Conseil d'État
N° 424455
ECLI:FR:CECHR:2020:424455.20201113
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Martin Guesdon, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
CABINET BRIARD, avocats
Lecture du vendredi 13 novembre 2020
Vu la procédure suivante :
La société Orange, anciennement dénommée France Télécom SA, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge ou, à défaut, la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2005 et 2006, ainsi que des intérêts de retard correspondants, à hauteur de 1 952 322 455 euros.
Par un jugement n° 1110039 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 13VE02491 du 18 février 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Orange contre ce jugement.
Par une décision n° 398859 du 5 décembre 2016, rendue sur le pourvoi de la société Orange, le Conseil d'État, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Par un nouvel arrêt n° 16VE03503 du 24 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel de la société Orange.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 septembre 2018, 7 décembre 2018 et 19 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Orange demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au cabinet Briard, avocat de la société Orange ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que jusqu'au 31 décembre 2004, la société France Télécom SA, devenue la SA Orange, mère d'un groupe fiscalement intégré au sens des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, détenait la totalité du capital de la société Cogecom, incluse dans le périmètre d'intégration fiscale. Les titres Cogecom, inscrits à l'actif du bilan de la société France Telecom SA pour un montant de 30 260 millions d'euros ont, en 2002 et 2003, fait l'objet de provisions pour dépréciation, non déduites fiscalement, s'élevant à 11 519 millions d'euros au 31 décembre de l'exercice clos en 2004 compte tenu d'une reprise partielle opérée au titre de cet exercice. Le 5 décembre 2005, la société Cogecom a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine au profit de la société France Télécom SA avec effet rétroactif au 1er janvier 2005. Les provisions pour dépréciation des titres Cogecom, devenues sans objet, ont été annulées à la clôture de l'exercice 2005. Cette annulation n'a toutefois pas été prise en compte pour la détermination du résultat fiscal de cet exercice dès lors que les provisions n'avaient pas été déduites pour la détermination des résultats fiscaux des exercices antérieurs. En revanche, la société France Télécom a déduit la perte, correspondant à des moins-values, résultant de la transmission universelle de patrimoine à son profit. Elle a substitué l'actif net reçu de Cogecom à la valeur nette comptable de ces titres et a inscrit à l'actif de son bilan un mali technique de 1 488 millions d'euros, calculé par différence entre ces deux valeurs. Une somme d'un montant égal à celui des provisions pour dépréciation a été en outre déduite fiscalement au titre du mali de confusion, cette déduction ayant été répartie entre, d'une part, le régime des plus-values à long terme pour 2 940 millions d'euros et, d'autre part, le régime des plus-values à court terme pour 8 578 millions d'euros.
2. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a estimé qu'en application du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, les provisions comptabilisées en 2002 et 2003 auraient dû être déduites du résultat de la société France Telecom SA, avant d'être neutralisées au niveau du résultat d'ensemble, puis reprises à la suite de la transmission universelle de patrimoine les rendant sans objet. Cette reprise ne pouvant être neutralisée pour la détermination du résultat d'ensemble en raison de la sortie de la société Cogecom du groupe fiscalement intégré, l'administration fiscale a rehaussé le résultat à long terme de la société France Telecom SA pour un montant net de 11 319 millions d'euros et a tiré les conséquences de ce rehaussement sur l'exercice clos en 2006 en remettant en cause le report des moins-values à long terme constatées au cours d'exercices précédents à hauteur de 3 775 millions d'euros, compte tenu de la rectification opérée au titre de l'exercice 2005 sur lequel ces moins-values reportables ont été intégralement imputées. Elle a ainsi rehaussé le résultat imposable à long terme de l'exercice 2006 de la société d'un montant de 1 689 millions d'euros.
3. Saisie d'une requête par laquelle la société Orange relevait appel du jugement du 4 juillet 2013 du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre de ses exercices clos en 2005 et 2006, ainsi que des intérêts de retard correspondants, à hauteur de 1 952 322 455 euros, la cour administrative d'appel de Versailles a, par un arrêt du 18 février 2016, refusé d'y faire droit. Par une décision du 5 décembre 2016, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles et renvoyé l'affaire à cette cour qui a, par un arrêt du 24 juillet 2018, rejeté la demande présentée par la société Orange.
Sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement de première instance :
4. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 20 juin 2013, rendu postérieurement à la clôture de l'instruction qui avait été fixée, en première instance dans l'affaire faisant l'objet du présent pourvoi, au 21 mai 2013, le tribunal administratif de Montreuil s'est prononcé sur le litige relatif aux rectifications notifiées à la société Orange au titre des exercices 2000 à 2004. Se fondant sur ce jugement, la société a, par une note en délibéré du 28 juin 2013, demandé au tribunal, dans l'hypothèse où ses conclusions principales seraient rejetées, de procéder à un dégrèvement en base de 266 millions d'euros et de prononcer à hauteur de ce montant la réduction des impositions supplémentaires contestées au titre de l'exercice 2005.
6. Pour écarter les moyens mettant en cause la régularité du jugement de première instance, tirés de ce que le tribunal administratif de Montreuil n'avait pas rouvert l'instruction après la production de la note en délibéré ni répondu au moyen tiré de l'imputation sur l'exercice 2005 d'une moins-value de long terme reportable, la cour administrative d'appel a retenu que le jugement du 20 juin 2013 du tribunal administratif de Montreuil ne contenait aucune circonstance de fait ou de droit dont la société n'était pas en mesure de faire état avant la clôture d'instruction. En statuant ainsi, alors que le tribunal administratif de Montreuil s'est borné à estimer dépourvu de portée le moyen tiré de ce que la provision de 266 millions d'euros constituée par la société Cogecom sur les titres Atrium 3 ne pouvait être regardée, contrairement à ce que soutenait l'administration, comme un acte anormal de gestion et alors qu'il était loisible à la société de demander, avant l'intervention du jugement du 20 juin 2013, l'imputation sur l'exercice 2005 des déficits et moins-values antérieures, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur le moyen tiré de l'omission de statuer par la cour administrative d'appel :
7. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ou d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d'une période donnée, même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire. Les réclamations peuvent être présentées à compter de la réception de la réponse aux observations du contribuable mentionnée à l'article L. 57, ou à compter d'un délai de 30 jours après la notification prévue à l'article L. 76 ou, en cas de saisine de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, à compter de la notification de l'avis rendu par cette commission ".
8. Il résulte des dispositions du deuxième alinéa de cet article que le contribuable peut contester une rectification opérée par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ou d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée, alors même qu'aucune imposition supplémentaire n'en est résulté. Le contribuable peut, parallèlement, en vertu du premier alinéa de ce même article, demander la décharge ou la réduction d'une imposition mise en recouvrement en contestant la même rectification. Dans l'hypothèse où le contribuable saisit le juge sur le fondement de ces deux voies de recours, il appartient au juge de l'impôt de statuer sur les deux demandes.
9. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Orange a demandé à la cour administrative d'appel de Versailles, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et dans l'hypothèse où la cour jugeait que l'exercice 2005 n'était pas le premier exercice non prescrit ou faisait droit à la demande de compensation présentée par le ministre, de réduire l'imposition litigieuse à hauteur des moins-values à long terme dont la minoration par l'administration fiscale était contestée au titre des exercices 2000 à 2004, dans le cadre du présent litige et dans celui d'un litige distinct, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. La cour administrative d'appel de Versailles, qui a jugé que 2005 n'était pas le premier exercice non prescrit à hauteur d'une fraction de l'imposition litigieuse, a omis de se prononcer sur cette demande subsidiaire. La société Orange est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a omis de se prononcer sur cette demande.
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
En ce qui concerne l'application du principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et de correction symétrique des bilans :
10. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les comptes de l'exercice. (...) ". Aux termes de l'article 38 du même code dans sa rédaction modifiée par l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004, applicable aux exercices clos à compter du 1er janvier 2005 : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) / 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci./ Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit./ Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé (...) ".
11. Lorsqu'une provision a été constituée dans les comptes de l'exercice, le résultat fiscal de ce même exercice doit, en principe, être diminué du montant de cette provision dont la reprise, lors d'un ou de plusieurs exercices ultérieurs, entraîne, à l'inverse, une augmentation de l'actif net du ou des bilans de clôture du ou des exercices correspondants. Il n'en va autrement que si les règles propres au droit fiscal y font obstacle, notamment les dispositions particulières du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts limitant la déductibilité fiscale de certaines provisions.
12. Pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, lorsqu'une entreprise a, au cours d'un exercice faisant l'objet d'une vérification, comptabilisé une perte tout en procédant à la reprise d'une provision devenue sans objet qu'elle avait comptabilisée au titre d'un exercice antérieur, sans avoir tenu compte de la constitution de cette provision comptable pour la détermination du résultat fiscal de l'exercice concerné bien qu'aucune règle propre au droit fiscal n'y fît obstacle, l'administration fiscale est en droit de corriger la surestimation de l'actif net du bilan d'ouverture de l'exercice au cours duquel la perte a été constatée et la provision a été reprise dans les comptes, en y inscrivant cette provision afin de pouvoir ensuite tirer les conséquences de sa reprise pour la détermination du résultat fiscal de cet exercice.
