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Ariane Web: Conseil d'État 445774, lecture du 25 novembre 2020, ECLI:FR:CEORD:2020:445774.20201125

Décision n° 445774
25 novembre 2020
Conseil d'État

N° 445774
ECLI:FR:CEORD:2020:445774.20201125
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés, formation collégiale
M. le Pdt. Jean-Denis Combrexelle, rapporteur


Lecture du mercredi 25 novembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

I. Sous le numéro 445774, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 octobre et 20 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Barakacity " demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret du 28 octobre 2020 en tant qu'il entraîne la dissolution administrative de l'association Barakacity ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- le litige relève de la compétence du Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort ;
- elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard à la gravité des conséquences qui s'attachent à un décret portant dissolution administrative d'une association ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'association dès lors, en premier lieu, que les griefs adressés à l'association Barakacity sont datés de plusieurs années et ne sauraient ainsi permettre une dissolution administrative, en deuxième lieu, que cette association ne saurait être tenue pour responsable ni des publications de son président ni des commentaires y afférant, en troisième lieu, que le droit à la liberté d'association n'a nullement été détourné de son but initial et, en dernier lieu, qu'aucun grief n'est directement dirigé contre l'association Barakacity ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à un recours effectif eu égard, en premier lieu, au caractère immédiatement exécutoire du décret contesté du 28 octobre 2020 qui dès l'instant de sa signature a eu pour effet de mettre fin à l'existence de l'association visée et, en second lieu, à l'absence d'un recours suspensif susceptible de faire obstacle au caractère immédiat de la dissolution ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie dès lors que le décret aboutit par analogie à la condamnation à mort d'une personne morale ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au principe de fraternité eu égard à l'importance de l'aide apportée par l'association Barakacity à des millions de bénéficiaires.

Par un mémoire distinct, enregistré le 29 octobre 2020, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, l'association Barakacity demande au juge des référés du Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Elle soutient que cet article est applicable au litige, qu'il n'a jamais été déclaré conforme à la Constitution et que la question de sa conformité au droit à un recours effectif présente un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés le 5 novembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite eu égard à l'intérêt public qui s'attache au maintien de la décision contestée et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par des observations en défense, enregistrées le 5 novembre 2020, le ministre de l'intérieur fait valoir qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 6 novembre 2020, l'association Barakacity persiste dans ses conclusions tendant au renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 6 novembre 2020, M. L... F... demande au juge des référés du Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions de l'association Barakacity et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'il justifie, en qualité de salarié, d'un intérêt à intervenir et s'associe aux moyens de la requête. En outre, il soutient que la dissolution de l'association requérante porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du travail, la liberté du commerce et de l'industrie, la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle, le libre exercice d'une profession, le droit de mener une vie familiale normale et le droit au respect de la dignité de la personne humaine.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 6 novembre 2020, Mme B... J... demande au juge des référés du Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions de l'association Barakacity et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'elle justifie, en qualité de salariée, d'un intérêt à intervenir et s'associe aux moyens de la requête. En outre, elle soutient que la dissolution de l'association requérante porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du travail, la liberté du commerce et de l'industrie, la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle, le libre exercice d'une profession, le droit de mener une vie familiale normale et le droit au respect de la dignité de la personne humaine.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 6 novembre 2020, M. M... D... demande au juge des référés du Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions de l'association Barakacity et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'il justifie, en qualité de salarié, d'un intérêt à intervenir et s'associe aux moyens de la requête. En outre, il soutient que la dissolution de l'association requérante porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du travail, la liberté du commerce et de l'industrie, la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle, le libre exercice d'une profession, le droit de mener une vie familiale normale et le droit au respect de la dignité de la personne humaine.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 6 novembre 2020, Mme O... A... G...-P... demande au juge des référés du Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions de l'association Barakacity et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'elle justifie, en qualité de salariée de l'association, d'un intérêt à intervenir et s'associe aux moyens de la requête. En outre, elle soutient que la dissolution de l'association requérante porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du travail, la liberté du commerce et de l'industrie, la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle, le libre exercice d'une profession, le droit de mener une vie familiale normale et le droit au respect de la dignité de la personne humaine.

La requête n° 445774 a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.


