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Ariane Web: Conseil d'État 445367, lecture du 29 octobre 2020, ECLI:FR:CEORD:2020:445367.20201029

Décision n° 445367
29 octobre 2020
Conseil d'État

N° 445367
ECLI:FR:CEORD:2020:445367.20201029
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés


Lecture du jeudi 29 octobre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

I. Sous le n° 445367, par une requête, deux mémoires complémentaires, un mémoire en réplique et un mémoire, enregistrés les 15, 22, 26, 27 et 28 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... H... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire en tant qu'il s'applique à d'autres territoires que ceux mentionnés à l'annexe II du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.



Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que le décret contesté produit des effets immédiats, pour une durée maximale d'un mois, qu'une présomption d'urgence doit être déduite en l'espèce des articles L. 521-1 du code de justice administrative et L. 3131-18 du code de la E... publique ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît l'article L. 3131-13 du code de la E... publique en ce qu'il ne précise pas les conditions dans lesquelles les données sanitaires scientifiques ayant fondé une telle déclaration seront rendues publiques ;
- le décret contesté méconnaît le principe de nécessité et de proportionnalité des mesures de police administrative et l'article L. 3131-12 du code de la E... publique en ce que la situation sanitaire actuelle ne caractérise pas une catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la E... de la population et justifiant la déclaration de l'état d'urgence sur l'ensemble du territoire national ;
- la prolongation du délai laissé au ministre des solidarités et de la E... pour produire un mémoire en défense devant le Conseil d'Etat méconnaît les principes du caractère contradictoire de la procédure, d'impartialité et de loyauté de l'instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2020, le ministre des solidarités et de la E... conclut au rejet de la requête. Il soutient, d'une part, que le décret contesté n'emporte, par lui-même, aucune mesure applicable au requérant et n'affecte en rien sa situation ou ses intérêts et, d'autre part, que les moyens ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée pour observations au Premier ministre qui n'a pas produit de mémoire.



II. Sous le n° 445559, par une requête, enregistrée le 21 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. T... A... I... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire ;

2°) d'annuler la décision, révélée par les déclarations du Président de la République en date du 13 octobre 2020 et par une publication sur le site du gouvernement, par laquelle le Président de la République a ordonné un couvre-feu en Ile-de-France et dans
les métropoles de Grenoble, Lille ; Lyon, Aix-Marseille, Saint-Etienne, Rouen, Montpellier
et Toulouse ;

3°) à défaut, d'ordonner la suspension de l'exécution de ces décisions.



Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie eu égard, d'une part, à l'immédiateté et à la gravité de l'atteinte qui est portée aux libertés fondamentales et, d'autre part, à l'absence d'urgence s'attachant à l'exécution des actes contestés ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir, à la liberté d'entreprendre, à la liberté de mener une vie privée et familiale normale, à la liberté de culte et à la liberté de réunion ;
- le décret du 14 octobre 2020 est entaché d'illégalité en ce que, d'une part, il méconnaît l'article L. 3131-13 du code de la E... publique, eu égard à l'insuffisance de sa motivation et à l'absence de publication des données sanitaires scientifiques sur le fondement desquelles il a été pris et, d'autre part, aucune surmortalité ou croissance importante des personnes malades du virus covid-19 ne permet de révéler une situation d'urgence sanitaire justifiant une telle mesure ;
- la décision du Président de la République est illégale en ce que, d'une part, elle est entachée d'incompétence de A... auteur et méconnaît par suite le principe de séparation des pouvoirs et les articles 7 et 20 de la Constitution, dès lors que seul le Premier ministre était compétent pour prendre de telles mesures et, d'autre part, elle est entrée en vigueur sans publication au Journal officiel de la République française, en méconnaissance du principe d'accessibilité du droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2020, le ministre des solidarités et de la E... conclut au rejet de la requête. Il soutient, d'une part, que l'annonce du Président de la République et le décret contesté n'emportent, par eux-mêmes, aucune mesure applicable au requérant et n'affectent en rien sa situation ou ses intérêts et, d'autre part, qu'il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... I... déclare se désister purement et simplement de la requête.

La requête a été communiquée pour observations au Premier ministre qui n'a pas produit de mémoire.



III. Sous le n° 445637, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrées les 23 et 28 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. O... Q..., M. N... J..., M. L... P..., Mme S... F..., Mme D... K..., M. M... R... et Mme G... C... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de prendre toute mesure conservatoire utile à la protection des libertés fondamentales en cas de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ;