13. Lorsque la même omission se retrouve dans les écritures de bilan des exercices antérieurs telles que retenues pour la détermination du résultat fiscal, elle doit y être symétriquement corrigée, pour autant qu'elle ne revête pas, pour le contribuable, un caractère délibéré. Ces corrections ne peuvent toutefois, en vertu des dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts citées au point 10, affecter le bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. Ces dispositions font de même obstacle à ce que, pour tirer les conséquences de la reprise d'une provision dont la comptabilisation n'avait pas été prise en compte pour la détermination du résultat fiscal d'un exercice antérieur, l'administration corrige les écritures du premier exercice non prescrit. Les seules exceptions à la règle à caractère objectif que fixent ainsi ces dispositions sont celles qu'elles prévoient à leurs deuxième et troisième alinéas.
14. Lorsque l'application combinée de ces principes fait apparaître une variation d'actif net dans le bilan d'un exercice antérieur à celui de la reprise de la provision faisant l'objet d'une rectification, il appartient à l'administration fiscale ou, le cas échéant, au juge de l'impôt, de tirer les conséquences éventuelles de cette correction du bilan fiscal sur les exercices en litige, sans que cette circonstance fasse obstacle au principe même de la rectification opérée par l'administration.
15. D'autre part, aux termes de l'article 223 B du code général des impôts : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 217 bis (...) / Il est majoré du montant des dotations complémentaires aux provisions constituées par une société après son entrée dans le groupe, à raison des créances qu'elle détient sur d'autres sociétés du groupe ou des risques qu'elle encourt du fait de telles sociétés (...) ". L'article 223 D du même code dispose : " La plus-value nette ou la moins-value nette à long terme d'ensemble est déterminée par la société mère en faisant la somme algébrique des plus-values ou des moins-values nettes à long terme de chacune des sociétés du groupe, déterminées et imposables selon les modalités prévues aux articles 39 duodecies à 39 quindecies et 217 bis (...) / Le montant des dotations complémentaires aux provisions constituées par une société après son entrée dans le groupe à raison des participations détenues dans d'autres sociétés du groupe est ajouté à la plus-value nette à long terme d'ensemble ou déduit de la moins-value nette à long terme d'ensemble (...) ".
16. Après avoir relevé que l'administration fiscale était en droit de rectifier les bases d'imposition de la société au titre de l'exercice clos en 2005 à hauteur de 2 343 214 881 euros dès lors que cet exercice n'était pas le premier exercice non prescrit pour cette fraction de provision, la cour administrative d'appel de Versailles a fait application des principes rappelés aux points 11 à 14. Puis, elle a jugé qu'en application des dispositions citées au point 15 relatives aux règles de détermination du résultat d'ensemble imposable dans le cadre d'un groupe fiscalement intégré, la correction symétrique des bilans antérieurs demeurait sans incidence sur les bases d'imposition de l'exercice clos en 2004 de la société France Telecom en tant que société tête du groupe fiscalement intégré, dès lors que si cette correction conduisait à la déduction de la provision du résultat propre de la société France Telecom, le résultat d'ensemble du groupe aurait dû être majoré du montant de cette provision, neutralisant les effets de l'inscription de la provision au bilan fiscal de clôture de l'exercice 2004 et demeurant ainsi sans conséquence sur les exercices en litige. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
17. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'application des principes d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et de correction symétrique des bilans faisait échec à la reprise de la provision au titre de l'exercice 2005 à hauteur de 2 343 214 881 euros.
En ce qui concerne la substitution de motifs opérée par la cour :
18. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". L'article L. 199 C du livre des procédures fiscales dispose : " L'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction ". Si la compensation permet de maintenir le montant d'une imposition à la charge du contribuable, elle entraîne une modification de la matière imposable par rapport à celle initialement retenue par l'administration dans son redressement alors que la substitution de motifs conduit au maintien de la même imposition sur un autre motif que celui initialement retenu.
19. En défense devant la cour, le ministre de l'action et des comptes publics soutenait, sur le fondement de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, que le mali de confusion ne pouvait être déduit des résultats d'ensemble à court et long termes et que le résultat d'ensemble de l'exercice clos en 2005 devait être augmenté du montant de ce mali. Une telle demande diffère, dans son objet, d'une reprise de provision. Par suite, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant demandé une compensation, au sens de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales et non une substitution de motifs. Dès lors, la cour a commis une erreur de droit en analysant la demande du ministre comme une substitution de motifs.
