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Ariane Web: Conseil d'État 446651, lecture du 19 novembre 2020, ECLI:FR:CEORD:2020:446651.20201119

Décision n° 446651
19 novembre 2020
Conseil d'État

N° 446651
ECLI:FR:CEORD:2020:446651.20201119
Inédit au recueil Lebon



Lecture du jeudi 19 novembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

I - Sous le n° 446651, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 19 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... D..., demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner toutes mesures utiles afin de faire cesser l'atteinte grave et manifestement illégale portée à ses libertés fondamentales ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de se prononcer sous huit jours sur le protocole sanitaire soumis par les Evêques de France ou de soumettre sa propre proposition ;

3°) d'ordonner la suspension du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 en ce qu'il interdit tout rassemblement ou réunion au sein des établissements de culte à l'exception des cérémonies funéraires dans la limite de 30 personnes ;

4°) d'ordonner la suspension de l'instruction visant à l'interdiction des rassemblements publics déclarés en faveur de la liberté de culte et ordonner à l'Etat de rappeler aux préfectures que rien n'interdit la prière sur la voie publique ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- il justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir eu égard à sa qualité de fidèle catholique pratiquant ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors, en premier lieu, que les fidèles se trouvent dans l'impossibilité de pratiquer leur religion alors que les fêtes catholiques de fin d'année approchent, en deuxième lieu, que les mesures contestées privent les paroisses d'une source de financement et, en troisième lieu, que l'exercice du culte constitue un secours spirituel pour la communauté catholique, touchée et inquiétée par l'attentat perpétré à Nice le 29 octobre 2020 ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte ;
- le décret contesté est disproportionné pour poursuivre l'objectif de lutte contre l'épidémie covid-19 dès lors, en premier lieu, qu'il instaure une interdiction générale et absolue des célébrations religieuses sur l'ensemble du territoire national sans limitation dans l'espace ni restriction d'horaires ou de durée, en deuxième lieu, qu'il n'est pas démontré la nécessité de cette interdiction notamment au regard de l'avis du conseil scientifique du 26 octobre 2020, en troisième lieu, que les lieux de culte n'ont pas été identifiés comme des " clusters " et, en dernier lieu, que d'autres lieux accueillant du public restent ouverts ;
- le décret contesté méconnaît le principe de laïcité dès lors qu'il hiérarchise les différentes cérémonies religieuses et décide de l'usage qui peut être fait d'un lieu de culte ;
- un réexamen de l'interdiction des cérémonies religieuses est justifié eu égard, en premier lieu, à l'amélioration de la situation épidémiologique depuis l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 7 novembre 2020, en deuxième lieu, au nouveau protocole sanitaire mis en place et, en troisième lieu, aux risques de troubles à l'ordre public et à la santé provoqués par les rassemblements des fidèles à l'extérieur.


II. Sous le n° 446652, par une requête, enregistrée le 19 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... C... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner toutes mesures utiles afin de faire cesser l'atteinte grave et manifestement illégale portée à ses libertés fondamentales ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de se prononcer sous huit jours sur le protocole sanitaire soumis par les Evêques de France ou de soumettre sa propre proposition ;

3°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 en ce qu'il interdit tout rassemblement ou réunion au sein des établissements de culte à l'exception des cérémonies funéraires dans la limite de trente personnes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Il invoque les mêmes moyens que la requête enregistrée sous le n° 446651.


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, et notamment son préambule ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 7 novembre 2020 Association Civitas et autres, n°445825, 445827, 445852, 445853, 445856, 445858, 445865, 445878, 445879, 445887, 445889, 445890, 445895, 445911, 445933, 445934, 445938, 445939, 445942, 445948, 445955 ;
- l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 19 novembre 2020 Association Civitas et autres, n° 446469, 446591 ;
- le code de justice administrative ;


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code: " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. M. D... et M. C... demandent, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, comme dans la requête qui a été présentée par leur avocat sous le n° 446591 et qui a été rejetée, avec une autre, par une ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat de ce jour, la suspension de l'exécution de l'article 47 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire en tant qu'il interdit les rassemblements, à l'exception des cérémonies funéraires, dans les lieux de culte, que soient ordonnées toutes mesures utiles afin de faire cesser l'atteinte grave et manifestement illégale portée à la liberté d'exercice du culte en la matière et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de se prononcer sous huit jours sur le protocole sanitaire soumis par les Evêques de France ou de soumettre sa propre proposition. Dans le dernier état de ses écritures, M. D... demande, en outre, d'ordonner la suspension de ce qu'il estime être une instruction du ministre de l'intérieur visant à l'interdiction des rassemblements publics déclarés en faveur de la liberté de culte et d'ordonner à l'Etat de rappeler aux préfectures que rien n'interdit la prière sur la voie publique. Les présentes requêtes portent sur les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.

