Conseil d'État
N° 447374
ECLI:FR:CEORD:2020:447374.20201224
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SARL DIDIER, PINET ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du jeudi 24 décembre 2020
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat normand des fabricants de camembert demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'avis aux opérateurs économiques sur la protection de la dénomination enregistrée en appellation d'origine protégée " Camembert de Normandie " de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l'économie, des finances et de la relance et de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture et de l'alimentation du 9 juillet 2020, et de la décision de rejet née du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur sa demande du 31 août 2020 tendant au retrait de cet avis ;
2°) d'enjoindre à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de publier, tant sur la page d'accueil de son site internet que sur la page publiant l'avis du 9 juillet 2020, un encart indiquant que par ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat, la décision de modifier l'étiquetage des camemberts ne bénéficiant pas de l'appellation d'origine protégée et portant la mention " fabriqué en Normandie ", a été suspendue, sous astreinte de 750 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'avis attaqué remet en cause une situation acquise depuis de nombreuses années en ne laissant aux producteurs concernés qu'un bref délai pour mettre en conformité tant leurs stocks que leurs campagnes de promotion ;
- l'avis attaqué est illégal en ce qu'il porte atteinte aux droits acquis de ses adhérents dès lors que, la mention " fabriqué en Normandie " est antérieure à la création de l'appellation d'origine protégée (AOP) " Camembert de Normandie " et a toujours été admise par les autorités compétentes, la création de l'AOP n'ayant été acceptée qu'à la condition expresse que cette mention subsiste ;
- la mention " fabriqué en Normandie " apposée sur l'étiquette d'un fromage de type camembert ne constitue pas une utilisation commerciale directe ou indirecte ou encore une usurpation, imitation ou évocation de l'AOP " Camembert de Normandie ", et n'est dès lors pas prohibée par l'article 13 du règlement (UE) n° 1151/2012 ;
- l'avis litigieux crée une rupture d'égalité entre les fabricants de camembert hors AOP dès lors que le camembert hors AOP fabriqué ailleurs qu'en Normandie peut porter la mention de sa région de fabrication.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 18 décembre 2020, l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) conclut au rejet de la requête. Il soutient son intervention est recevable, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
le règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 ;
le code rural ;
le code de la propriété intellectuelle ;
le décret n° 2007-628 du 27 avril 2007 ;
le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le Syndicat normand des fabricants de camembert, et d'autre part, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et l'Institut national de l'origine et de la qualité ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 21 décembre 2020, à 10 heures :
- Me François Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Syndicat normand des fabricants de camembert ;
- les représentants du ministre de l'économie, des finances et de la relance ;
- les représentantes du ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;
- Me Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
Sur l'intervention de l'Institut national de l'origine et de la qualité :
1. L'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a intérêt au maintien en vigueur de l'avis attaqué. Par suite, son intervention est recevable.
Sur la demande de suspension :
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (...) "
3. Il résulte de l'instruction que, par un avis aux opérateurs économiques sur la protection de la dénomination enregistrée en appellation d'origine protégée (AOP) " Camembert de Normandie ", publié le 9 juillet 2020 sur le site internet de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l'administration a fait savoir que : " la mise en exergue de la mention "fabriqué en Normandie", n'est pas possible sur un fromage ne répondant pas au cahier des charges de l'AOP car elle est de nature à constituer une violation de l'article 13 du règlement 1151/2012 et (de) l'article L. 722 du code de la propriété intellectuelle. Cette règle est valable aussi bien pour les produits mis sur le marché dans l'UE que pour les produits exportés dans des pays disposant d'accord de réciprocité avec l'UE. " L'avis accorde aux opérateurs concernés un délai expirant le 31 décembre 2020 pour mettre en conformité leur étiquetage, les invitant à " prendre l'attache de la Direction départementale (de la cohésion sociale) et de la protection des populations (DD(CS)PP) dont (ils) dépendent et apporter l'état des stocks d'étiquettes restantes ainsi que les factures d'achat des emballages ". Il précise que, passé ce délai, " les autorités en charge du contrôle et de la protection de ces dénominations (DGCCRF et INAO) actionneront toutes les voies de droit nécessaires à la pleine protection de la dénomination protégée "camembert de Normandie" ". Le Syndicat normand des fabricants de camembert demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cet avis ainsi que de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a rejeté sa demande tendant à son retrait.
