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Ariane Web: Conseil d'État 438275, lecture du 18 janvier 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:438275.20210118

Décision n° 438275
18 janvier 2021
Conseil d'État

N° 438275
ECLI:FR:CECHS:2021:438275.20210118
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
Mme Cécile Nissen, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP ZRIBI, TEXIER, avocats


Lecture du lundi 18 janvier 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler son évaluation professionnelle au titre de l'année 2015 et la majoration d'ancienneté d'un mois dont elle a été assortie, d'enjoindre à l'administration de le promouvoir au grade d'administrateur des finances publiques adjoint (AFIPA) et de lui verser une indemnité égale à trente-six points d'indice pendant six mois à taux plein puis quinze ans à taux réduit. Par un jugement n° 1700372 du 29 janvier 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé le refus de la commission administrative paritaire nationale de demander la révision de l'évaluation de M. A..., et a rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 18LY01277 du 5 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire enregistrés les 5 février, 24 août et 19 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 19 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 26 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article
61-1 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 10 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, notamment son article 26 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. A... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 janvier 2021, présentée par M. A... ;


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. En vertu du second alinéa de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressément prévus par la réglementation en vigueur, notamment en matière de liberté d'accès aux documents administratifs, les fonctionnaires ne peuvent être déliés de cette obligation de discrétion professionnelle que par décision expresse de l'autorité dont ils dépendent ".

3. A l'appui de sa question prioritaire de constitutionnalité, le requérant soutient que cet alinéa méconnaît les exigences de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'il interdit aux fonctionnaires de divulguer, sans l'accord de leur supérieur hiérarchique, tout fait, information et document dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions, sans faire de distinction quant à la nature des éléments divulgués, quant à l'objectif de leur diffusion, et quant aux conséquences de cette divulgation.

4. Toutefois, d'une part, la disposition contestée prévoit la possibilité pour un fonctionnaire d'être délié de son obligation de discrétion professionnelle par décision de l'autorité hiérarchique dont il dépend, seule compétente pour prendre les mesures nécessaires au respect par les agents, dans leurs relations avec les médias, de cette obligation de discrétion. D'autre part, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle entend prendre en compte, au titre de l'appréciation de la valeur professionnelle ou d'une procédure disciplinaire, le comportement de l'agent au regard de l'obligation de discrétion professionnelle, de tenir compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, notamment, de la nature des éléments divulgués, de l'objectif et des modalités de leur diffusion ainsi que des conséquences de cette divulgation. L'ensemble de ces éléments est de nature à garantir, pour les besoins de l'application de la disposition législative contestée, la nécessaire conciliation entre, d'une part, les exigences du service public et, d'autre part, le respect de la liberté d'expression et de communication. Ainsi, le moyen tiré de ce que le second alinéa de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 porte une atteinte disproportionnée à cette liberté ne peut être regardé comme soulevant une question sérieuse.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux.



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au ministre de l'économie, des finances et de la relance, et à la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.