Sur le cadre du litige :

3. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19: " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code, précise que " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. (...) / La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 ". Enfin, il résulte de l'article L. 3131-15 du même code que " dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique " prendre un certain nombre de mesures de restriction ou d'interdiction des déplacements, activités et réunions " strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ".

4. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 mentionnée ci-dessus a créé un régime d'état d'urgence sanitaire aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique et déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. L'évolution de la situation sanitaire a conduit à un assouplissement des mesures prises et la loi du 9 juillet 2020, a organisé un régime de sortie de cet état d'urgence.

5. Une nouvelle progression de l'épidémie a conduit le Président de la République à prendre, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, le décret du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence à compter du 17 octobre à 00 heure sur l'ensemble du territoire national. Le 29 octobre 2020, le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret contesté, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. En vertu de l'article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, l'état d'urgence sanitaire a été prorogé jusqu'au 16 février 2021 inclus.

Sur la liberté de culte :

6. Aux termes de l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ". Aux termes de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. / 2 - La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 18 du pacte international relatif aux droits civils et politiques : " Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement. (...) / La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui. (...) ".

7. Aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ". Aux termes de l'article 25 de la même loi : " Les réunions pour la célébration d'un culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités de l'article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l'intérêt de l'ordre public. ".

8. La liberté du culte présente le caractère d'une liberté fondamentale. Telle qu'elle est régie par la loi, cette liberté ne se limite pas au droit de tout individu d'exprimer les convictions religieuses de son choix dans le respect de l'ordre public. Elle comporte également, parmi ses composantes essentielles, le droit de participer collectivement, sous la même réserve, à des cérémonies, en particulier dans les lieux de culte. La liberté du culte doit, cependant, être conciliée avec l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.

Sur les conclusions relatives aux lieux de culte :

9. Aux termes de l'article 47 du décret contesté: " I. - Les établissements de culte, relevant de la catégorie V, sont autorisés à rester ouverts. Tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit à l'exception des cérémonies funéraires dans la limite de 30 personnes. / II. - Toute personne de onze ans ou plus qui accède ou demeure dans ces établissements porte un masque de protection. / L'obligation du port du masque ne fait pas obstacle à ce que celui-ci soit momentanément retiré pour l'accomplissement des rites qui le nécessitent. / III. - Le gestionnaire du lieu de culte s'assure à tout moment, et en particulier lors de l'entrée et de la sortie de l'édifice, du respect des dispositions mentionnées au présent article. / IV. - Le préfet de département peut, après mise en demeure restée sans suite, interdire l'accueil du public dans les établissements de culte si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place ne sont pas de nature à garantir le respect des dispositions mentionnées au présent article ".

10. En premier lieu, il n'est pas contesté que la circulation du virus sur le territoire métropolitain s'est fortement amplifiée au cours des semaines qui ont précédé la fin du mois d'octobre, malgré les mesures prises, conduisant à une situation particulièrement dangereuse pour la santé de l'ensemble de la population française. Les requérants se prévalent de données épidémiologiques de Santé Publique France, faisant apparaître, une baisse du taux de positivité lors des test réalisés depuis le 3 novembre 2020, une diminution du nombre quotidien de nouveaux cas confirmés et de nouvelles hospitalisations pour ce motif depuis le 8 novembre 2020, une diminution du nombre quotidien des admissions en réanimation depuis le 10 novembre 2020 et, désormais, un facteur de reproduction du virus, dit R0, qui représente le nombre moyen de personnes qu'un malade contamine, redevenu inférieur à un. Si ces indicateurs reflètent un infléchissement dans l'évolution de l'épidémie, notamment lié à la mise en oeuvre du décret contesté, cet infléchissement est très récent et il est constant que les indicateurs de moyen terme relatifs au taux d'incidence ainsi qu'au nombre de personnes hospitalisées et en réanimation restent, à ce jour, très élevés et continuent à mettre en tension l'ensemble du système de santé.