20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, d'une part, en tant que la cour a omis de se prononcer sur la demande subsidiaire tendant à ce que l'imposition litigieuse soit réduite à hauteur des moins-values à long terme dont la minoration par l'administration fiscale était contestée au titre des exercices 2000 à 2004 et, d'autre part, en tant qu'elle a fait droit aux conclusions subsidiaires du ministre en procédant à une substitution de motifs.
21. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée.
Sur les conclusions subsidiaires du ministre :
22. En premier lieu, le ministre demande, ainsi qu'il a été dit au point 19, à ce que l'impossibilité d'imposer la reprise des provisions pour dépréciation des titres à hauteur de 8 976 669 762 euros soit compensée par la remise en cause de la déduction du mali de confusion opérée par la société.
23. Aux termes de l'article 210 A du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " 1. Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés. / Il en est de même de la plus-value éventuellement dégagée par la société absorbante lors de l'annulation des actions ou parts de son propre capital qu'elle reçoit ou qui correspondent à ses droits dans la société absorbée. / L'inscription à l'actif de la société absorbante du mali technique de fusion consécutif à l'annulation des titres de la société absorbée ne peut donner lieu à aucune déduction ultérieure. / 2. L'impôt sur les sociétés n'est applicable aux provisions figurant au bilan de la société absorbée que si elles deviennent sans objet ".
24. Lorsqu'une première société est dissoute, sur le fondement notamment de l'article 1844-5 du code civil et sous le régime de faveur, par confusion de son patrimoine avec celui d'une seconde société, la seconde société est fondée à déduire une moins-value représentative de la perte réelle de valeur subie du fait de l'annulation des titres. La circonstance que la règle d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit puisse faire obstacle à la prise en compte, pour l'établissement de l'impôt, de la reprise de provisions est sans incidence sur le bien-fondé de la déduction de cette moins-value. Par suite, le ministre ne peut utilement soutenir que la société requérante ne pouvait déduire de son résultat fiscal la moins-value d'un montant non contesté de 11 519 millions d'euros, au motif que cette opération aboutirait à une double imputation des pertes de la société Cogecom sur le résultat d'ensemble du groupe et qu'il aurait été compensé par l'imposition de la reprise des provisions si la société avait initialement déduit de son résultat les provisions litigieuses.
25. En second lieu, si le ministre soutient que le mali technique constaté par la société a été sous-évalué à hauteur de 308 millions d'euros, correspondant aux provisions pour dépréciations enregistrées au cours de la période intercalaire, il résulte de l'instruction que ces provisions n'ont pas été incluses dans la déduction opérée par la société requérante. Dès lors, le moyen tiré de ce que le mali technique serait sous-évalué à hauteur de ce montant est sans incidence sur l'issue du litige.
26. Il résulte de ce qui précède que les conclusions subsidiaires du ministre doivent être rejetées.
Sur les conclusions subsidiaires de la société Orange :
27. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " (...) Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants ".
28. Dans le cadre du présent litige, la société requérante demande, à titre subsidiaire, la réduction de son résultat au titre de l'exercice 2005, à hauteur de la réduction des bases imposables demandée au titre des exercices 2000 à 2004. Par un arrêt n° 13VE02686, devenu définitif, en date du 24 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a prononcé la décharge ou, le cas échéant, le rétablissement des déficits de la société requérante, correspondant aux réductions en bases des résultats à long terme de la société Cogecom à hauteur de 150 664 euros au titre de l'exercice clos en 2001, de 27 790 728 euros au titre de l'exercice clos en 2002 et de 15 512 305 euros au titre de l'exercice clos en 2003. Par suite, il résulte des dispositions de l'article 209 du code général des impôts que la société requérante est fondée à demander l'imputation de ces moins-values à long terme sur le résultat à long terme de l'exercice clos en 2005.
29. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006 à concurrence de la réduction en base de son résultat à hauteur de 8 976 669 762 euros et des moins-values reportables rappelées au point 28.
30. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Orange, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 24 juillet 2018 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la demande subsidiaire de la société Orange tendant à ce que l'imposition litigieuse soit réduite à hauteur des moins-values à long terme dont la minoration par l'administration fiscale était contestée au titre des exercices 2000 à 2004 et en tant qu'elle a accueilli la demande subsidiaire du ministre regardée comme une substitution de motifs.