Sur la recevabilité :
4. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. Il appartient au juge d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s'il fixe une règle nouvelle entachée d'incompétence, si l'interprétation du droit positif qu'il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s'il est pris en vue de la mise en oeuvre d'une règle contraire à une norme juridique supérieure.
5. Depuis la protection de la dénomination " Camembert de Normandie " en 1983, les dispositions réglementaires de droit interne, puis la pratique administrative, ont laissé coexister sur le marché les fromages répondant au cahier des charges de l'AOP, seuls autorisés à porter la mention " camembert de Normandie ", et des fromages portant la dénomination " camembert " et conformes à la définition de ce produit résultant du décret du 27 avril 2007 relatif aux fromages et spécialités fromagères visé ci-dessus, ainsi que la mention " fabriqué en Normandie ", mais à base de lait pasteurisé ou thermisé, et ne pouvant, de ce seul fait, bénéficier de l'AOP, qui est réservée aux fromages élaborés à partir de lait cru. En mettant un terme à la tolérance administrative dont cette seconde catégorie de fromages bénéficiait, l'avis contesté est susceptible d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de le mettre en oeuvre. Le Syndicat normand des fabricants de camembert, qui regroupe les producteurs de camembert fabriqué en Normandie mais ne bénéficiant pas de l'AOP, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation au juge de l'excès de pouvoir. Ayant présenté au ministre de l'économie, des finances et de la relance, dans les deux mois de la publication de cet avis, une demande d'abrogation, qui a été implicitement rejetée du fait du silence gardé par le ministre, sa requête n'est pas tardive. Ainsi, en l'absence d'irrecevabilité manifeste de sa requête au fond, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 447234, sa requête tendant à ce que soit ordonnée, en référé, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette note est recevable.
Sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'avis litigieux :
En ce qui concerne l'atteinte portée aux droits des fabricants de camembert hors AOP :
6. Tant le décret n° 83-778 du 31 août 1983 relatif à l'appellation d'origine " Camembert de Normandie " que le décret n° 86-1361 du 29 décembre 1986 relatif à l'appellation d'origine " Camembert de Normandie " qui l'a abrogé et remplacé disposaient au second alinéa de leur article 7 : " Sous réserve des dispositions qui précèdent, l'emploi de la mention "Fabriqué en Normandie" est autorisé pour l'indication du lieu de fabrication prévu par la réglementation relative aux fromages, sur l'étiquetage des camemberts ne bénéficiant pas de l'appellation d'origine. " Toutefois, l'article 7 du décret du 29 décembre 1986 a été abrogé par l'article 3 du décret n° 2008-984 du 18 septembre 2008 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Camembert de Normandie ". Le règlement d'exécution (UE) n° 1209/2013 de la Commission européenne du 25 novembre 2013, qui a approuvé en dernier lieu le cahier des charges de l'appellation d'origine protégée " camembert de Normandie ", ne contient aucune prescription relative à l'emploi de la mention " fabriqué en Normandie ", pas davantage qu'aucune disposition législative ou réglementaire du droit de l'Union comme du droit interne. Si, durant plusieurs années, postérieurement à l'intervention du décret du 18 septembre 2008, l'administration n'a pris aucune mesure à l'égard des camemberts étiquetés " fabriqué en Normandie ", afin de laisser à l'ensemble des producteurs concernés la possibilité de s'entendre sur un aménagement du cahier des charges de l'AOP, cette circonstance ne saurait avoir créé, au profit des producteurs de camembert hors AOP, de droit à porter atteinte à la protection attachée à l'AOP. Par suite, et en tout état de cause, le Syndicat normand des fabricants de camembert ne peut utilement soutenir que l'avis qu'il conteste porterait atteinte aux droits des fabricants de camembert hors AOP, alors, au demeurant, que nul n'a de droit au maintien d'un règlement.