11. En deuxième lieu, pour éviter les effets économiques et sociaux les plus néfastes qui avaient été constatés lors du premier confinement, le décret a autorisé, lors de celui qui a débuté le 29 octobre 2020, outre la réalisation des achats de première nécessité, le maintien de l'accueil des élèves dans leurs établissements scolaires, la poursuite aussi large que possible des activités professionnelles ne pouvant faire l'objet de télétravail, notamment en matière de services publics, et l'utilisation par les intéressés, en tant que de besoin, des moyens de transport. Il a, en revanche, limité les autres motifs permettant de sortir de son domicile ainsi que les rassemblements et réunions, en interdisant, notamment, ceux de plus de six personnes dans tous les lieux ouverts au public, à l'exception, ponctuelle et s'exerçant à l'extérieur, des manifestations sur la voie publique.

12. En troisième lieu, si le conseil scientifique covid-19 s'est référé, dans sa note d'alerte du 22 septembre 2020, à une étude américaine selon laquelle les églises n'ont pas été retrouvées parmi les lieux à risque d'infection, le même constat y était fait pour d'autre lieux comme les magasins et les transports en commun et il a précisé qu'en France, en dehors des clusters, dont il est constant qu'ils ne représentent qu'une partie marginale des lieux à risque d'infection, aucune des données disponibles ne permet d'identifier ces lieux. Par ailleurs, dans une annexe de sa note du 26 octobre 2020, le même conseil scientifique a rappelé que le risque de transmission du virus à l'occasion d'un rassemblement est d'autant plus élevé qu'il a lieu dans un espace clos, mal ventilé, avec une forte densité de participants, une absence de port de masque et un niveau élevé d'émission de gouttelettes lié notamment à la parole et au chant. Il a été précisé que le risque diminue en cas de protocole sanitaire strict et lorsque l'attitude des participants est prévisible. S'il a été indiqué à cet égard que " les lieux de culte pourraient rester ouverts ", c'est uniquement " à condition qu'ils respectent les protocoles sanitaires stricts contractualisés ". Il a été relevé par l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 7 novembre 2020 Association Civitas et autres susvisée, sans que les requérants n'apportent d'élément nouveau en sens contraire, que les protocoles sanitaires qui ont été élaborés, lors du déconfinement, pour les lieux de culte à l'initiative notamment, pour ce qui concerne l'Eglise catholique, des évêques, n'ont pas toujours été strictement appliqués, notamment depuis l'été, en ce qui concerne la distanciation entre les fidèles, y compris à l'entrée et à la sortie des lieux de culte, et le port du masque par les officiants, alors même qu'un public âgé et donc fragile, participe aux cérémonies religieuses.

13. En quatrième lieu, les restrictions apportées par les dispositions contestées à la liberté du culte, et plus particulièrement au droit de participer collectivement à des cérémonies dans les établissements précités, sont entrées en vigueur le 3 novembre 2020, en vertu de l'article 56 du décret litigieux, notamment pour tenir compte de la fête de la Toussaint et du jour consacré à la commémoration des fidèles défunts. Si l'état d'urgence sanitaire a été, ainsi qu'il a été dit, prorogé au-delà de son terme initialement fixé au 16 novembre 2020, le Premier ministre a indiqué, dans un communiqué de presse du même jour, faisant suite à des échanges approfondis avec les représentants du culte, que la mesure contestée demeure en vigueur mais que la concertation engagée conformément à l'ordonnance mentionnée au point précédent aboutira au cours de la semaine débutant le 23 novembre prochain à de nouveaux protocoles sanitaires, notamment dans la perspective d'éventuelles annonces du Président de la République d'ici le 1er décembre.

14. Dans ces conditions, il est manifeste, au regard des changements précités de circonstances de droit et de fait, depuis l'ordonnance mentionnée au point 12, que les moyens tirés de ce que le maintien des restrictions litigieuses, qui est motivé par des considérations exclusivement sanitaires et qui n'est discriminatoire à l'égard d'aucun culte ou d'aucun rite, ne serait ni nécessaire ni proportionné doivent en l'état de l'instruction et à la date de la présente ordonnance, être écartés. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que l'atteinte que les dispositions contestées portent à la liberté de culte serait manifestement illégale.

