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Ariane Web: Conseil d'État 429768, lecture du 18 décembre 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:429768.20201218

Décision n° 429768
18 décembre 2020
Conseil d'État

N° 429768
ECLI:FR:CECHR:2020:429768.20201218
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. François Lelièvre, rapporteur
Mme Mireille Le Corre, rapporteur public
SCP BOULLOCHE, avocats


Lecture du vendredi 18 décembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une décision n° 429768 du 26 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission du pourvoi de la société Architecture Studio dirigé contre l'arrêt n° 16LY01591 du 14 février 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant seulement qu'il s'est prononcé sur les conclusions indemnitaires subsidiaires de cette société, tendant à son indemnisation au titre de frais qu'elle a exposés pour la présentation de son offre.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de la société Architecture Studio ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le centre hospitalier de Chambéry a lancé une consultation en vue de la passation d'un marché de conception réalisation portant sur la construction d'un nouveau bâtiment hospitalier. Le marché a été attribué, le 8 novembre 2010, au groupement représenté par la société GTM Bâtiment et Génie Civil de Lyon. La société Architecture Studio, membre du groupement représenté par la société Léon Grosse, dont l'offre a été classée en deuxième position, a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à l'annulation de ce marché et à l'indemnisation de ses préjudices résultant de son éviction irrégulière. Par un jugement du 3 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes. La société Architecture Studio se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 février 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel. Par une décision du 26 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission du pourvoi de la société Architecture Studio dirigé contre cet arrêt en tant seulement qu'il s'est prononcé sur les conclusions indemnitaires de la société, présentées à titre subsidiaire, tendant au remboursement des frais qu'elle a exposés pour la présentation de son offre.

2. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d'intérêt général.

3. Lorsque l'offre d'un candidat évincé était irrégulière et alors même que l'offre de l'attributaire l'était aussi, la circonstance que le pouvoir adjudicateur aurait été susceptible de faire usage, dans les conditions désormais prévues par l'article R. 2152-2 du code de la commande publique, de la faculté de l'autoriser à régulariser son offre n'est pas de nature, par elle-même, à ce qu'il soit regardé comme n'ayant pas été dépourvu de toute chance de remporter le contrat. Pour rejeter les conclusions de la société Architecture Studio tendant au remboursement des frais de présentation de son offre, la cour administrative d'appel de Lyon a relevé que cette offre n'était pas conforme à des éléments essentiels du " programme fonctionnel et spatial " dont le respect était exigé par le règlement de la consultation. Elle a pu en déduire, sans erreur de droit, et sans qu'elle fût tenue de relever, comme elle l'a fait, que l'offre n'était pas régularisable, que la société requérante était dépourvue de toute chance d'obtenir le contrat et n'avait ainsi droit à aucune indemnisation.

4. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Architecture Studio doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Architecture Studio est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Architecture Studio.
Copie en sera adressée au centre hospitalier de Chambéry.


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