En ce qui concerne la protection qui s'attache à la dénomination " Camembert de Normandie " :
7. Aux termes de l'article 13 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, visé ci-dessus : " 1. Les dénominations enregistrées sont protégées contre : / a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée à l'égard des produits non couverts par l'enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu'ingrédients ; / b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d'une expression telle que " genre ", " type ", " méthode ", " façon ", " imitation ", ou d'une expression similaire, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu'ingrédients ; / c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un récipient de nature à créer une impression erronée sur l'origine du produit ; / d) toute autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. / Lorsqu'une appellation d'origine protégée ou une indication géographique protégée contient en elle-même le nom d'un produit considéré comme générique, l'utilisation de ce nom générique n'est pas considérée comme contraire au premier alinéa, point a) ou b). / 2. Les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées ne peuvent pas devenir génériques. / 3. Les États membres prennent les mesures administratives ou judiciaires appropriées pour prévenir ou arrêter l'utilisation illégale visée au paragraphe 1 d'appellations d'origine protégées ou d'indications géographiques protégées qui sont produites ou commercialisées sur leur territoire. (...) " Aux termes de l'article L. 722-1 du code de la propriété intellectuelle : " Toute atteinte portée à une indication géographique en violation de la protection qui lui est accordée par le droit de l'Union européenne ou la législation nationale constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur. / Pour l'application du présent chapitre, on entend par "indication géographique" : / a) Les appellations d'origine définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation ; / b) Les indications géographiques définies à l'article L. 721-2 ; / c) Les appellations d'origine et les indications géographiques protégées en vertu du droit de l'Union européenne ; / Sont interdits la production, l'offre, la vente, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, le transbordement, l'utilisation ou la détention à ces fins de biens dont la présentation porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à une indication géographique. " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 643-2 du code rural : " L'utilisation d'indication d'origine ou de provenance ne doit pas être susceptible d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du produit, de détourner ou d'affaiblir la notoriété d'une dénomination reconnue comme appellation d'origine ou enregistrée comme indication géographique ou comme spécialité traditionnelle garantie, ou, de façon plus générale, de porter atteinte, notamment par l'utilisation abusive d'une mention géographique dans une dénomination de vente, au caractère spécifique de la protection réservée aux appellations d'origine, aux indications géographiques et aux spécialités traditionnelles garanties. "
8. La dénomination " camembert de Normandie " constitue, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, une appellation d'origine protégée au sens du titre II du règlement (UE) n° 1151/2012. Elle bénéficie, par suite, de la protection résultant des dispositions citées au point 7. Si tout fromage répondant aux prescriptions du décret du 27 avril 2007 visé ci-dessus concernant le produit dénommé " camembert " peut, conformément au dernier alinéa du 1 de l'article 13 du règlement précité, utiliser la dénomination " camembert ", dont il est constant qu'elle présente un caractère générique, il résulte de ces dispositions qu'il ne peut le faire que dans des conditions qui ne sont pas de nature à porter atteinte à la protection attachée à la dénomination " camembert de Normandie ". Est susceptible de porter atteinte à celle-ci, ainsi que l'expose l'avis litigieux, qui n'a, sur ce point, pas entendu édicter une prescription générale dispensant d'un examen au cas par cas, la " mise en exergue " de la mention " fabriqué en Normandie " dans des conditions, tenant notamment à la composition de l'étiquette, à la typographie utilisée, au graphisme, de nature à induire un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs. Le syndicat requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'avis contesté méconnaît les dispositions citées au point 7, notamment celles de l'article 13 du règlement (UE) n° 1151/2012.
En ce qui concerne le principe d'égalité :
9. L'avis contesté n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire aux fabricants de camembert hors AOP d'assortir leur produit d'une indication d'origine géographique, dès lors que celle-ci ne mentionne pas la Normandie. Il n'introduit aucune rupture d'égalité avec les fabricants qui élaborent leur produit dans une autre région, eu égard à l'impératif de protection de l'AOP " Camembert de Normandie ".
10. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par le Syndicat normand des fabricants de camembert n'apparaît propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'avis qu'il conteste. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, sa requête tendant à ce que soit ordonnée, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cet avis doit être rejetée.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : L'intervention de l'INAO est admise.
Article 2 : la requête du Syndicat normand des fabricants de camembert est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat normand des fabricants de camembert, au ministre de l'économie, des finances et de la relance, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à l'Institut national de l'origine et de la qualité.