2°) à titre principal, d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au Président de la République de préciser et de limiter les circonscriptions administratives objectivement concernées, communiquer sans délai l'ensemble des données scientifiques justifiant ce décret et communiquer sans délai la méthode et les données permettant le calcul du taux d'occupation des lits en réanimation et en soins intensifs ainsi que les données brutes de calcul sur les trois dernières semaines ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable dès lors que le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort et qu'ils justifient d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
- la condition d'urgence est remplie eu égard à la gravité de l'atteinte qui est portée aux libertés fondamentales ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir, à la liberté d'entreprendre, à la liberté de réunion et à la liberté de manifestation ;
- le décret contesté méconnaît l'article L. 3131-13 du code de la E... publique en raison de l'insuffisance de sa motivation et de l'absence de publication des données sanitaires scientifiques sur le fondement desquelles il a été pris ;
- le décret contesté est injustifié, disproportionné et inadapté aux objectifs poursuivis de lutte contre l'épidémie covid-19 dès lors, en premier lieu, qu'il s'applique sur l'ensemble du territoire sans distinguer les zones géographiques moins densément peuplées, en deuxième lieu, que les données scientifiques disponibles pour le grand public, notamment le taux d'incidence, les résultats des test PCR-RT, le taux de létalité du virus et le taux d'occupation des lits en réanimation, ne démontrent pas l'existence d'une situation de péril sanitaire nécessitant l'instauration d'un état d'urgence.

Par un mémoire distinct, enregistré le 26 octobre 2020, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. Q... et les autres requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 3131-13 du code de la E... publique. Ils soutiennent que cet article est applicable au litige et n'a jamais été déclaré conforme à la Constitution.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2020, le ministre des solidarités et de la E... conclut au rejet de la requête. Il soutient, d'une part, que le décret contesté n'emporte, par lui-même, aucune mesure applicable au requérant et n'affectent en rien sa situation ou ses intérêts et, d'autre part, qu'il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment A... Préambule ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la E... publique ;
- la loi n° 2020-290 du 24 mars 2020 ;
- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;
- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 85-187 DC du 25 janvier 1985 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015 ;
- la décision n° 2020-803 DC du 9 juillet 2020 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. H...,
M. A... I..., M. Q... et les autres requérants et, d'autre part, le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la E... ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 28 octobre 2020 à 14 heures :

- Me Zribi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. H..., M. Q... et des autres requérants ;

- M. B... H... ;

- le représentant des requérants ;

- les représentants du ministre des solidarités et de la E... ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction.



Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes visées ci-dessus, qui sont présentées, pour l'une, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, pour les autres, sur le fondement de l'article L. 521-2 du même code, sont dirigées contre le même décret. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.


Sur les conclusions de M. A... I... tendant à ce qu'il soit donné acte de A... désistement :

2. Le désistement d'instance de M. A... I... est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.


Sur le cadre du litige :

3. Aux termes de l'article L.3131-12 du code de la E... publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la E... de la population ". L'article L.3131-13 du même code, applicable, en vertu de l'article 7 de la même loi, jusqu'au
1er avril 2021, précise que " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la E.... Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l'état d'urgence sanitaire. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures. /La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 ". Enfin, il résulte de l'article L. 3131-15 du même code que " dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la E..., aux seules fins de garantir la E... publique " prendre un certain nombre de mesures de restriction ou d'interdiction des déplacements, activités et réunions " strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ".

4. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de E... publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la E... le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la E... puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 mentionnée ci-dessus a créé un régime d'état d'urgence sanitaire aux articles L. 3131-12 à L.3131-20 du code de la E... publique et déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. L'évolution de la situation sanitaire a conduit à un assouplissement des mesures prises et la loi du 9 juillet 2020, a organisé un régime de sortie de cet état d'urgence.

5. Une nouvelle progression de l'épidémie a conduit le Président de la République à prendre, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la E... publique, le décret contesté du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence à compter du 17 octobre à 00 heure sur l'ensemble du territoire national. Un décret du Premier ministre du 16 octobre 2020 a prescrit un certain nombre des mesures définies à l'article L. 3131-15 du même code.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre l'article
L. 3131-31 du code de la E... publique :

6. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

7. Les requérants soutiennent, en premier lieu, qu'en donnant compétence au pouvoir règlementaire pour déclarer l'état d'urgence sanitaire d'une part et en n'entourant pas cette déclaration, qui emporte une atteinte grave à de nombreuses libertés, de garanties suffisantes, en particulier de précisions quant à sa nécessité ou d'un délai d'intervention du Parlement plus court, les dispositions citées ci-dessus de l'article L.3131-13 du code de la E... publique seraient entachées d'incompétence négative et méconnaitraient les articles 2,4, 11 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