Article 2 : La société Orange est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes, dans la mesure de la réduction de la base d'imposition énoncée au point 29 des motifs de la présente décision.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 4 juillet 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Orange au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi et de la requête de la société Orange est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Orange et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
N° 424455
ECLI:FR:CECHR:2020:424455.20201113
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Martin Guesdon, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
CABINET BRIARD, avocats
Lecture du vendredi 13 novembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Orange, anciennement dénommée France Télécom SA, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge ou, à défaut, la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2005 et 2006, ainsi que des intérêts de retard correspondants, à hauteur de 1 952 322 455 euros.
Par un jugement n° 1110039 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 13VE02491 du 18 février 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Orange contre ce jugement.
Par une décision n° 398859 du 5 décembre 2016, rendue sur le pourvoi de la société Orange, le Conseil d'État, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Par un nouvel arrêt n° 16VE03503 du 24 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel de la société Orange.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 septembre 2018, 7 décembre 2018 et 19 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Orange demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au cabinet Briard, avocat de la société Orange ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que jusqu'au 31 décembre 2004, la société France Télécom SA, devenue la SA Orange, mère d'un groupe fiscalement intégré au sens des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, détenait la totalité du capital de la société Cogecom, incluse dans le périmètre d'intégration fiscale. Les titres Cogecom, inscrits à l'actif du bilan de la société France Telecom SA pour un montant de 30 260 millions d'euros ont, en 2002 et 2003, fait l'objet de provisions pour dépréciation, non déduites fiscalement, s'élevant à 11 519 millions d'euros au 31 décembre de l'exercice clos en 2004 compte tenu d'une reprise partielle opérée au titre de cet exercice. Le 5 décembre 2005, la société Cogecom a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine au profit de la société France Télécom SA avec effet rétroactif au 1er janvier 2005. Les provisions pour dépréciation des titres Cogecom, devenues sans objet, ont été annulées à la clôture de l'exercice 2005. Cette annulation n'a toutefois pas été prise en compte pour la détermination du résultat fiscal de cet exercice dès lors que les provisions n'avaient pas été déduites pour la détermination des résultats fiscaux des exercices antérieurs. En revanche, la société France Télécom a déduit la perte, correspondant à des moins-values, résultant de la transmission universelle de patrimoine à son profit. Elle a substitué l'actif net reçu de Cogecom à la valeur nette comptable de ces titres et a inscrit à l'actif de son bilan un mali technique de 1 488 millions d'euros, calculé par différence entre ces deux valeurs. Une somme d'un montant égal à celui des provisions pour dépréciation a été en outre déduite fiscalement au titre du mali de confusion, cette déduction ayant été répartie entre, d'une part, le régime des plus-values à long terme pour 2 940 millions d'euros et, d'autre part, le régime des plus-values à court terme pour 8 578 millions d'euros.
2. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a estimé qu'en application du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, les provisions comptabilisées en 2002 et 2003 auraient dû être déduites du résultat de la société France Telecom SA, avant d'être neutralisées au niveau du résultat d'ensemble, puis reprises à la suite de la transmission universelle de patrimoine les rendant sans objet. Cette reprise ne pouvant être neutralisée pour la détermination du résultat d'ensemble en raison de la sortie de la société Cogecom du groupe fiscalement intégré, l'administration fiscale a rehaussé le résultat à long terme de la société France Telecom SA pour un montant net de 11 319 millions d'euros et a tiré les conséquences de ce rehaussement sur l'exercice clos en 2006 en remettant en cause le report des moins-values à long terme constatées au cours d'exercices précédents à hauteur de 3 775 millions d'euros, compte tenu de la rectification opérée au titre de l'exercice 2005 sur lequel ces moins-values reportables ont été intégralement imputées. Elle a ainsi rehaussé le résultat imposable à long terme de l'exercice 2006 de la société d'un montant de 1 689 millions d'euros.
3. Saisie d'une requête par laquelle la société Orange relevait appel du jugement du 4 juillet 2013 du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre de ses exercices clos en 2005 et 2006, ainsi que des intérêts de retard correspondants, à hauteur de 1 952 322 455 euros, la cour administrative d'appel de Versailles a, par un arrêt du 18 février 2016, refusé d'y faire droit. Par une décision du 5 décembre 2016, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles et renvoyé l'affaire à cette cour qui a, par un arrêt du 24 juillet 2018, rejeté la demande présentée par la société Orange.
Sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement de première instance :
4. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 20 juin 2013, rendu postérieurement à la clôture de l'instruction qui avait été fixée, en première instance dans l'affaire faisant l'objet du présent pourvoi, au 21 mai 2013, le tribunal administratif de Montreuil s'est prononcé sur le litige relatif aux rectifications notifiées à la société Orange au titre des exercices 2000 à 2004. Se fondant sur ce jugement, la société a, par une note en délibéré du 28 juin 2013, demandé au tribunal, dans l'hypothèse où ses conclusions principales seraient rejetées, de procéder à un dégrèvement en base de 266 millions d'euros et de prononcer à hauteur de ce montant la réduction des impositions supplémentaires contestées au titre de l'exercice 2005.
6. Pour écarter les moyens mettant en cause la régularité du jugement de première instance, tirés de ce que le tribunal administratif de Montreuil n'avait pas rouvert l'instruction après la production de la note en délibéré ni répondu au moyen tiré de l'imputation sur l'exercice 2005 d'une moins-value de long terme reportable, la cour administrative d'appel a retenu que le jugement du 20 juin 2013 du tribunal administratif de Montreuil ne contenait aucune circonstance de fait ou de droit dont la société n'était pas en mesure de faire état avant la clôture d'instruction. En statuant ainsi, alors que le tribunal administratif de Montreuil s'est borné à estimer dépourvu de portée le moyen tiré de ce que la provision de 266 millions d'euros constituée par la société Cogecom sur les titres Atrium 3 ne pouvait être regardée, contrairement à ce que soutenait l'administration, comme un acte anormal de gestion et alors qu'il était loisible à la société de demander, avant l'intervention du jugement du 20 juin 2013, l'imputation sur l'exercice 2005 des déficits et moins-values antérieures, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur le moyen tiré de l'omission de statuer par la cour administrative d'appel :
7. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ou d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d'une période donnée, même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire. Les réclamations peuvent être présentées à compter de la réception de la réponse aux observations du contribuable mentionnée à l'article L. 57, ou à compter d'un délai de 30 jours après la notification prévue à l'article L. 76 ou, en cas de saisine de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, à compter de la notification de l'avis rendu par cette commission ".
8. Il résulte des dispositions du deuxième alinéa de cet article que le contribuable peut contester une rectification opérée par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ou d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée, alors même qu'aucune imposition supplémentaire n'en est résulté. Le contribuable peut, parallèlement, en vertu du premier alinéa de ce même article, demander la décharge ou la réduction d'une imposition mise en recouvrement en contestant la même rectification. Dans l'hypothèse où le contribuable saisit le juge sur le fondement de ces deux voies de recours, il appartient au juge de l'impôt de statuer sur les deux demandes.
9. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Orange a demandé à la cour administrative d'appel de Versailles, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et dans l'hypothèse où la cour jugeait que l'exercice 2005 n'était pas le premier exercice non prescrit ou faisait droit à la demande de compensation présentée par le ministre, de réduire l'imposition litigieuse à hauteur des moins-values à long terme dont la minoration par l'administration fiscale était contestée au titre des exercices 2000 à 2004, dans le cadre du présent litige et dans celui d'un litige distinct, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. La cour administrative d'appel de Versailles, qui a jugé que 2005 n'était pas le premier exercice non prescrit à hauteur d'une fraction de l'imposition litigieuse, a omis de se prononcer sur cette demande subsidiaire. La société Orange est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a omis de se prononcer sur cette demande.
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
En ce qui concerne l'application du principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et de correction symétrique des bilans :
10. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les comptes de l'exercice. (...) ". Aux termes de l'article 38 du même code dans sa rédaction modifiée par l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004, applicable aux exercices clos à compter du 1er janvier 2005 : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) / 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci./ Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit./ Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé (...) ".
11. Lorsqu'une provision a été constituée dans les comptes de l'exercice, le résultat fiscal de ce même exercice doit, en principe, être diminué du montant de cette provision dont la reprise, lors d'un ou de plusieurs exercices ultérieurs, entraîne, à l'inverse, une augmentation de l'actif net du ou des bilans de clôture du ou des exercices correspondants. Il n'en va autrement que si les règles propres au droit fiscal y font obstacle, notamment les dispositions particulières du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts limitant la déductibilité fiscale de certaines provisions.
12. Pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, lorsqu'une entreprise a, au cours d'un exercice faisant l'objet d'une vérification, comptabilisé une perte tout en procédant à la reprise d'une provision devenue sans objet qu'elle avait comptabilisée au titre d'un exercice antérieur, sans avoir tenu compte de la constitution de cette provision comptable pour la détermination du résultat fiscal de l'exercice concerné bien qu'aucune règle propre au droit fiscal n'y fît obstacle, l'administration fiscale est en droit de corriger la surestimation de l'actif net du bilan d'ouverture de l'exercice au cours duquel la perte a été constatée et la provision a été reprise dans les comptes, en y inscrivant cette provision afin de pouvoir ensuite tirer les conséquences de sa reprise pour la détermination du résultat fiscal de cet exercice.