N° 447374
ECLI:FR:CEORD:2020:447374.20201224
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SARL DIDIER, PINET ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du jeudi 24 décembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat normand des fabricants de camembert demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'avis aux opérateurs économiques sur la protection de la dénomination enregistrée en appellation d'origine protégée " Camembert de Normandie " de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l'économie, des finances et de la relance et de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture et de l'alimentation du 9 juillet 2020, et de la décision de rejet née du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur sa demande du 31 août 2020 tendant au retrait de cet avis ;
2°) d'enjoindre à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de publier, tant sur la page d'accueil de son site internet que sur la page publiant l'avis du 9 juillet 2020, un encart indiquant que par ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat, la décision de modifier l'étiquetage des camemberts ne bénéficiant pas de l'appellation d'origine protégée et portant la mention " fabriqué en Normandie ", a été suspendue, sous astreinte de 750 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'avis attaqué remet en cause une situation acquise depuis de nombreuses années en ne laissant aux producteurs concernés qu'un bref délai pour mettre en conformité tant leurs stocks que leurs campagnes de promotion ;
- l'avis attaqué est illégal en ce qu'il porte atteinte aux droits acquis de ses adhérents dès lors que, la mention " fabriqué en Normandie " est antérieure à la création de l'appellation d'origine protégée (AOP) " Camembert de Normandie " et a toujours été admise par les autorités compétentes, la création de l'AOP n'ayant été acceptée qu'à la condition expresse que cette mention subsiste ;
- la mention " fabriqué en Normandie " apposée sur l'étiquette d'un fromage de type camembert ne constitue pas une utilisation commerciale directe ou indirecte ou encore une usurpation, imitation ou évocation de l'AOP " Camembert de Normandie ", et n'est dès lors pas prohibée par l'article 13 du règlement (UE) n° 1151/2012 ;
- l'avis litigieux crée une rupture d'égalité entre les fabricants de camembert hors AOP dès lors que le camembert hors AOP fabriqué ailleurs qu'en Normandie peut porter la mention de sa région de fabrication.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 18 décembre 2020, l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) conclut au rejet de la requête. Il soutient son intervention est recevable, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
le règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 ;
le code rural ;
le code de la propriété intellectuelle ;
le décret n° 2007-628 du 27 avril 2007 ;
le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le Syndicat normand des fabricants de camembert, et d'autre part, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et l'Institut national de l'origine et de la qualité ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 21 décembre 2020, à 10 heures :
- Me François Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Syndicat normand des fabricants de camembert ;
- les représentants du ministre de l'économie, des finances et de la relance ;
- les représentantes du ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;
- Me Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
Sur l'intervention de l'Institut national de l'origine et de la qualité :
1. L'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a intérêt au maintien en vigueur de l'avis attaqué. Par suite, son intervention est recevable.
Sur la demande de suspension :
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (...) "
3. Il résulte de l'instruction que, par un avis aux opérateurs économiques sur la protection de la dénomination enregistrée en appellation d'origine protégée (AOP) " Camembert de Normandie ", publié le 9 juillet 2020 sur le site internet de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l'administration a fait savoir que : " la mise en exergue de la mention "fabriqué en Normandie", n'est pas possible sur un fromage ne répondant pas au cahier des charges de l'AOP car elle est de nature à constituer une violation de l'article 13 du règlement 1151/2012 et (de) l'article L. 722 du code de la propriété intellectuelle. Cette règle est valable aussi bien pour les produits mis sur le marché dans l'UE que pour les produits exportés dans des pays disposant d'accord de réciprocité avec l'UE. " L'avis accorde aux opérateurs concernés un délai expirant le 31 décembre 2020 pour mettre en conformité leur étiquetage, les invitant à " prendre l'attache de la Direction départementale (de la cohésion sociale) et de la protection des populations (DD(CS)PP) dont (ils) dépendent et apporter l'état des stocks d'étiquettes restantes ainsi que les factures d'achat des emballages ". Il précise que, passé ce délai, " les autorités en charge du contrôle et de la protection de ces dénominations (DGCCRF et INAO) actionneront toutes les voies de droit nécessaires à la pleine protection de la dénomination protégée "camembert de Normandie" ". Le Syndicat normand des fabricants de camembert demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cet avis ainsi que de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a rejeté sa demande tendant à son retrait.