Sur les conclusions relatives aux manifestations sur la voie publique :

15. Aux termes du premier alinéa de l'article 27 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d'un culte, sont réglées en conformité de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :/ (...) / 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ; ". Aux termes de l'article L. 2215-1 du même code : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. / Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l'Etat dans le département à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat ; ".

16. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumis à l'obligation d'une déclaration préalable tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et, d'une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique. / Toutefois, sont dispensées de cette déclaration les sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " La déclaration est faite à la mairie de la commune ou aux mairies des différentes communes sur le territoire desquelles la manifestation doit avoir lieu, trois jours francs au moins et quinze jours francs au plus avant la date de la manifestation. A Paris, la déclaration est faite à la préfecture de police. Elle est faite au représentant de l'Etat dans le département en ce qui concerne les communes où est instituée la police d'Etat. / La déclaration fait connaître les noms, prénoms et domiciles des organisateurs et est signée par au moins l'un d'entre eux ; elle indique le but de la manifestation, le lieu, la date et l'heure du rassemblement des groupements invités à y prendre part et, s'il y a lieu, l'itinéraire projeté. ". Aux termes de l'article L. 211-4 du même code : " Si l'autorité investie des pouvoirs de police estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l'ordre public, elle l'interdit par un arrêté qu'elle notifie immédiatement aux signataires de la déclaration au domicile élu. / Le maire transmet, dans les vingt-quatre heures, la déclaration au représentant de l'État dans le département. Il y joint, le cas échéant, une copie de son arrêté d'interdiction. / Si le maire, compétent pour prendre un arrêté d'interdiction, s'est abstenu de le faire, le représentant de l'État dans le département peut y pourvoir dans les conditions prévues à l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales. "

17. Aux termes, enfin, de l'article 1er du décret contesté : " I. - Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d'hygiène définies en annexe 1 au présent décret et de distanciation sociale, incluant la distanciation physique d'au moins un mètre entre deux personnes, dites barrières, définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance. / II. - Les rassemblements, réunions, activités, accueils et déplacements ainsi que l'usage des moyens de transports qui ne sont pas interdits en vertu du présent décret sont organisés en veillant au strict respect de ces mesures. (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret: " I. - Tout rassemblement, réunion ou activité sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public, qui n'est pas interdit par le présent décret, est organisé dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l'article 1er. / II. - Les organisateurs des manifestations sur la voie publique mentionnées à l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure adressent au préfet de département sur le territoire duquel la manifestation doit avoir lieu, sans préjudice des autres formalités applicables, une déclaration contenant les mentions prévues à l'article L. 211-2 du même code, en y précisant, en outre, les mesures qu'ils mettent en oeuvre afin de garantir le respect des dispositions de l'article 1er du présent décret. / Sans préjudice des dispositions de l'article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, le préfet peut en prononcer l'interdiction si ces mesures ne sont pas de nature à permettre le respect des dispositions de l'article 1er. / III. - Les rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public autres que ceux mentionnés au II mettant en présence de manière simultanée plus de six personnes sont interdits. /(...) ".

18. A l'appui de ses conclusions relatives aux manifestations sur la voie publique, M. D... soutient que le ministre de l'intérieur aurait donné une instruction visant à interdire, dans le cadre des dispositions du II de l'article 3 du décret contesté, les cérémonies religieuses à l'extérieur. Toutefois, il ressort des décisions préfectorales invoquées, que l'une d'entre elles se borne à rappeler aux organisateurs d'une manifestation qu'elle ne peut s'écarter de l'objet qui a été déclaré tandis que, dans d'autres, les interdictions sont justifiées par des motifs tirés de la sécurité publique ou de l'insuffisance des mesures prises pour assurer le strict respect des dispositions visées à l'article 1er du décret précité. Ainsi, il n'est pas établi que le ministre de l'intérieur aurait adressé à ses services des instructions tendant à ce que soit interdite, par principe, toute manifestation sur la voie publique pouvant, par son but ou par sa forme, être regardée comme la manifestation extérieure d'un culte.

19. Par suite, la condition d'urgence caractérisée imposée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative n'est pas remplie.

20. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes doivent être rejetées, selon la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.



O R D O N N E :
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Article 1er : Les requêtes présentées par M. D... et M. C... sont rejetées.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... D... et à M. A... C....
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.