8. En vertu de l'article 34 de la Constitution la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. La Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence, en particulier en cas de catastrophe sanitaire. Il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer la conciliation entre, d'une part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République, d'autre part, l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la E.... Le législateur a ainsi organisé, de manière temporaire, jusqu'au 1er avril 2021, un régime d'état d'urgence qui peut être déclaré dans le cas d'une " catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la E... de la population ", appelant tout ou partie des mesures d'interdiction ou de restriction dont l'article L. 3131-15 du code de la E... publique dresse la liste en précisant qu'elles ne peuvent être édictées qu'" aux seules fins de garantir la E... publique ", qu'elles doivent être " strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ", enfin qu'" il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ". En prévoyant que l'état d'urgence sanitaire, qui n'emporte par lui-même aucune atteinte aux droits et libertés, est déclaré par décret du Président de la République délibéré en conseil des ministres plutôt que par la loi, alors que la situation sanitaire appelle l'édiction rapide des mesures que le législateur a lui-même définies à l'article L. 3131-15 du code de la E... publique sous les conditions et garanties qui viennent d'être rappelées et en fixant à un mois le délai au-delà duquel l'état d'urgence ne peut se poursuivre que par décision du législateur alors que le Parlement est informé sans délai des mesures prises à ce titre, qu'il peut y être mis fin à tout moment et que l'évaluation de leur efficacité peut devoir requérir une information indisponible dans les premiers temps de leur mise en oeuvre, le législateur n'a, en tout état de cause, pas entaché d'une incompétence négative portant atteinte aux droits et libertés invoqués les dispositions litigieuses de l'article L. 3131-13 du code de la E... publique.

9. Il est soutenu en second lieu que ces mêmes dispositions méconnaîtraient les articles 2 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'elles porteraient atteinte au principe de sécurité juridique, qui garantit notamment la prévisibilité de la loi. Toutefois et en tout état de cause, la seule circonstance que les dispositions législatives litigieuses, applicables jusqu'au 1er avril 2021, soient susceptibles de recevoir ou non application à plusieurs reprises en vue de la lutte contre l'épidémie jusqu'à cette date et alors que les dispositions arrêtées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire sont susceptibles de recours devant le juge compétent, y compris par la voie de référés, ne saurait caractériser une méconnaissance des droits et libertés invoqués.

10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 3131-13 du code de la E... publique porterait atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit doit être écarté.

Sur les conclusions à fin de suspension présentées sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

11. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

12. En premier lieu, le décret énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Si, en outre, les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 3131-13 du code de la E... publique prescrivent la publication des données scientifiques sur la situation sanitaire ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence sanitaire, elles n'imposent ni une publication simultanée, sur le même support, de ces données et de la déclaration, ni que celle-ci précise quand et sous quelle forme aura lieu cette publication. En l'espèce le décret litigieux a été publié au Journal officiel de la République française le 15 octobre 2020. Il est constant que sont publiés par l'Agence nationale de E... publique, aussi connue sous le nom de " E... publique France ", établissement public de l'Etat, des données sanitaires sur l'épidéme, mises à jour quotidiennement, que E... publique France publie des bulletins épidémiologiques hebdomadaires, nationaux et régionaux, et qu'a ainsi été publié le 15 octobre 2020 un bulletin basé sur les données épidémiologiques de surveillance du covid-19 qui lui ont été rapportées jusqu'au 13 octobre 2020. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de L.3131-13 du code de la E... publique relatives à la motivation du décret comme à la publicité des données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire ne sont pas propres à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret.

13. En second lieu, dans le contexte caractérisé par une persistance de la gravité de la situation sanitaire depuis plusieurs mois, de A... aggravation dans de nombreux départements, comme des caractéristiques d'une situation épidémique et des conséquences directes et indirectes de celles-ci dans les structures de soins et pour ceux qui doivent y être accueillis , le moyen tiré de ce que la déclaration d'état d'urgence ne serait nécessaire et donc légale que pour une partie seulement du territoire national n'est pas plus de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du décret litigieux.

14. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. H... doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence.


Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

15. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".

16. La déclaration d'état d'urgence sanitaire donne au Premier ministre compétence pour prendre ou prescrireles mesures mentionnées à l'article L. 3131-15 du code de la E... publique qui sont susceptibles, là où elles s'appliquent, de porter une atteinte grave, notamment à la liberté d'aller et venir, d'entreprendre ou de mener une vie privée et familiale normale et qui, en l'espèce, ont été prises par un décret du 16 octobre 2020. Toutefois cette déclaration est par elle-même, ainsi qu'il a déjà été dit, sans effet sur l'exercice de ces droits et libertés. Pour ces motifs et ceux énoncés au point 13, le moyen tiré de ce que le décret litigieux porterait une atteinte grave et manifestement illégale à ceux-ci faute d'être justifié par la situation sanitaire, d'être compatible avec les dispositions en vigueur de la loi de sortie de l'urgence sanitaire du 9 juillet 2020 et d'être restreint à certaines parties du territoire national doit être écarté. Il en va de même, en tout état de cause, pour les motifs énoncés au point 12, du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions législatives relative à la motivation du décret litigieux et la publicité des données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire.

17. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. Q... et des autres requérants tendant à la suspension du décret litigieux doivent être rejetées. Il en va de même, pour les mêmes motifs, des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au Président de la République de communiquer les données ainsi que les méthodes sur la base desquelles ce décret a été pris ainsi que, par voie de conséquence, des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



O R D O N N E :
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Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de M. A... I....
Article 2 : Les requêtes de MM H..., Q... et autres sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... H..., à M. A... I..., à M. O... Q..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, et au ministre des solidarités et de
la E....
Copie en sera adressée au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.