Sur la recevabilité :
4. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. Il appartient au juge d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s'il fixe une règle nouvelle entachée d'incompétence, si l'interprétation du droit positif qu'il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s'il est pris en vue de la mise en oeuvre d'une règle contraire à une norme juridique supérieure.
5. Depuis la protection de la dénomination " Camembert de Normandie " en 1983, les dispositions réglementaires de droit interne, puis la pratique administrative, ont laissé coexister sur le marché les fromages répondant au cahier des charges de l'AOP, seuls autorisés à porter la mention " camembert de Normandie ", et des fromages portant la dénomination " camembert " et conformes à la définition de ce produit résultant du décret du 27 avril 2007 relatif aux fromages et spécialités fromagères visé ci-dessus, ainsi que la mention " fabriqué en Normandie ", mais à base de lait pasteurisé ou thermisé, et ne pouvant, de ce seul fait, bénéficier de l'AOP, qui est réservée aux fromages élaborés à partir de lait cru. En mettant un terme à la tolérance administrative dont cette seconde catégorie de fromages bénéficiait, l'avis contesté est susceptible d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de le mettre en oeuvre. Le Syndicat normand des fabricants de camembert, qui regroupe les producteurs de camembert fabriqué en Normandie mais ne bénéficiant pas de l'AOP, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation au juge de l'excès de pouvoir. Ayant présenté au ministre de l'économie, des finances et de la relance, dans les deux mois de la publication de cet avis, une demande d'abrogation, qui a été implicitement rejetée du fait du silence gardé par le ministre, sa requête n'est pas tardive. Ainsi, en l'absence d'irrecevabilité manifeste de sa requête au fond, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 447234, sa requête tendant à ce que soit ordonnée, en référé, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette note est recevable.
Sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'avis litigieux :
En ce qui concerne l'atteinte portée aux droits des fabricants de camembert hors AOP :
6. Tant le décret n° 83-778 du 31 août 1983 relatif à l'appellation d'origine " Camembert de Normandie " que le décret n° 86-1361 du 29 décembre 1986 relatif à l'appellation d'origine " Camembert de Normandie " qui l'a abrogé et remplacé disposaient au second alinéa de leur article 7 : " Sous réserve des dispositions qui précèdent, l'emploi de la mention "Fabriqué en Normandie" est autorisé pour l'indication du lieu de fabrication prévu par la réglementation relative aux fromages, sur l'étiquetage des camemberts ne bénéficiant pas de l'appellation d'origine. " Toutefois, l'article 7 du décret du 29 décembre 1986 a été abrogé par l'article 3 du décret n° 2008-984 du 18 septembre 2008 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Camembert de Normandie ". Le règlement d'exécution (UE) n° 1209/2013 de la Commission européenne du 25 novembre 2013, qui a approuvé en dernier lieu le cahier des charges de l'appellation d'origine protégée " camembert de Normandie ", ne contient aucune prescription relative à l'emploi de la mention " fabriqué en Normandie ", pas davantage qu'aucune disposition législative ou réglementaire du droit de l'Union comme du droit interne. Si, durant plusieurs années, postérieurement à l'intervention du décret du 18 septembre 2008, l'administration n'a pris aucune mesure à l'égard des camemberts étiquetés " fabriqué en Normandie ", afin de laisser à l'ensemble des producteurs concernés la possibilité de s'entendre sur un aménagement du cahier des charges de l'AOP, cette circonstance ne saurait avoir créé, au profit des producteurs de camembert hors AOP, de droit à porter atteinte à la protection attachée à l'AOP. Par suite, et en tout état de cause, le Syndicat normand des fabricants de camembert ne peut utilement soutenir que l'avis qu'il conteste porterait atteinte aux droits des fabricants de camembert hors AOP, alors, au demeurant, que nul n'a de droit au maintien d'un règlement.