13. Lorsque la même omission se retrouve dans les écritures de bilan des exercices antérieurs telles que retenues pour la détermination du résultat fiscal, elle doit y être symétriquement corrigée, pour autant qu'elle ne revête pas, pour le contribuable, un caractère délibéré. Ces corrections ne peuvent toutefois, en vertu des dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts citées au point 10, affecter le bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. Ces dispositions font de même obstacle à ce que, pour tirer les conséquences de la reprise d'une provision dont la comptabilisation n'avait pas été prise en compte pour la détermination du résultat fiscal d'un exercice antérieur, l'administration corrige les écritures du premier exercice non prescrit. Les seules exceptions à la règle à caractère objectif que fixent ainsi ces dispositions sont celles qu'elles prévoient à leurs deuxième et troisième alinéas.
14. Lorsque l'application combinée de ces principes fait apparaître une variation d'actif net dans le bilan d'un exercice antérieur à celui de la reprise de la provision faisant l'objet d'une rectification, il appartient à l'administration fiscale ou, le cas échéant, au juge de l'impôt, de tirer les conséquences éventuelles de cette correction du bilan fiscal sur les exercices en litige, sans que cette circonstance fasse obstacle au principe même de la rectification opérée par l'administration.
15. D'autre part, aux termes de l'article 223 B du code général des impôts : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 217 bis (...) / Il est majoré du montant des dotations complémentaires aux provisions constituées par une société après son entrée dans le groupe, à raison des créances qu'elle détient sur d'autres sociétés du groupe ou des risques qu'elle encourt du fait de telles sociétés (...) ". L'article 223 D du même code dispose : " La plus-value nette ou la moins-value nette à long terme d'ensemble est déterminée par la société mère en faisant la somme algébrique des plus-values ou des moins-values nettes à long terme de chacune des sociétés du groupe, déterminées et imposables selon les modalités prévues aux articles 39 duodecies à 39 quindecies et 217 bis (...) / Le montant des dotations complémentaires aux provisions constituées par une société après son entrée dans le groupe à raison des participations détenues dans d'autres sociétés du groupe est ajouté à la plus-value nette à long terme d'ensemble ou déduit de la moins-value nette à long terme d'ensemble (...) ".
16. Après avoir relevé que l'administration fiscale était en droit de rectifier les bases d'imposition de la société au titre de l'exercice clos en 2005 à hauteur de 2 343 214 881 euros dès lors que cet exercice n'était pas le premier exercice non prescrit pour cette fraction de provision, la cour administrative d'appel de Versailles a fait application des principes rappelés aux points 11 à 14. Puis, elle a jugé qu'en application des dispositions citées au point 15 relatives aux règles de détermination du résultat d'ensemble imposable dans le cadre d'un groupe fiscalement intégré, la correction symétrique des bilans antérieurs demeurait sans incidence sur les bases d'imposition de l'exercice clos en 2004 de la société France Telecom en tant que société tête du groupe fiscalement intégré, dès lors que si cette correction conduisait à la déduction de la provision du résultat propre de la société France Telecom, le résultat d'ensemble du groupe aurait dû être majoré du montant de cette provision, neutralisant les effets de l'inscription de la provision au bilan fiscal de clôture de l'exercice 2004 et demeurant ainsi sans conséquence sur les exercices en litige. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
17. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'application des principes d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et de correction symétrique des bilans faisait échec à la reprise de la provision au titre de l'exercice 2005 à hauteur de 2 343 214 881 euros.
En ce qui concerne la substitution de motifs opérée par la cour :
18. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". L'article L. 199 C du livre des procédures fiscales dispose : " L'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction ". Si la compensation permet de maintenir le montant d'une imposition à la charge du contribuable, elle entraîne une modification de la matière imposable par rapport à celle initialement retenue par l'administration dans son redressement alors que la substitution de motifs conduit au maintien de la même imposition sur un autre motif que celui initialement retenu.
19. En défense devant la cour, le ministre de l'action et des comptes publics soutenait, sur le fondement de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, que le mali de confusion ne pouvait être déduit des résultats d'ensemble à court et long termes et que le résultat d'ensemble de l'exercice clos en 2005 devait être augmenté du montant de ce mali. Une telle demande diffère, dans son objet, d'une reprise de provision. Par suite, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant demandé une compensation, au sens de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales et non une substitution de motifs. Dès lors, la cour a commis une erreur de droit en analysant la demande du ministre comme une substitution de motifs.
