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Ariane Web: Conseil d'État 443970, lecture du 30 novembre 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:443970.20201130

Décision n° 443970
30 novembre 2020
Conseil d'État

N° 443970
ECLI:FR:CECHR:2020:443970.20201130
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
CABINET BRIARD, avocats


Lecture du lundi 30 novembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés les 11 septembre et 20 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société par actions simplifiée (SAS) Société de Gestion La Rotonde Montparnasse demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi contre l'arrêt n° 19PA02575 du 10 juillet 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel du ministre de l'action et des comptes publics, annulé le jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a, après avoir jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur du dégrèvement d'impôt sur les sociétés accordé par l'administration en cours d'instance et refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du IV de l'article L. 13, du troisième alinéa de l'article L. 57 et du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, accordé à la SAS Société de Gestion La Rotonde Montparnasse la décharge du surplus demeurant en litige des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2011, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 mai 2013 ainsi que des pénalités correspondantes, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la deuxième phrase de l'article L.13, du II de l'article L. 47 A et du troisième alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le livre des procédures fiscales, notamment ses articles L. 13, L. 47 A et L. 57 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société Société de Gestion La Rotonde ;




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé ". L'article 23-2 de la même ordonnance dispose que : " (...) Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ". Selon l'article 23-5 de cette ordonnance : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation. Le moyen est présenté, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé (...) ". Aux termes de l'article R.* 771-12 du code de justice administrative : " Lorsque, en application du dernier alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l'une des parties entend contester, à l'appui d'un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai d'appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission. / La contestation du refus de transmission par la voie du recours incident doit, de même, faire l'objet d'un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission. " L'article R.* 771-16 institue des règles analogues pour la contestation, à l'occasion d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat, d'un refus de transmission opposé par une cour administrative d'appel.

2. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un tribunal administratif a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus, à l'occasion de l'appel formé contre le jugement qui statue sur le litige, dans le délai de recours contentieux et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission précédemment opposé l'ait été par une décision distincte du jugement, dont il joint alors une copie, ou directement par ce jugement. Une telle contestation peut être formée sans condition de délai par le défendeur à l'appel, par la voie du recours incident. Les dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre à celui qui a déjà présenté une question prioritaire de constitutionnalité devant une juridiction statuant en première instance de s'affranchir des conditions, définies par les dispositions citées plus haut de la loi organique et du code de justice administrative, selon lesquelles le refus de transmission peut être contesté devant le juge d'appel puis, le cas échéant, devant le juge de cassation.

3. Par l'article 2 de son jugement du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du IV de l'article L. 13, du troisième alinéa de l'article L. 57 et du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et, par l'article 3, a fait droit à la requête de la société Société de Gestion La Rotonde Montparnasse. A l'occasion de l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre le jugement, la société n'a pas contesté devant la cour administrative d'appel, par la voie incidente, le refus de transmission ainsi opposé par le tribunal administratif. Dans ces conditions, si la société a entendu, sur le fondement de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, soumettre au Conseil d'Etat une question de constitutionnalité le 11 septembre 2020 à l'appui du pourvoi en cassation qu'elle a formé contre l'arrêt de la cour administrative statuant sur cet appel, il ne peut y être fait droit dès lors que cette question, fondée sur les mêmes griefs, porte sur les mêmes dispositions que celles soumises au tribunal administratif. Par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée.





D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Société de Gestion La Rotonde.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Société de Gestion La Rotonde et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


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