En ce qui concerne la protection qui s'attache à la dénomination " Camembert de Normandie " :
7. Aux termes de l'article 13 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, visé ci-dessus : " 1. Les dénominations enregistrées sont protégées contre : / a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée à l'égard des produits non couverts par l'enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu'ingrédients ; / b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d'une expression telle que " genre ", " type ", " méthode ", " façon ", " imitation ", ou d'une expression similaire, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu'ingrédients ; / c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un récipient de nature à créer une impression erronée sur l'origine du produit ; / d) toute autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. / Lorsqu'une appellation d'origine protégée ou une indication géographique protégée contient en elle-même le nom d'un produit considéré comme générique, l'utilisation de ce nom générique n'est pas considérée comme contraire au premier alinéa, point a) ou b). / 2. Les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées ne peuvent pas devenir génériques. / 3. Les États membres prennent les mesures administratives ou judiciaires appropriées pour prévenir ou arrêter l'utilisation illégale visée au paragraphe 1 d'appellations d'origine protégées ou d'indications géographiques protégées qui sont produites ou commercialisées sur leur territoire. (...) " Aux termes de l'article L. 722-1 du code de la propriété intellectuelle : " Toute atteinte portée à une indication géographique en violation de la protection qui lui est accordée par le droit de l'Union européenne ou la législation nationale constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur. / Pour l'application du présent chapitre, on entend par "indication géographique" : / a) Les appellations d'origine définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation ; / b) Les indications géographiques définies à l'article L. 721-2 ; / c) Les appellations d'origine et les indications géographiques protégées en vertu du droit de l'Union européenne ; / Sont interdits la production, l'offre, la vente, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, le transbordement, l'utilisation ou la détention à ces fins de biens dont la présentation porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à une indication géographique. " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 643-2 du code rural : " L'utilisation d'indication d'origine ou de provenance ne doit pas être susceptible d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du produit, de détourner ou d'affaiblir la notoriété d'une dénomination reconnue comme appellation d'origine ou enregistrée comme indication géographique ou comme spécialité traditionnelle garantie, ou, de façon plus générale, de porter atteinte, notamment par l'utilisation abusive d'une mention géographique dans une dénomination de vente, au caractère spécifique de la protection réservée aux appellations d'origine, aux indications géographiques et aux spécialités traditionnelles garanties. "
8. La dénomination " camembert de Normandie " constitue, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, une appellation d'origine protégée au sens du titre II du règlement (UE) n° 1151/2012. Elle bénéficie, par suite, de la protection résultant des dispositions citées au point 7. Si tout fromage répondant aux prescriptions du décret du 27 avril 2007 visé ci-dessus concernant le produit dénommé " camembert " peut, conformément au dernier alinéa du 1 de l'article 13 du règlement précité, utiliser la dénomination " camembert ", dont il est constant qu'elle présente un caractère générique, il résulte de ces dispositions qu'il ne peut le faire que dans des conditions qui ne sont pas de nature à porter atteinte à la protection attachée à la dénomination " camembert de Normandie ". Est susceptible de porter atteinte à celle-ci, ainsi que l'expose l'avis litigieux, qui n'a, sur ce point, pas entendu édicter une prescription générale dispensant d'un examen au cas par cas, la " mise en exergue " de la mention " fabriqué en Normandie " dans des conditions, tenant notamment à la composition de l'étiquette, à la typographie utilisée, au graphisme, de nature à induire un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs. Le syndicat requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'avis contesté méconnaît les dispositions citées au point 7, notamment celles de l'article 13 du règlement (UE) n° 1151/2012.
En ce qui concerne le principe d'égalité :
9. L'avis contesté n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire aux fabricants de camembert hors AOP d'assortir leur produit d'une indication d'origine géographique, dès lors que celle-ci ne mentionne pas la Normandie. Il n'introduit aucune rupture d'égalité avec les fabricants qui élaborent leur produit dans une autre région, eu égard à l'impératif de protection de l'AOP " Camembert de Normandie ".
10. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par le Syndicat normand des fabricants de camembert n'apparaît propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'avis qu'il conteste. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, sa requête tendant à ce que soit ordonnée, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cet avis doit être rejetée.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de l'INAO est admise.
Article 2 : la requête du Syndicat normand des fabricants de camembert est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat normand des fabricants de camembert, au ministre de l'économie, des finances et de la relance, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à l'Institut national de l'origine et de la qualité.