seraient diffusés lors d'une émission publique.

3. Il résulte également de l'instruction que, parmi les nombreuses réactions critiques suscitées par la diffusion de cette séquence, figurait le témoignage d'une personne qui soutenait que son passage à l'antenne, lors de l'émission, avait eu pour elle des conséquences très graves. Ce récit, qui avait été largement relayé dans les médias avant que n'intervienne la sanction infligée à la société C8, fut toutefois démenti quelques mois plus tard. La société Groupe Canal Plus et la société C8 ont, en conséquence, demandé au CSA de retirer la sanction prononcée à raison de cette émission. Elles demandent l'annulation de la décision par laquelle le CSA a rejeté leur demande.

4. S'il est constant que les allégations du récit se présentant comme le témoignage d'un auditeur ayant participé à l'émission en litige étaient inexactes, il résulte de l'instruction que la sanction prononcée ne reposait que sur le contenu de cette émission et non sur ses conséquences supposées. Les sociétés requérantes ne sont, par suite, pas fondées à soutenir que la sanction dont elles demandaient le retrait a, à raison du caractère mensonger de ce récit, été prise sur le fondement de faits matériellement inexacts.

5. Elles ne sont, ainsi, pas fondées à demander l'annulation de la décision qu'elles attaquent, laquelle, contrairement à ce qu'elles soutiennent, a bien été délibérée par le collège du CSA lors de sa réunion du 3 avril 2019.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du CSA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Groupe Canal Plus et de la société C8 est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Groupe Canal Plus, premier requérant dénommé et au CSA.
Copie en sera adressée à la ministre de la culture.