II. Sous le numéro 445984, par une requête, enregistrée le 5 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Barakacity " demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret du 28 octobre 2020 en tant qu'il entraîne la dissolution administrative de l'association Barakacity ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- le litige relève de la compétence du Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort ;
- elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
- le décret a été pris en méconnaissance du principe d'égalité des armes et des droits de la défense ;
- le décret attaqué est entaché d'un défaut de motivation dès lors qu'aucun des éléments visés par l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure n'est proprement imputé à l'association dissoute ;
- entachée d'erreurs de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, la dissolution contestée méconnaît la liberté d'association dès lors, en premier lieu, que les griefs adressés à l'association Barakacity sont datés de plusieurs années et ne sauraient ainsi permettre une dissolution administrative, en deuxième lieu, que cette association ne saurait être tenue pour responsable ni des publications de son président ni des commentaires y afférant, en troisième lieu, que le droit à la liberté d'association n'a nullement été détourné de son but initial et, en dernier lieu, qu'aucun grief n'est directement dirigé contre l'association Barakacity ;
- elle méconnaît le droit à un recours effectif eu égard, en premier lieu, au caractère immédiatement exécutoire du décret contesté du 28 octobre 2020 qui dès l'instant de sa signature a eu pour effet de mettre fin à l'existence de l'association visée et, en second lieu, à l'absence d'un recours suspensif susceptible de faire obstacle à l'immédiateté d'une telle décision ;
- elle méconnaît le droit au respect de la vie dès lors qu'elle aboutit par analogie à la condamnation à mort d'une personne morale ;
- elle méconnaît le principe de fraternité eu égard à l'importance de l'aide apportée par l'association Barakacity à des millions de bénéficiaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite eu égard à l'intérêt public qui s'attache au maintien de la décision contestée et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La requête n° 445984 a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association Barakacity et, d'autre part, le Premier ministre et le ministre de l'intérieur ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 23 novembre 2020 à 9 heures 00 :
- les représentants de l'association Barakacity ;

- M. N... ;

- la représentante du ministre de l'intérieur ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.


Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus, qui sont présentées, pour l'une, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, pour l'autre, sur le fondement de l'article L. 521-2 du même code, sont dirigées contre la même décision. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.
Sur le cadre juridique applicable au litige :

2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure " Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait (...) 6° (...) qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; /7° (...) qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger. Le maintien ou la reconstitution d'une association ou d'un groupement dissous en application du présent article, ou l'organisation de ce maintien ou de cette reconstitution, ainsi que l'organisation d'un groupe de combat sont réprimées dans les conditions prévues par la section 4 du chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal. "

3. Sur le fondement des 6° et 7° de cet article, a été pris, le 28 octobre 2020, un décret portant dissolution de l'association " Barakacity ", de l'exécution duquel cette association demande la suspension.

Sur les interventions :

4. Mme A... G..., M. F..., Mme J..., et M. D..., salariés de l'association, justifient d'un intérêt suffisant à la suspension du décret attaqué. Leurs interventions sont ainsi recevables.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

6. La requérante soutient qu'en ne prévoyant pas que la décision de dissoudre une association est assortie d'un effet différé afin d'en permettre utilement la contestation devant un juge, le législateur a entaché les dispositions de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure d'une incompétence négative qui porte atteinte au droit à un recours effectif. Toutefois, une association dissoute sur ce fondement dispose encore de la capacité juridique pour contester, devant le juge administratif, la mesure de dissolution et obtenir, le cas échéant, la suspension de celle-ci par la voie de l'un des référés organisés par les articles L. 521-1 ou L. 521-2 du code de justice administrative, le juge saisi sur ce deuxième fondement devant statuer, en principe, dans un délai de 48 heures. Par suite, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure porterait atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit doit être écarté.

Sur le litige en référé :
7. Il ressort de la motivation du décret litigieux que, pour prononcer la dissolution, l'auteur du décret s'est fondé d'une part sur le fait que les messages publiés sur les comptes des réseaux sociaux de l'association et de son président ainsi que les commentaires qu'ils suscitaient provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence, d'autre part que les prises de position du président de l'association révélaient l'existence d'agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme.

Sur les conclusions à fin de suspension présentées sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'informé du projet de dissolution le 20 octobre 2020, le président de l'association a fait valoir des observations écrites le 23 octobre et ses conseils des observations orales le 26 octobre, préalablement à la mesure intervenue le 28 octobre. L'association ayant ainsi disposé d'un délai suffisant pour présenter utilement des observations, n'est par suite pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la mesure la méconnaissance du principe des droits de la défense.

10. En deuxième lieu, n'est pas propre à créer un tel doute la méconnaissance de l'obligation de motiver le décret litigieux dès lors que l'acte mentionne les dispositions citées ci-dessus des 6° et 7° de l'article L. 212-1 du code de sécurité intérieure puis, sans se borner à paraphraser celles-ci, expose les faits justifiant aux yeux de son auteur la mesure contestée, indiquant ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée. Si l'association a, au cours de ces échanges, présenté des observations et avancé des propositions, aucun texte ni aucun principe n'obligeait l'auteur du décret contesté à y répondre dans la motivation de celui-ci.