20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, d'une part, en tant que la cour a omis de se prononcer sur la demande subsidiaire tendant à ce que l'imposition litigieuse soit réduite à hauteur des moins-values à long terme dont la minoration par l'administration fiscale était contestée au titre des exercices 2000 à 2004 et, d'autre part, en tant qu'elle a fait droit aux conclusions subsidiaires du ministre en procédant à une substitution de motifs.
21. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée.
Sur les conclusions subsidiaires du ministre :
22. En premier lieu, le ministre demande, ainsi qu'il a été dit au point 19, à ce que l'impossibilité d'imposer la reprise des provisions pour dépréciation des titres à hauteur de 8 976 669 762 euros soit compensée par la remise en cause de la déduction du mali de confusion opérée par la société.
23. Aux termes de l'article 210 A du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " 1. Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés. / Il en est de même de la plus-value éventuellement dégagée par la société absorbante lors de l'annulation des actions ou parts de son propre capital qu'elle reçoit ou qui correspondent à ses droits dans la société absorbée. / L'inscription à l'actif de la société absorbante du mali technique de fusion consécutif à l'annulation des titres de la société absorbée ne peut donner lieu à aucune déduction ultérieure. / 2. L'impôt sur les sociétés n'est applicable aux provisions figurant au bilan de la société absorbée que si elles deviennent sans objet ".
24. Lorsqu'une première société est dissoute, sur le fondement notamment de l'article 1844-5 du code civil et sous le régime de faveur, par confusion de son patrimoine avec celui d'une seconde société, la seconde société est fondée à déduire une moins-value représentative de la perte réelle de valeur subie du fait de l'annulation des titres. La circonstance que la règle d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit puisse faire obstacle à la prise en compte, pour l'établissement de l'impôt, de la reprise de provisions est sans incidence sur le bien-fondé de la déduction de cette moins-value. Par suite, le ministre ne peut utilement soutenir que la société requérante ne pouvait déduire de son résultat fiscal la moins-value d'un montant non contesté de 11 519 millions d'euros, au motif que cette opération aboutirait à une double imputation des pertes de la société Cogecom sur le résultat d'ensemble du groupe et qu'il aurait été compensé par l'imposition de la reprise des provisions si la société avait initialement déduit de son résultat les provisions litigieuses.
25. En second lieu, si le ministre soutient que le mali technique constaté par la société a été sous-évalué à hauteur de 308 millions d'euros, correspondant aux provisions pour dépréciations enregistrées au cours de la période intercalaire, il résulte de l'instruction que ces provisions n'ont pas été incluses dans la déduction opérée par la société requérante. Dès lors, le moyen tiré de ce que le mali technique serait sous-évalué à hauteur de ce montant est sans incidence sur l'issue du litige.
26. Il résulte de ce qui précède que les conclusions subsidiaires du ministre doivent être rejetées.
Sur les conclusions subsidiaires de la société Orange :
27. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " (...) Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants ".
28. Dans le cadre du présent litige, la société requérante demande, à titre subsidiaire, la réduction de son résultat au titre de l'exercice 2005, à hauteur de la réduction des bases imposables demandée au titre des exercices 2000 à 2004. Par un arrêt n° 13VE02686, devenu définitif, en date du 24 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a prononcé la décharge ou, le cas échéant, le rétablissement des déficits de la société requérante, correspondant aux réductions en bases des résultats à long terme de la société Cogecom à hauteur de 150 664 euros au titre de l'exercice clos en 2001, de 27 790 728 euros au titre de l'exercice clos en 2002 et de 15 512 305 euros au titre de l'exercice clos en 2003. Par suite, il résulte des dispositions de l'article 209 du code général des impôts que la société requérante est fondée à demander l'imputation de ces moins-values à long terme sur le résultat à long terme de l'exercice clos en 2005.
29. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006 à concurrence de la réduction en base de son résultat à hauteur de 8 976 669 762 euros et des moins-values reportables rappelées au point 28.
30. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Orange, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 24 juillet 2018 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la demande subsidiaire de la société Orange tendant à ce que l'imposition litigieuse soit réduite à hauteur des moins-values à long terme dont la minoration par l'administration fiscale était contestée au titre des exercices 2000 à 2004 et en tant qu'elle a accueilli la demande subsidiaire du ministre regardée comme une substitution de motifs.
Article 2 : La société Orange est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes, dans la mesure de la réduction de la base d'imposition énoncée au point 29 des motifs de la présente décision.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 4 juillet 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Orange au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi et de la requête de la société Orange est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Orange et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.