11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'association Barakacity, créée en 2010, fondée et présidée par M. C... N..., qui emploie 47 salariés en France et à l'étranger, a principalement pour objet social " la création, la promotion et le développement " d'actions humanitaires en France et à l'étranger. M. C... N... adresse sur les réseaux sociaux des messages, notamment en lien avec l'actualité nationale ou internationale, indifféremment à partir de ses comptes personnels ou de ceux l'association requérante, qui les uns comme les autres, comptent plusieurs dizaines de milliers d'abonnés. Eu égard à la circonstance que ces comptes sont étroitement liés, que l'intéressé, responsable de la communication de l'association, se présente ou est reconnu, en particulier par les médias, comme le principal dirigeant de cette association, dont aucun autre responsable ne parait s'exprimer au nom de celle-ci, le moyen tiré de ce que le décret ne pouvait sans erreur de droit, ni erreur de fait imputer à l'association les propos tenus par son président sur ses comptes personnels n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la mesure de dissolution.

12. Si ces messages traduisent depuis plusieurs années des positions polémiques sur des questions comme le conflit israélo-palestinien, la situation des Rohingyas en Birmanie, la situation politique en France ou encore les préceptes de l'islam, ils ne peuvent par eux-mêmes, alors même qu'ils seraient sans rapport avec l'objet humanitaire de l'association, être regardés comme entrant dans le champ des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Toutefois, d'une part, dans la période récente, certaines de ces prises de position comme celles émises, à la fin du mois d'août 2020 en marge des procès de l'attentat de Christchurch, glorifiant la mort en martyr, ou, au début du mois de septembre 2020 de l'attentat contre le journal " Charlie Hebdo " appelant de ses voeux des châtiments sur les victimes ou encore exposant à la vindicte publique, à la fin du mois de septembre 2020, des personnes nommément désignées en désaccord avec ses idées, incitent à la haine et à la violence. D'autre part, ces prises de position ont elles-mêmes suscité de nombreux commentaires antisémites, haineux, incitant à la violence et au meurtre que l'auteur du décret a pu prendre en compte afin d'établir le caractère provocateur des propos diffusés dès lors que l'association se borne à produire de rares et anciennes mises en garde aux internautes, ne faisant état d'aucune action récente visant à la suppression de ces commentaires. Ne sont, par suite, pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité du décret les moyens tirés de ce que l'auteur du décret aurait commis une erreur de droit et inexactement apprécié ces faits en voyant dans ces messages et ces commentaires des discours et des faits provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence ou les justifiant, de nature à permettre la dissolution de l'association sur le fondement de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, sans qui fasse obstacle l'objet social de l'association.

13. En dernier lieu, n'est pas plus de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la mesure contestée le moyen tiré de ce que celle-ci porterait atteinte à la liberté d'association, dès lors qu'une telle atteinte est justifiée par la gravité des dangers pour l'ordre public et la sécurité publique résultant des faits. Il en va de même, en tout état de cause, des moyens tirés de la méconnaissance du droit à la vie et du principe de fraternité.

14. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'urgence, les conclusions tendant à la suspension du décret attaqué sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin de suspension présentées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

15. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".

16. Il est soutenu par l'association requérante et les intervenants que le décret de dissolution porterait une atteinte grave et manifestement illégale au droit au travail, à la liberté du commerce et de l'industrie, à la liberté contractuelle, au libre exercice d'une profession, au droit de mener une vie familiale normale et au droit au respect de la dignité humaine. Toutefois, d'une part la mesure ne porte aucune atteinte par elle-même au droit de mener une vie familiale normale et au droit au respect de la dignité humaine, d'autre part et en tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 13 que l'atteinte portée aux autres libertés n'est pas, en l'état de l'instruction, manifestement illégale.

17. Par suite, les conclusions tendant à la suspension du décret attaqué sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doivent être rejetées.

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des requêtes et des interventions à ce titre.



O R D O N N E :
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Article 1er : les interventions de Mme A... G..., de M. F..., de Mme J... et de M. D... sont admises.
Article 2: Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association Barakacity.
Article 3: les requêtes n° 445774 et 445984 et les conclusions des intervenants présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Barakacity et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 novembre 2020 où siégeaient : M. Q... R..., président de la section du contentieux, présidant ; M. H... I... et Mme E... K..., conseillers d'Etat, juges des référés.